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Brexit

Les points de crispation pour la pêche française


AFP le 28/04/2021 à 09:Apr
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Quatre mois après la conclusion de l'accord post-Brexit, pêcheurs et gouvernement français s'impatientent de voir les autorités britanniques délivrer au compte-gouttes les licences qui permettent aux professionnels d'accéder aux eaux poissonneuses côté britannique.

Ce que prévoit l’accord

L’accord post-Brexit prévoit une période de transition jusqu’à l’été 2026, date à partir de laquelle les pêcheurs européens renonceront à 25 % des captures dans les eaux britanniques, l’équivalent de 650 millions d’euros par an. L’accord prévoit une renégociation annuelle au terme de cette période. Les pêcheurs de l’UE conserveront jusqu’à cette date un accès garanti aux zones situées entre 6 et 12 milles marins au large des côtes britanniques, où ils se rendaient traditionnellement. Cette zone est réputée très poissonneuse et souvent plus calme pour naviguer.

Les conditions d’accès des pêcheurs britanniques aux eaux françaises ne changent pas, précise à l’AFP le directeur général du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), Jean-Luc Hall. Mais cela représente seulement une poignée de navires – des caseyeurs (bateaux utilisant des casiers) en quête de homards ou de crabes.

Ce qui coince

En face des côtes britanniques, Boulogne-sur-Mer est le premier port de pêche français. Les chalutiers se retrouvent rapidement dans les eaux britanniques lorsqu’ils lèvent l’ancre. Or, seulement 22 bateaux sur 120 ont reçu la licence permettant d’accéder à la zone des 6-12 milles britanniques, selon le président du comité régional des pêches, Olivier Leprêtre. « On se battra jusqu’à obtenir la dernière licence nécessaire », a promis lundi aux pêcheurs le secrétaire d’État aux affaires européennes Clément Beaune, lors d’un déplacement à Boulogne-sur-Mer avec la ministre de la mer, Annick Girardin.

Le hic : pour obtenir la licence, les navires doivent démontrer aux autorités britanniques qu’ils pêchaient déjà dans cette zone sur la période de référence 2012-2016. Pas de souci, en principe, pour les grands navires équipés de « Vessel Monitoring System » (VMS), des « sortes de mouchards qui enregistrent les positions des navires », selon M. Hall, du Comité national des pêches. Mais c’est beaucoup plus compliqué pour les bateaux de moins de 12 mètres, pour qui cette géolocalisation n’est pas obligatoire. « Il reste l’unique problématique des [bateaux] de moins de 12 mètres, qui ne peuvent pas démontrer leur antériorité [dans les eaux britanniques] comme l’exige le Royaume-Uni. Ces exigences du Royaume-Uni ne sont pas dans l’accord, et sont donc inacceptables » pour la France, a affirmé Mme Girardin lundi.

Autre écueil : quand un navire est récent, entré en flotte depuis 2016, il faut prouver que le bateau qu’il remplace naviguait dans les eaux britanniques, un « travail de bénédictin », décrit Jean-Luc Hall.

100 millions d’euros pour soutenir la filière

Pour aider la filière pêche pénalisée par le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’État français vient d’être autorisé par Bruxelles à débourser 100 millions d’euros. Sur ce total, 80 millions d’euros de subventions directes sont prévues pour « compenser partiellement les coûts fixes des navires contraints de rester à quai » depuis le Brexit « ainsi que la rémunération des membres d’équipage », selon la Commission européenne. Douze autres millions doivent servir à « compenser une partie des pertes de revenus subies par la flotte de pêche française » post-Brexit et huit millions sont orientés vers les mareyeurs.

Olivier Leprêtre a salué un plan « intéressant » qui permettra « de maintenir la tête hors de l’eau ». Mais souligné que la délivrance des licences reste « une priorité ». « Il faut que ça aille vite », au risque que beaucoup de navires finissent à la casse, a estimé le responsable local. « Les professionnels sont prêts à refaire un mouvement si rien ne bouge ». La semaine dernière, une centaine de marins-pêcheurs s’étaient rassemblés dans l’optique de bloquer les camions en provenance du Royaume-Uni et transportant du poisson britannique.

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