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Green Deal, Covid-19 et nouvelle Pac

La Commission face au défi de la cohérence


TNC le 19/10/2020 à 18:02
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La réforme de la politique agricole commune doit être votée cette semaine par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne. Problème : cette réforme est en partie basée sur les rapports élaborés par les députés de la précédente Commission, entre 2017 et 2019. Depuis, la Commission Von der Layen, élue en 2019, a dévoilé son Pacte Vert (Green Deal). La cohérence entre les deux est-elle possible, dans un contexte modifié par la crise sanitaire ?

Entre la réforme de la Pac, dont les propositions de base datent de 2018, et le Pacte Vert européen (Green Deal) de la Commission élue en 2019, « il y a une vraie cohérence à trouver », a rappelé Yves Madre, président du Think Tank Farm Europe, lors d’une matinée de débat organisée par le groupement d’experts-comptables et avocats spécialisés en agriculture, AgirAgri, le 16 octobre. Le risque étant, au final, de faire peser encore plus de contraintes sur les agriculteurs en ajoutant des couches supplémentaires aux règles de la Pac…

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Car si l’objectif de cette réforme est bien de passer à « une Pac de performance et de résultat », ce à quoi il semble difficile, en théorie, de s’opposer, il ne faut pas perdre de vue que pour la Commission européenne, la performance correspond surtout à la performance administrative, rappelle Yves Madre.

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Prendre en compte les enjeux de la crise Covid

L’équilibre sera d’autant plus difficile à trouver que les priorités ont changé avec la crise sanitaire, or les propositions de stratégies De la ferme à la fourchette (Farm to Fork) et Biodiversité, qui déclinent le Green Deal et ont été dévoilées pendant le confinement, n’ont pas été modifiées pour tenir compte des bouleversements engendrés par la pandémie.

À noter que ces propositions n’ont pas été publiées avec l’étude d’impact. Cette dernière, obligatoire, a été réalisée en interne et faisait état de « – 15 % de production agricole si on déclinait toutes ces propositions », explique Yves Madre. Un résultat qui viendrait court-circuiter l’objectif, redevenu prioritaire, de souveraineté alimentaire européenne…

D’autant que cette nouvelle Pac, dont la première année de mise en œuvre sera 2023, doit également trouver une cohérence avec le plan de relance européen post-Covid. Ce plan, doté de 8,2 milliards d’euros, pourrait avoir comme objectifs (proposés, en tout cas, par le Conseil), de placer au moins 50 % des montants dans l’investissement, et 37 % minimum pour des mesures environnementales en cohérence avec les mesures liées à l’investissement.

Les points majeurs à intégrer dans la Pac

Pour Yves Madre, plusieurs points nécessitent donc une vigilance accrue. Premièrement, il apparait indispensable de mettre en place des paramètres clés dans les actes de base, comme un niveau minimum pour le soutien direct aux revenus (60 %) et pour l’eco-scheme (30 %). Pour assurer le caractère commun de la Pac, Farm Europe préconise par ailleurs de définir une base environnementale de référence européenne, en donnant une ambition à atteindre, ce qui permettrait une flexibilité dans la mise en œuvre.

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D’autre part, si les discussions ont été intenses quant au pourcentage à dédier aux éco-régimes (eco-scheme), il reste encore à leur donner du sens et à expliquer concrètement les objectifs de cette mesure.

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Autre enjeu auquel la Pac doit répondre davantage, la gestion des risques dans un contexte de marché volatil, à travers à la fois les outils de gestion des risques, mais aussi la réserve de crise, très peu utilisée jusqu’alors. Yves Madre rappelle également l’importance de la dimension économique de la Pac et souligne l’intérêt, en ce sens, de définir une politique d’investissement, en fixant par exemple un objectif financier minimum de 30 % pour les investissements de performance économique et environnementale.

Tous ces enjeux devront être traités avec une enveloppe financière réduite, car si la France s’est mobilisée pour limiter l’ampleur de la baisse, le budget de la nouvelle Pac est tout de même inférieur de – 11,4 %, en euros constants, par rapport à la précédente, et de – 3,9 % en euros courants.