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Dossier : Réforme de la PAC

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Reportage

Les pêcheurs britanniques espèrent ferrer un accord de Brexit à leur avantage


AFP le 14/10/2020 à 18:Oct
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

A bord de son chalutier au nom de circonstance, le « Pas trop tôt » (« About Time »), Neil Whitney espère voir le gouvernement britannique prendre dans ses filets, lors de négociations de la dernière heure, un accord post-Brexit favorable aux pêcheurs du Royaume-Uni.

« Nous voulons le contrôle de nos eaux territoriales, de nos quotas de pêche et nous devons bâtir l’avenir. Parce qu’en ce moment, on ne peut pas le faire et prévoir ce qui va se passer, car nous n’avons aucun contrôle », explique Neil Whitney, pêcheur basé à Newhaven, au sud de l’Angleterre, à une centaine de kilomètres des côtes françaises.

« Espérons que les choses vont s’améliorer », dit-il en lançant son bateau de bois sur la Manche dans la nuit noire, bien avant l’aube.

Un sommet européen jeudi et vendredi va tenter de débloquer les discussions, dans l’impasse, entre Bruxelles et Londres, qui achoppent notamment sur le dossier très sensible de la pêche.

« Point critique »

Dans l’Union européenne, la France est le pays à la position la plus dure sur le dossier de la pêche : la semaine dernière, les pêcheurs de Boulogne ont averti qu’ils risquaient la faillite s’ils n’étaient plus en mesure de s’aventurer dans les eaux britanniques, réputées particulièrement poissonneuses.

L’UE soutient que les pêcheurs de ses Etats membres devraient conserver le droit d’accéder aux eaux britanniques, comme ils le font depuis des siècles, même à l’issue de la période de transition post-Brexit, durant laquelle les règles européennes continuent de s’appliquer. Elle s’achève le 31 décembre.

Londres, à l’inverse, veut drastiquement réduire cet accès et réclame que les quotas de pêche dans ses eaux soient renégociés tous les ans.

« Les négociations avec l’Union européenne atteignent un point critique avec un schisme majeur sur la pêche », reconnaît Barrie Deas, directeur général de la Fédération nationale des organisations de pêcheurs (NFFO).

Sans accord commercial post-Brexit fin décembre, il n’y aurait plus d’accès automatique aux eaux territoriales des deux parties dès le mois de janvier, précise la NFFO.

Mais tout en appelant à plus de contrôle sur les eaux britanniques, Neil Whitney reconnaît être « un peu inquiet » de possibles restrictions qui pourraient être imposées sur les ventes de poissons pêchés au Royaume-Uni dans le reste du marché européen.

« Le marché belge, avec qui nous travaillons, dit qu’ils ont toujours besoin de notre poisson, et la grosse usine de transformation de Boulogne a aussi dit avoir besoin du poisson britannique pour continuer à tourner », fait-il valoir.

Martin Yorwarth, pêcheur de Newhaven dont la famille pratique ce métier depuis deux siècles, veut lui aussi voir le nombre de bateaux européens opérant dans les eaux britanniques réduit « à des niveaux soutenables pour que les stocks de poissons puissent se reconstituer ».

« Le gouvernement se focalise sur les négociations », se réjouit-il auprès de l’AFP. « C’est le meilleur gouvernement que nous ayons jamais eu en ce qui concerne la pêche ».

« Un style de vie »

Bien que la pêche pèse moins de 0,1 % du Produit intérieur brut (PIB) britannique, elle a été l’un des arguments majeurs en faveur du Brexit lors du référendum de 2016 sur la sortie de l’Union européenne.

C’est aussi un sujet politiquement sensible pour le gouvernement de Boris Johnson, dont le Parti conservateur s’est affirmé dans des villes côtières aux élections générales de décembre 2019.

Dans le même temps, un « no deal » pourrait renforcer la cause indépendantiste en Ecosse, province britannique europhile, d’où proviennent près de la moitié des prises britanniques totales.

« La plupart d’entre nous pêchons parce que nous aimons notre boulot », témoigne Neil Whitney, rejoint à bord par un matelot qui l’aide à nettoyer et emballer plies et bars pêchés ce jour-là. « Ce n’est pas tant un boulot, c’est davantage un style de vie ».

Hazel Curtis, directeur des relations institutionnelles à Seafish, organisation représentative de l’industrie britannique des fruits de mer, abonde : « L’importance de la pêche pour le Royaume-Uni ne se mesure pas vraiment par des indicateurs comme sa contribution au PIB », affirme-t-il.

Nombreux sont ceux, dans le secteur, à penser que « la pêche crée des communautés fortes », ajoute-t-il, et que « notre identité nationale se définit comme un pays marin ».

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