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Saisonnalité

Quelle ration pour produire du lait bio en hiver ?


TNC le 18/12/2019 à 06:03
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Le marché attend plus de lait bio en hiver mais avec quelle ration le produire ? À la ferme de Trévarez (29), les essais se sont portés sur le tourteau de soja, l'ensilage d'herbe et la luzerne déshydratée. Le tout est de bien choisir entre faire un maximum de litrage ou conserver une certaine autonomie.

La saisonnalité des livraisons de lait est beaucoup plus marquée en bio. D’ailleurs, nombreux sont les éleveurs qui passent en vêlages groupés pour miser sur l’herbe. C’est ce qu’a fait Fabrice Charles (22) par exemple. Il témoigne d’ailleurs : « Nous avons doublé le revenu en travaillant deux fois moins grâce au pâturage, aux vêlages groupés et à la monotraite. »

Mais pour répondre aux attentes des consommateurs, il faut aussi du lait en hiver. Les producteurs doivent donc relever le challenge de trouver une ration équilibrée et à un coût raisonnable pour les mois sans pâturage. Pour y arriver, il faut tenir compte de ses ressources en fourrage mais aussi faire des choix stratégiques.

Pour les aider à y voir plus clair, les chambres d’agriculture de Bretagne et l’Institut de l’élevage ont testé différentes rations de janvier à mars sur la ferme expérimentale de Trévarez (29) :

– La « cuisine du monde » pour comparer du tourteau de soja à un mélange céréalier humide,

– Le « fait maison » pour voir la différence entre l’ensilage d’herbe classique et l’ensilage d’herbe précoce, avec de très bonnes valeurs alimentaires,

– Le « menu local » pour évaluer l’intérêt des bouchons de luzerne déshydratée.

Comme la traite est assurée par robot, la production du lot de 75 vaches a été suivie de près et les différentes rations n’ont pas montré de différence sur les taux, les aspects santé et reproduction.

Tourteau de Soja : plus de lait, moins d’autonomie

Avec 1 kg de tourteau de soja pour remplacer 1 des 3 kg de mélange céréalier, ajouté à 5 kg MS d’ensilage de maïs et de l’ensilage d’herbe à volonté, la ration passe de 77 PDI à 85 PDI, ce qui permet un gain de production de 5 kg.

« Cette amélioration persiste 15 jours après l’arrêt de cette ration, à la mise à l’herbe. Comme elle était plus équilibrée en protéines, le rumen fonctionnait mieux », estime Pauline Chatel, de BCEL Ouest.

L’achat de soja fait passer le coût de la ration à 90 €/1 000 litres mais comme le chiffre d’affaires en lait augmente, la marge sur coût alimentaire s’améliore de 1,9 €/VL/jour. On y gagne en lait, mais pas en autonomie. Se pose aussi la question de l’acceptation du tourteau, majoritairement importé de Chine, dans les cahiers des charges. Par exemple, Biolait va interdire le recours à des concentrés non français.

L’avantage est à l’ensilage précoce

À contre-pied, a été testée une ration « 100 % fait maison » avec pour objectif l’autonomie. Sur une ration de 5 kg MS d’ensilage de maïs, de 3 kg MB de maïs grain humide et de 0,9 kg MB de céréales a été ajouté de l’ensilage d’herbe à volonté.

Une attention particulière a été portée sur la qualité de cet ensilage d’herbe. Réalisé à un stade précoce, il affichait 80 de PDI. Grâce à une meilleure ingestion, cette ration a permis un gain de 4 kg de lait par jour comparé à la même ration mais avec un ensilage réalisé à épiaison.

« Cela s’explique par une hausse de l’ingestion, souligne Pauline Chatel. Il y a un gain de 1,5 € sur la marge sur coût alimentaire mais il y besoin de plus de stock et d’être sûr de l’excellente qualité de son ensilage d’herbe ».

De la luzerne mais pas à n’importe quel prix

A également été testée une stratégie intermédiaire avec un menu français en apportant de l’azote par des bouchons de luzerne déshydratée. « Attention, il n’est pas facile de trouver de la luzerne bio française, prévient Valérie Brocard, de l’Idele. Celle qu’on trouve est plus souvent à 18 % qu’à 20 % de MAT. »

En ajoutant 3 kg de bouchons à une ration à base de 5 kg d’ensilage de maïs, de l’ensilage d’herbe à volonté et 0,9 kg de céréales, la ration gagne en PDI : elle atteint 81 PDI/UFL, mais perd en UFL/kg MS.

Certes il y a du lait en plus, + 1,9 kg/jour, les vaches restent mieux en état, mais ça ne suffit pas à compenser le coût alimentaire qui fait un bond de 84 à 132 €/1 000 litres. « L’intérêt d’une telle ration dépend du prix de la luzerne et du prix du lait d’hiver, tempère la spécialiste. L’intérêt est plus net pour les producteurs qui peuvent faire déshydrater leur propre luzerne ».

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