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Exports de blé tendre

Comprendre le marché marocain en 7 points clés


TNC le 08/04/2020 à 06:04
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La France et le Maroc ont un lien privilégié, qu'il est nécessaire de maintenir pour ne pas perdre des parts de marchés, face à la montée en puissance de la Russie et de l'Ukraine. (©Pixabay)

Le Maroc fait partie des principaux débouchés du blé français. La proximité culturelle et géographique entre les deux pays est favorable aux échanges, d'autant plus qu'un accord de coopération lie leurs filières céréalières depuis dix ans. L'origine tricolore représente une « valeur sûre », mais la concurrence russe et ukrainienne prend de l'ampleur et menace les parts de marché françaises.

Cet article fait partie d’une série consacrée à la place de la France à l’export sur le marché du blé. Il vise à décortiquer les exportations françaises et mettre en évidence les différentes problématiques propres à chaque destination.
Retrouver l’article synthèse :  Où part donc le blé français ?

1) Le Maroc, un importateur structurel de blé

Un habitant consomme en moyenne 200 kg de blé par an au Maroc, soit trois fois plus que la moyenne mondiale. Comme dans les autres pays du Maghreb, cette céréale, à travers le pain notamment, est un élément de base dans le régime alimentaire. Mais le pays ne produit pas suffisamment, et entre 2014 et 2019, la production locale n’a permis en moyenne de couvrir que 54 % des besoins en céréales (blé, maïs, orge), selon l’ ONICL (Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses). Les importations marocaines varient en fonction de la production locale, assez fluctuante, mais oscillent en moyenne autour des 3 Mt.

Le Maroc, comme les autres pays du Maghreb (Algérie et Tunisie), « compte tenu de leurs conditions agronomiques et climatiques et de leur croissance démographique, resteront structurellement importateurs dans les années à venir », affirme France Export Céréales.

2) Un client historique du blé français

Chaque année, le France expédie près de 10 % de sa production de blé tendre vers le Maroc, qui constitue ainsi un des principaux débouchés parmi les pays-tiers. Mais en 2016, la désastreuse récolte tricolore a bousculé l’ordre des choses. La céréale répondait alors difficilement au cahier des charges marocain, ce qui a contraint le pays à se fournir ailleurs. La part de marché française dans les importations marocaines, qui était auparavant de l’ordre de 60 %, a chuté drastiquement à 6,5 %, une première historique, laissant la porte ouverte aux origines mer Noire. Depuis, la France tente de retrouver peu à peu sa place.

Depuis 2010, l’ONICL, FranceAgriMer et France Export Céréales ont un accord de coopération, dont les termes sont revisités tous les trois ans : utile, pour « réchauffer les relations ». Garder des liens privilégiés avec un grand pays importateur tel que le Maroc est primordial, face à la concurrence des pays de la mer Noire.

3) Une bonne dynamique des exports français vers le Maroc

Le blé français bénéficie cette année d’une présence particulièrement forte au Maroc, grâce à sa très bonne compétitivité. Par ailleurs, une sécheresse importante a entamé le potentiel des cultures, et l’ONICL estime la production 2019/20 de blé tendre marocain à seulement 2,7 Mt. Ce qui a contraint le pays à se fournir encore davantage à l’international.

À lire :  Pourquoi le blé français est aussi compétitif cette année ?

« Les opérateurs présents tablent sur des importations marocaines d’environ 3,8 Mt, dont l’Hexagone pourrait fournir 65 %, soit 2,5 Mt », avait expliqué Philippe Heusele, le président de France Export Céréales, lors des dernières rencontres franco-marocaines des céréales.

D’octobre à fin février, la présence de l’origine tricolore a été considérable, représentant « presque 60 % des importations ». Les stocks marocains actuels sont tendus (au 25 mars), et « sur la période allant de mars à mi-juin, nous tablons sur peu plus de 2 Mt d’importations de blé tendre, sur lesquelles nous avons couvert à peu près 1,4 Mt et où l’origine France est prédominante. Il resterait donc près de 600 000 t à trouver. D’ici la fin de campagne, l’Hexagone devrait donc avoir encore une carte à jouer !

