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Dossier : Réforme de la PAC

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Agroécologie

Quelle Pac pour favoriser la transition ?


TNC le 10/11/2020 à 06:Nov
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Si le dispositif de soutiens directs aux revenus agricoles montre un certain nombre de limites, quels leviers peut-on activer pour faire de la Pac un outil efficace en faveur de la transition des agricultures européennes, au regard des enjeux environnementaux et climatiques ?

Dans la Pac actuelle, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) constituent l’instrument principal de la transition des systèmes agricoles européens vers des pratiques agro-écologiques. Très flexibles, ces mesures ont plusieurs défauts : elles sont difficiles à élaborer, à administrer, à contrôler, et si elles permettent effectivement des bénéfices environnementaux à l’échelle de l’exploitation, elles ne permettent pas une transition à grande échelle, rappellent Benoit Dedieu, Cécile Détang-Dessendre, Pierre Dupraz, Michel Duru, Hervé Guyomard et Olivier Thérond dans le chapitre « Pac et transition agro-écologique » de l’ouvrage « Quelle politique agricole commune demain ? », publié en juin 2020 aux éditions Quae.

Il apparaît nécessaire de faire évoluer ces MAEC d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, en conditionnant et proportionnant les paiements octroyés aux bénéfices environnementaux générés, « dans le cadre d’une application plus stricte du principe fournisseur-bénéficiaire » (opposé au principe pollueur-payeur), « qui permettra de mieux légitimer les soutiens aux yeux des contribuables et des citoyens », indiquent les auteurs. Avec plusieurs avantages : une plus grande liberté de techniques pour les agriculteurs, et une plus grande lisibilité du dispositif pour l’administration.

C’est également un pas de plus vers le développement de paiements pour services environnementaux, qui permettraient de recourir à des financements privés pour donner plus d’ampleur à la transition agricole, alors que les budgets publics s’avèrent de plus en plus contraints.

Lire aussi : Changement climatique : les paiements pour services environnementaux plébiscités

Il faut « une Pac réellement centrée sur la transition agro-écologique des systèmes agricoles, avec une correction des défaillances de marché et la fourniture de biens publics liés à la protection de l’environnement et aux préoccupations de santé publique. Pour prendre en compte ces enjeux à travers une transition des agricultures européennes, « il faut que la Pac ait des objectifs et des instruments permettant de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre, tout en assurant la fonction économique. On cherche des dispositifs qui permettent d’associer les deux, par exemple, si vous avez des conditions fortes par rapport à l’environnement, cela justifie une rémunération pour stockage du carbone », explique Hervé Guyomard.

Voir l’article : Pac et revenus agricoles : pourquoi la légitimité des aides directes est-elle souvent remise en cause ?

Gestion des risques, répartition de la valeur, des enjeux complémentaires

Cette réflexion ne doit pas éclipser les autres enjeux auxquels la nouvelle Pac doit répondre. La question de la répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire est aujourd’hui une problématique de premier plan dans la plupart des pays européens, et si les politiques publiques tentent de corriger un rapport de force qui favorise nettement l’aval, les solutions actuelles ne sont pas satisfaisantes. Et si la Pac peut inciter les producteurs à se regrouper davantage, ce travail ne pourra s’affranchir d’évolutions en matière de droit à la concurrence.

Lire également : Négociations commerciales : le gouvernement promet d’intervenir « avec détermination »

Par ailleurs, face à l’augmentation des aléas climatiques, parallèlement à la disparition progressive des mesures de gestion directe des marchés dans la Pac, la question de la gestion des risques est également cruciale. Si plusieurs instruments sont disponibles dans la Pac (soutien à l’assurance et aux fonds mutuels, instrument de stabilisation des revenus agricoles, dispositif de gestion des risques), ils restent peu mobilisés par les États membres. Ces derniers sont par ailleurs très divisés quant aux mesures à mettre en place dans la nouvelle Pac.

Quel apport du Green Deal ?

Enfin, parallèlement à la réforme de la Pac, amorcée avant son élection, la Commission européenne a dévoilé la stratégie globale de sa mandature, le Green Deal (Pacte Vert). Ce Green Deal est « très ambitieux pour l’économie européenne, et en particulier pour l’agriculture. Son premier objectif est la neutralité carbone à horizon 2050. Il faut regarder comment l’agriculture et les systèmes alimentaires vont travailler à cette neutralité carbone », explique Hervé Guyomard. D’autre part, le Green Deal aborde également les systèmes alimentaires, dans le but d’établir un ensemble cohérent allant de la production primaire jusqu’à la consommation finale. Si la Pac agit sur la question agricole, « il faut compléter par des politiques à la demande, en lien avec les problématiques de santé, d’obésité, et des politiques sur l’alimentation », indique également le directeur de recherche à Inrae.  

Lire aussi : Green Deal, Covid-19 et nouvelle Pac : la Commission européenne face au défi de la cohérence

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