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Dossier : Réforme de la PAC

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Acheter ses légumes chez son coiffeur

Le coronavirus bouleverse la consommation alimentaire


AFP le 14/04/2020 à 11:Apr
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Depuis la fermeture des marchés de plein air, Alain Moriet achète ses légumes... chez son coiffeur. Pendant ce temps, les achats de farine et produits longue conservation explosent en supermarché : la crise du coronavirus bouleverse les circuits alimentaires.

Avec l’épidémie de Covid-19, les Français « ont complètement changé leur mode de consommation » alimentaire et il a « fallu tout réorganiser » dans l’urgence sur la chaîne qui relie la production agricole à la distribution en passant par l’agroalimentaire et la logistique, résume la présidente du premier syndicat agricole, la FNSEA, Christiane Lambert.

Tout en défendant le modèle de production industriel traditionnel, via les coopératives et les transformateurs fournisseurs de la distribution, « puisque les Français font à 75 % leurs courses dans la grande distribution », la présidente de la FNSEA, qui a œuvré pour la réouverture des marchés de plein air, salue aussi les valeurs de « proximité » mises en valeur par la crise.

Lire aussi : La FNSEA demande des mesures d’accompagnement au gouvernement et à l’UE

À Angers (Maine-et-Loire), les producteurs locaux de fruits et légumes, privés de marchés de plein air et de leur clientèle de la restauration, se sont ainsi installés dans les bars, restaurants et salons de coiffure désertés. Carottes, radis et asperges leur seraient restés sur les bras sinon. « La première fois que je suis allé acheter des légumes » dans le cadre de cette opération baptisée « adopte un maraîcher », « c’était chez un coiffeur, Boulevard Foch », raconte à l’AFP M. Moriet, retraité à Angers.

« Drive fermier »

Un peu partout en France, des initiatives similaires de relocalisation ont vu le jour, encouragées par collectivités et chambres d’agriculture.

Si la chaîne alimentaire des circuits longs traditionnels (coopératives, transformateurs, grossistes, import-export, grande distribution…) a tenu bon, elle a parfois été mise à l’épreuve et prise de court. Notamment par l’explosion de la demande de farine et de produits longue durée plébiscités par des consommateurs souhaitant sortir le moins possible de chez eux.

Les « drive » des supermarchés et les circuits courts locaux ont été eux pris d’assaut.

À Saint-Flour (Cantal), la gare SNCF s’est transformée en « drive fermier » : chaque vendredi, des producteurs y livrent fromages, viande ou miel aux clients qui ont commandé en ligne. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les éleveurs ont lancé un gigantesque drive fermier dans tout le département pour écouler leurs agneaux.

Parallèlement, des acteurs du commerce équitable comme Artisans du monde lancent des opérations de solidarité sur Internet comme le « colis des aînés » rempli de café, chocolat, pâtes bio, destiné aux personnes âgées isolées.

« Des plateformes ont vu le jour avec des acteurs du numérique libre qui les ont aidés à monter des drives fermiers ou des sites de vente en ligne », résume l’institut agronomique Inrae, qui souligne dans une note que les « supermarchés ne sont pas les seuls gagnants de la crise, les circuits courts s’en sortent bien ! ».

Le potentiel de cette mutation est énorme : au total, 20 millions de personnes qui mangeaient quotidiennement en cantines, restaurants, fast-food ou brasseries mangent désormais à la maison en achat direct, a rappelé le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, qui a encouragé ce week-end les élus locaux à rouvrir des marchés sous condition sanitaire.

Cette situation, si elle est appelée à durer, pourrait provoquer « un changement majeur dans les habitudes de consommation et d’approvisionnement en denrées alimentaires », estime Xavier Hollandts, professeur de stratégie et entrepreunariat à la Kedge Business School sur le site The Conversation.

L’inconnue des prix

Il discerne un effet inattendu : « les Français portent un regard beaucoup plus positif sur les agriculteurs, en raison de leur capacité à nourrir la population, alors que quelques semaines auparavant l’attention était encore mobilisée par l’agribashing dont le secteur agricole se dit être victime ».

Pour autant, les circuits courts qui ne comptent en temps normal que pour 15 % de l’approvisionnement alimentaire du pays peuvent-ils s’installer durablement ? Cela dépendra des consommateurs, dit l’expert.

« Qui dit circuits courts, dit une offre de saison, plus restreinte. Cela va à l’encontre de la promesse de la grande distribution et de son offre très large, tout au long de l’année. Un argument auquel les consommateurs français demeurent extrêmement sensibles. Et restera aussi la problématique de prix parfois supérieurs à ceux de la grande distribution qui repose la question de l’accès des circuits courts à une base plus large de consommateurs », ajoute l’expert.

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