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Dossier : Réforme de la PAC

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Verdir l'agriculture européenne

Les défis de la nouvelle Politique agricole commune


AFP le 20/10/2020 à 16:Oct
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Comment adapter l'agriculture européenne aux défis environnementaux et climatiques, sans mettre sous pression un secteur économiquement fragile? Entre incitations et contraintes, la nouvelle Pac fait l'objet cette semaine d'âpres négociations.

Réunis depuis lundi au Luxembourg, les ministres de l’agriculture de l’UE tentent de trouver une majorité qualifiée sur trois textes déterminant la prochaine Politique agricole commune (Pac) — dont le montant (quelque 386 milliards d’euros pour 7 ans) est déjà fixé. Le Parlement européen examine les mêmes dossiers à partir de mardi soir, avec des votes s’échelonnant jusqu’à vendredi. États et eurodéputés devront ensuite trancher d’ici début 2021 sur les règles, qui s’appliqueront à partir de janvier 2023.

Voir aussi : La nouvelle Pac est-elle déjà vouée à l’échec ?

Les « écorégimes »

Au centre des débats : le système des « écorégimes » proposé par la Commission pour rémunérer les services rendus à l’environnement par les agriculteurs. Les États doivent trouver une majorité qualifiée sur leur montant, leurs définitions et objectifs. L’Allemagne, qui préside actuellement l’UE, propose que les gouvernement consacrent 20 % des aides directes versées aux agriculteurs (premier pilier de la Pac) à ces écorégimes. Un compromis des eurodéputés prône lui un seuil de 30 %, ce qui permettrait selon Renew (libéral) d’investir « environ 100 milliards d’euros » d’ici 2027 pour réduire l’empreinte environnementale des agriculteurs. « Une ligne déjà ambitieuse », observe Anne Sander, eurodéputée du PPE (droite).

Le contenu des écorégimes fait aussi débat : des rémunérations pour encourager l’agriculture biologique, le financement de la couverture végétale des sols toute l’année ou encore l’augmentation de la production de protéines végétales.

Obligatoire ou non ?

Berlin propose un seuil imposé aux États pour la part des aides directes dédiées aux écorégimes. Paris, Stockholm ou encore Copenhague sont sur la même ligne. « La priorité est de se doter de normes communes. Sans cela, l’ambition environnementale de certains pays risquerait de pénaliser leur agriculture », prévient le ministre français Julien Denormandie.

Sur le sujet : Nouvelle Pac : Paris veut que les 27 aient les mêmes contraintes environnementales dans la Pac

D’autant que la nouvelle Pac propose aux États une plus grande liberté pour distribuer les aides. Certains gouvernements, notamment en Europe centrale et orientale, restent hostiles à toute contrainte : ils redoutent de perdre des fonds européens si un nombre insuffisant d’agriculteurs participent aux programmes environnementaux.

D’autres, emmenés par l’Autriche, veulent avoir plus de marge de manœuvre, estimant faire déjà beaucoup pour l’environnement via le deuxième pilier de la Pac (investissements pour le développement rural).

Une Pac pas assez verte ?

L’architecture de la nouvelle Pac a été élaborée en 2018 par la précédente Commission, et n’intègre pas les stratégies du Pacte vert et de « la Ferme à la fourchette » (renforcement de la sécurité alimentaire) présentées par Bruxelles au printemps 2020. Celles-ci visent notamment à réduire de 50 % l’usage de produits phytosanitaires d’ici 2030 tout en réservant un quart des terres aux cultures biologiques.

« Cette Pac désastreuse est totalement décalée avec les nouveaux objectifs. Nous nous retrouvons avec un texte du monde d’avant », alors que « la Pac, qui mobilise 40 % du budget de l’UE, est le principal outil pour relever le défi climatique », s’indigne l’eurodéputé Vert Benoît Biteau. Un constat également dressé par la plateforme française « Pour une autre Pac », qui réunit 43 associations et ONG.

Lire aussi : Green Deal, Covid-19 et nouvelle Pac – La Commission face au défi de la cohérence

Ou trop contraignante ?

La Copa-Cogeca, qui fédère les syndicats agricoles majoritaires européens, redoute elle des contraintes paralysantes : « Les agriculteurs sont prêts à adopter des mesures environnementales et climatiques, mais basées sur le pragmatisme, le volontariat et avec des instruments bien financés », avertit-elle. Des eurodéputés veulent trouver le juste milieu : « Certains jouent la surenchère environnementale. Mais plus on rajoutera d’écorégimes, moins il y aura de soutien pour d’autres mesures », prévient Mme Sander.

« Nous devons être crédibles. Le rôle de la Pac est non seulement d’aider les agriculteurs à réduire leurs émissions de carbone, mais aussi de produire des aliments ! », abonde Dacian Ciolos, président du groupe Renew au Parlement.

« Si on accumule les contraintes sans savoir si elles sont vraiment applicables, les objectifs recherchés ne seront pas atteints, car il n’y aura plus d’agriculteurs », s’agace-t-il.

« Petites surfaces » en question 

La France plaide également pour que le « paiement redistributif », une aide qui favorise les petites et moyennes exploitations, « devienne obligatoire pour les pays qui ne plafonnent pas leurs aides ». Mais les pays de l’Est, qui ont hérité des immenses exploitations de l’époque soviétique, ne veulent pas en entendre parler. « C’est une question très clivante », reconnaît-on à Paris.

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