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Filière betteravière

Syndicalisme et coopération en pleine thérapie de couple


TNC le 17/01/2020 à 09:07
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Si la relation forte entre syndicalisme et coopération a permis à la filière betteravière de se structurer et de devenir un modèle d’organisation, la fin des quotas et la crise qui a suivi remettent en question ces fondamentaux et les rôles attribués à chacun. L’assemblée générale de la CGB, le 15 janvier, a permis aux responsables syndicaux et coopérateurs d’exprimer leurs griefs respectifs, mais aussi d’envisager un avenir plus serein.

Alors qu’en 1990, 20 % des sucreries appartenaient aux producteurs, « lors de la prochaine campagne, 90 % des planteurs verront leurs betteraves transformées par des outils leur appartenant », a rappelé Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), lors de l’assemblée générale de l’organisation le 15 janvier. Ces rachats d’usines par les planteurs ont été réalisables grâce à l’action conjointe de la coopération et du syndicalisme, contribuant à faire de la betterave une filière d’exception, rémunératrice pour les producteurs.

Cependant, si la fin des quotas annoncée en 2017 a d’abord été perçue comme une véritable opportunité pour l’ensemble de la filière, la surproduction mondiale et la chute des cours qui ont suivi ont généré tensions et incompréhensions entre les producteurs et leurs coopératives. Parmi les sujets de discorde, le non-respect des engagements pris par Cristal Union sur les prix, ou l’absence de soutien des coopératives lors de la création des OP de Saint-Louis Sucre.

Lire :
– Frictions entre la CGB et le conseil de surveillance de Tereos
– Crise du sucre : Cristal Union annonce une perte de 99 millions d’euros
– Betteraves : Tereos rattrapé à son tour par une crise historique

Sécurité, visibilité, adaptation économique

Dans ce contexte difficile, les coopératives sont-elles toujours un atout pour les planteurs ? Oui, ont répondu unanimement les présidents de JA, de la CGB, et la présidente de la FNSEA. « La coopérative doit apporter la sécurité, dans une perspective intergénérationnelle », estime Samuel Vandaele, président de JA. Mais cette sécurité dépend nécessairement de la visibilité donnée aux producteurs, notamment en matière de prix, ce que les coopératives n’ont pas réussi à assurer ces dernières années.

« Sur les 10 dernières années, les deux meilleurs payeurs, ce sont les coops. On a essayé de faire de la fin des quotas une opportunité », tient à rappeler Olivier de Bohan, président de Cristal Union, qui assure que la crise était impossible à prévoir.

« On a tout fait pour tenir nos engagements, mais ces années sont le pas de temps qu’il nous faut pour revenir à un schéma normal », renchérit Jean-Charles Lefebvre, président du conseil de surveillance de Tereos. « Ce n’est pas le moment de se déchirer, il faut serrer les rangs », estime-t-il.

Pour Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, « ce qui a changé par rapport à 1990, ce n’est pas la coopération, c’est le contexte économique. Il faut que l’on s’adapte au contexte économique de notre époque ».

Lire également : Coopération agricole : répondre aux nouveaux défis

Adapter le syndicalisme ?

Et pour Olivier de Bohan, le syndicalisme agricole doit lui aussi s’adapter. « Les actes du syndicalisme d’hier ne peuvent plus être ceux de demain. Le rôle des syndicats est d’avant tout d’aller auprès des ministères, des instances de gouvernement, pour défendre les sujets d’intérêt généraux pour la filière, car ils ont une liberté de parole que les structures économiques ne peuvent pas avoir. Par contre ce n’est pas leur rôle d’aller dans les centres de réception, ce n’est pas le rôle du syndicat de négocier les prix », développe-t-il.

Samuel Vandaele, Jean-Charles Lefèbvre, Franck Sander, Olivier de Bohan, Christiane Lambert et Dominique Chargé, lors de l’AG de la CGB. (©TNC)

Une position qui n’a pas manqué de faire réagir Christiane Lambert : « Économie et prix, ça ne peut pas être dissocié, nous défendons le revenu des agriculteurs en étant dans notre rôle syndical ».

Pour Samuel Vandaele, c’est une question de curseur. « Je pense qu’en tant que président de JA nat, je n’ai pas à interférer dans le calcul du prix décidé dans les coops, mais je dois y avoir accès.  Par contre, sur les sections locales, bien sûr qu’il doit y avoir un échange ». Échange que défend également Dominique Chargé : « il est absolument indispensable que nous ayons ensemble des échanges pour évoquer la situation économique. Nous sommes entre agriculteurs. On a les mêmes intérêts, même si chacun doit jouer son rôle ! ».

Construire en commun

En dépit de désaccords parfois difficiles à digérer pour les producteurs, notamment ceux qui se sont constitués en organisations de producteurs face à Saint Louis Sucre, avec une absence de soutien remarquée de la part de la coopération, syndicalisme et coopératives veulent continuer à avancer en commun sur un certain nombre de sujets d’avenir : présence des jeunes dans les instances, signature d’accords interprofessionnels, éviter les doublons…

D’autant plus « qu’on a aussi une part de responsabilité dans ce qui arrive, la filière betteravière était filière d’excellence, peut-être qu’on s’en est un peu désintéressés, on n’a pas su anticiper ni se protéger » regrette Samuel Vandaele. La complémentarité entre les deux parties reste donc toujours d’actualité.  

S’il n’a pas forcément son mot à dire dans les décisions prises par les instances coopératives, le syndicalisme peut en revanche donner son avis, positif ou négatif, décidant d’apposer une sorte de « tampon » qui donnera confiance aux producteurs qui veulent s’engager dans une coop, explique Franck Sander.

« Ne nous renfermons pas sur nous-mêmes », conclut d’ailleurs le président de la CGB, conscient qu’au-delà des débats internes au monde agricole, ce dernier « a besoin de réconcilier la société avec les agriculteurs ».

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