Accéder au contenu principal
Élevage laitier

Faut-il être autonome du départ pour réussir sa conversion en bio ?


TNC le 07/01/2020 à 06:07
fiches_affouragement-vert

En 10 ans, beaucoup d'élevages laitiers ont franchi le cap de l'agriculture biologique et les producteurs ont fait de belles avancées en matière d'autonomie alimentaire. Or, cette autonomie est-elle le billet d'entrée pour la conversion ? Peut-on réussir cette phase délicate avec un système de base dépendant ? Deux experts donnent leurs avis sur la question.

L’autonomie alimentaire de départ est-elle un facteur déterminant pour réussir sa conversion vers la bio ?

Pour Marianne Philit chargée de mission à l’Ardab Rhône-Loire, « quel que soit le système de départ, c’est d’abord la capacité de remise en question qui compte ». De son côté, Jean-Claude Huchon, conseiller à la chambre régionale des Pays-de-la-Loire, estime qu’« une structure d’exploitation qui facilite le pâturage, avec une gestion de l’herbe déjà existante et un minimum maîtrisée est un avantage. »

Focus sur ces deux avis, pas si divergents…

« Les fermes déjà autonomes ne sont pas forcément les plus faciles à convertir »

Marianne Philit, chargée de mission élevage bio – Association des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire :

« En 2009 puis en 2015 les conversions de fermes laitières vers la bio ont été nombreuses. Notre inquiétude était que les fermes les moins autonomes aient du mal à se convertir. Nous avons alors mené une étude qui nous a permis de catégoriser trois types d’exploitations selon leur degré d’autonomie alimentaire de départ. En conclusion, aucun lien n’a été trouvé entre les caractéristiques des systèmes alimentaires au moment de la conversion et les évolutions qui ont eu lieu par la suite. »

Lire aussi : De l’ambition mais une visibilité limitée, faut-il franchir le cap ?

« On peut penser que les exploitations les plus autonomes sont davantage favorisées. Non ; ce qui est déterminant c’est d’abord la capacité de remise en question. Les systèmes de départ ne définissent pas les trajectoires empruntées ni la réussite des conversions. Toutes les fermes ont franchi le cap, de manière différente. Certaines parmi les plus autonomes n’ont d’ailleurs pas toujours été faciles à convertir : leur fonctionnement, apparenté à de la « cueillette », manquait de technique. Se passer du jour au lendemain d’ammonitrate ou de désherbant s’avérait difficile. Ces systèmes qui étaient un peu dans le laisser-aller ont eu besoin de retrouver de la technicité pour fonctionner en bio. »

Le cas de Fabrice Charles illustre bien ces propos : l’éleveur breton en système classique maïs/soja a totalement bouleversé son exploitation en misant sur l’herbe. Il est aujourd’hui en 100 % pâturage, en bio, en vêlages groupés et en monotraite et il affirme : « J’ai doublé mon revenu en travaillant deux fois moins ! »

Marianne Philit, chargée de mission élevage bio à l’association des producteurs bio (Ardab) du Rhône et de la Loire. (©Marianne Philit)

Lire aussi : Quelle ration pour produire du lait bio en hiver ?

« Du départ, éviter d’être dépendant des protéines extérieures »

Jean-Claude Huchon, conseiller lait biologique – chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire :

« Une conversion c’est d’abord se mettre en posture d’accepter le changement. Il faut tout poser à plat, identifier les ajustements et prendre en compte le temps nécessaire à leur mise en œuvre. Je peux citer des exemples d’éleveurs qui n’étaient pas dans l’autonomie maximum, mais qui ayant bien intégré les modifications nécessaires ont mis toutes les chances de leur côté pour la réussite de leur conversion. »

Lire aussi : « Il y a une perte d’efficacité économique chez les nouveaux convertis »

« Certains producteurs sont passés d’un système très peu autonome à très autonome en l’espace de dix ans. En région Pays de la Loire, cela passe entre autres par l’augmentation de la part de pâturage, l’allongement des rotations et la diminution du maïs. Bien sûr, c’est quand même plus sécurisant si le système est moins dépendant au départ, notamment des protéines extérieures. Une structure d’exploitation qui facilite le pâturage, avec une gestion de l’herbe déjà un peu existante et un minimum maîtrisée est un avantage. Le savoir-faire de l’éleveur est également un atout, pour la production de fourrages de qualité sans fertilisation de synthèse par exemple. »

Dans son cas précis, l’éleveur normand Antoine Thibault explique qu’il ne peut pas passer en bio car ça serait trop risqué pour son exploitation : « Un EBE qui chute, un risque de manquer de fourrages et des marchés incertains : la bio, ça n’est pas pour moi ».

Jean-Claude Huchon, conseiller lait bio à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire (©Jean-Claude Huchon)

Lire aussi : Être plus autonome : oui mais pas à n’importe quel prix !