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Dossier : Réforme de la PAC

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Biodiversité

La Pac jugée « inefficace » pour la protéger


TNC le 10/06/2020 à 15:Jun
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Dans un rapport publié début juin, la Cour des comptes européenne a évalué l’impact de la Pac sur la préservation de la biodiversité sur les terres agricoles, la jugeant « inefficace », notamment en raison d’exigences de verdissement trop faibles, et du manque de suivi des dépenses.

L’objectif « Agriculture » de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020 « ne sera pas atteint », estime la Cour des comptes européenne dans un rapport publié le 5 juin et portant sur la contribution de la Pac dans la préservation de la biodiversité des terres agricoles. Il s’agissait notamment d’améliorer sensiblement l’état de conservation des espèces et des habitats tributaires de l’agriculture ou subissant ses effets, et d’améliorer la fourniture des services écosystémiques par rapport au niveau de référence fixé par l’UE en 2010. Entre 2014 et 2020, 8,1 % du budget de l’UE, soit 86 milliards d’euros est consacré à la biodiversité. Sur ces 86 milliards, 66 proviennent de la Pac.

Dans un rapport de 2019, l’agence européenne pour l’environnement estime pourtant que l’intensification agricole reste l’une des principales causes de perte de biodiversité et de dégradations des écosystèmes en Europe. L’agriculture est même responsable de 46 % des pressions sur les habitats de prairies dans les zones Natura 2000, la pression urbaine ou celle des espèces exotiques problématiques ne représentant chacune que 9 %. Depuis 1990, les populations d’oiseaux des champs et de papillons de prairies ont diminué de 30 %, rappelle la Cour des comptes européenne.

Lire aussi : 25 % des terres en bio et une réduction de 50 % des phytos d’ici 2030

Des soutiens directs sans impact

Pourtant, un certain nombre de mesures sont prévues par l’UE, notamment dans la Pac, en faveur de la préservation de la biodiversité. Cependant, « la grande majorité des régimes de paiements directs dans l’UE n’ont pas d’impact direct mesurable sur la biodiversité des terres agricoles », avec parfois un impact négatif du soutien couplé facultatif, puisque « ce mécanisme lie environ 10 % du budget de l’UE affecté aux paiements directs à la culture ou l’élevage d’espèces végétales ou animales spécifiques ; il incite donc à maintenir (ou à augmenter) le niveau de l’activité soutenue », relève la Cour des comptes de l’UE.

Le rapport note également que la Commission « surestime » le montant des dépenses consacrées à la préservation de la biodiversité. « Elle ne procède ni au suivi ni à la compensation des dépenses effectuées dans le cadre de programmes qui pourraient avoir une incidence négative sur la biodiversité des terres agricoles ».

S’appuyer davantage sur le verdissement

Par ailleurs, les exigences de verdissement sont jugées trop faibles par la Cour des comptes qui estimait déjà, dans un rapport de 2017, que « les agriculteurs n’avaient introduit des éléments d’intérêt écologique que sur quelque 3,5 % des terres arables, soit au plus 2 % de l’ensemble des terres agricoles de l’UE ». Ce verdissement, qui repose sur trois pratiques (diversification des cultures, prairies permanentes, et surfaces d’intérêt écologique) possède pourtant un potentiel réel pour enrayer la perte de biodiversité, mais ce potentiel est sous-exploité.

Ainsi, ces exigences « ne s’appliquent pas aux exploitations relevant du régime des petits agriculteurs ou aux exploitations agricoles « écologiques par définition », telles que les exploitations biologiques ou celles constituées à plus de 75 % de prairies permanentes ». En 2015, 24 % des exploitations agricoles de l’UE étaient concernées par au moins une obligation relative au verdissement, ces exploitations couvrant 73 % des terres agricoles de l’UE, rappelle la Cour des comptes. L’organisation souligne aussi les faiblesses du système actuel : la diversification des cultures, qui entraîne rarement un changement de pratique dans la gestion des terres, est « la mesure la moins utile pour la préservation de la biodiversité », juge la Cour des Comptes, qui déplore également un manque de suivi concernant les prairies permanentes.

En revanche, le rapport met en avant les mesures de développement rural qui contribuent le plus à la préservation de la biodiversité, à savoir les MAEC, les mesures relatives à l’agriculture biologique, et la mesure Natura 2000.

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Recommandations pour après 2020

La Cour des comptes recommande donc à l’UE de mieux coordonner sa stratégie post-2020 en faveur de la biodiversité, « notamment en renforçant le suivi des dépenses ». La contribution des paiements directs à la biodiversité des terres agricoles doit également être renforcée, ainsi que celle du développement rural (notamment dans le cadre des plans stratégiques des États membres). Enfin, elle demande l’élaboration d’indicateurs fiables permettant d’évaluer l’impact de la Pac sur la biodiversité des terres agricoles, ces indicateurs étant aujourd’hui lacunaires (les données ne sont pas disponibles dans tous les États membres) et insuffisamment précis.

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