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Jaunisse de la betterave sucrière

Chasser les pucerons par les odeurs : test grandeur nature pour la campagne 2024


AFP le 23/04/2024 à 19:30
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(© TNC)

Son odeur fait fuir les pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave : le produit de biocontrôle Agriodor007 est autorisé mardi par dérogation sur 500 hectares en France, un test grandeur nature pour ce répulsif amené à remplacer certains insecticides.

Le ministère de l’Agriculture autorise la mise sur le marché de ce produit jusqu’au 21 août pour la culture de la betterave industrielle, sur une surface de 500 hectares à raison d’une dose maximale de 4 kg par hectare, selon une décision d’autorisation consultée par l’AFP.

Ce répulsif est développé par la jeune entreprise française Agriodor, créée en 2019 et basée à Rennes, qui cherche à « mettre au point des solutions pour remplacer les insecticides dans les champs », a expliqué à l’AFP son président et fondateur Alain Thibault.

Selon les tests effectués par Agriodor, « la population de pucerons a été réduite de 50 à 70 % dans les champs traités ».

Son produit se présente sous forme de mini granulés qui une fois dans les champs vont « diffuser progressivement une odeur que les pucerons n’aiment pas pour les éloigner des cultures », indique-t-il.

A partir de différentes molécules de plantes, l’entreprise a créé un cocktail olfactif – ou « kairomone » – ciblant précisément l’interaction entre le puceron et la betterave, ici « à effet répulsif ».

« Le premier effet de l’Agriodor007 est de repousser les pucerons ailés, qui transmettent le virus de la jaunisse en piquant la plante pour prendre de la sève. Ceux qui restent sur la plante vont moins bien s’alimenter et verront leur fécondité perturbée », explique Alain Thibault. « En résumé, on parfume les champs au lieu de pulvériser des insecticides. On ne tue pas le puceron, on l’éloigne », dit-il.

« L’expérimentation que nous lançons aujourd’hui (…) illustre concrètement la méthode du gouvernement pour ne pas laisser les agriculteurs face à des impasses, et les accompagner dans la transition agroécologique », a déclaré Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Agriculture, citée dans un communiqué.

 « Solutions diversifiées »

Cette dérogation, pour un produit n’ayant pas encore fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, est prise dans un contexte difficile pour les producteurs : le risque de développement de la maladie est considéré comme plus élevé cette année, du fait de la douceur de l’hiver plus favorable aux pucerons.

Début avril, le gouvernement avait annoncé une dérogation permettant d’utiliser davantage l’insecticide Movento sur les betteraves à sucre, une mesure jugée « insuffisante » par les cultivateurs.

Ces derniers redoutent une poussée de jaunisse, maladie qui rabougrit les plants et affecte les rendements. Tous gardent en mémoire l’année 2020 où un tiers de la récolte avait été perdu, deux ans après l’interdiction en France des insecticides néonicotinoïdes, efficaces mais très toxiques pour les abeilles.

Les betteraviers avaient bénéficié en 2021 et 2022 de dérogations pour l’utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes, depuis proscrites dans toutes l’UE. Ils réclament désormais, en vain, de pouvoir utiliser de l’acétamipride, un néonicotinoïde encore autorisé en pulvérisation dans l’UE, et des « solutions diversifiées » – pour éviter le développement de résistances à des molécules trop souvent utilisées comme celle du Movento.

Agriodor a bénéficié d’un soutien dans le cadre du plan national de recherche (PNRI) lancé en 2021 et qui a financé à hauteur de 314 000 euros un projet de développement de biocontrôle des viroses de betterave.

La France est le premier producteur européen de sucre. Elle est « auto-suffisante et exporte la moitié de sa production, soit 1,8 million de tonnes de sucre », selon la Confédération des planteurs de betterave.