4) Le blé français, une valeur sûre qui sert de base pour les moutures  

« Les minotiers marocains sont des champions des mélanges. Ils ont pris l’habitude d’utiliser plusieurs variétés ou origines de blé, pour obtenir une mouture qui leur permette d’offrir sur l’année une qualité standard, qui soit bonne et régulière. Et la base de différentes moutures marocaines aujourd’hui, c’est le blé français. Il a une qualité connue et maîtrisée, qui correspond à nos besoins. Une origine sécurisante, stable et régulière », explique Jamal M’Hamdi, président de la fédération des négociants en céréales et légumineuses ( FNCL), qui représente le secteur marocain du négoce des céréales et produits dérivés. Le blé tricolore sert donc de « base » et est mélangé essentiellement avec le blé local.

Par ailleurs, passer des contrats avec les Français « permet d’avoir des contrats clairs, cohérents et qui protègent à la fois les vendeurs et les acheteurs ». Une qualité qui semble manquer aux Ukrainiens et aux Russes : « quand ils essaient de vendre en direct, ils ont du mal à le mettre en place. »

5) Une proximité culturelle et géographique

 « Nous avons cette tradition de relation céréalière entre le Maroc et la France, qui représente un véritable fonds de commerce pour les agriculteurs français », estime Jamal M’Hamdi. « Une grande partie des Marocains partagent la culture et parlent la même langue. Les premières pâtisseries et boulangeries qui sont apparues dans le pays étaient françaises ». France Export Céréales confirme cette proximité : « les besoins en qualité des blés utilisés dans cette région sont très similaires à ceux exigés par les transformateurs hexagonaux : les panifications locales sont essentiellement à base de pâtes fermentées avec une croûte croustillante, de type baguette ».

À lire :  Une offre française à segmenter pour répondre aux besoins de l’export

Quant à la meunerie, « c’est la même chose », avance Jamal M’Hamdi. « Les premiers moulins qui se sont installés au Maroc, ce sont les Grands Moulins de Paris ». Le groupe français a créé en 1918 la société des moulins du Maghreb. « C’est toute une culture et une tradition qui est là. Il ne faut pas la perdre. »

La proximité géographique entre également en compte : « la France peut être une manière pour le Maroc d’avoir un stock de sécurité qui est localisé sur son territoire. S’il y a un problème, elle est juste à côté. En l’espace de 5-6 jours nous pouvons charger et alimenter notre pays en céréales. » La fiabilité logistique française constitue également un élément rassurant.

6) Un mécanisme de régulation des imports

 Contrairement aux autres pays du Maghreb, ce sont des opérateurs privés qui achètent le blé au Maroc. Mais l’ONICL régule les importations et tire la sonnette d’alarme en cas de problèmes d’approvisionnement. « Nous sommes dans un cadre libéral dirigé où nous avons la liberté d’importation de céréales, mais qui est encadrée ».

Tous les ans à l’approche de la moisson, le pays remonte ses taxes à l’import pour favoriser la consommation intérieure et une fois que les disponibilités se réduisent, les taxes sont abaissées pour permettre à nouveau les importations.

Après avoir instauré une taxe de 135 % sur les importations au début de la campagne cette année par exemple, le Maroc l’a réduit une première fois à 35 % à la mi-septembre, avant de la suspendre à partir du 1er janvier 2020. Des droits de douane devraient être remis en vigueur à partir du 15 juin prochain, mais qui dépendront bien évidement du niveau de la prochaine récolte marocaine.

Par ailleurs, le Maroc dispose d’accords de libre-échange avec l’Union européenne et les États-Unis. Le pays fixe des quotas d’importation à tarif préférentiel : un volume qui profitera de taxes à l’import allégées voire nulles.

Avant le début d’une nouvelle campagne et l’augmentation des taxes, les importateurs marocains ont tendance à augmenter leurs achats, pour se constituer des stocks qui permettront de tenir jusqu’à la réouverture des frontières.« Nous n’avons pas énormément de visibilité sur ce qui va être collecté, que ce soit en termes de qualité ni de quantité, ni sur l’ouverture des frontières à l’import et la fermeture par la suite ». Les mois de mars-avril constituent donc une période très importante. 

7) Une montée en puissance de la concurrence mer Noire

Le Maroc se fournit auprès de plusieurs origines « stables et sécurisées ». Outre la France, Jamal M’Hamdi cite l’Allemagne, mais aussi les origines américaines. Mais, d’autres exportateurs moins réguliers sont également présents sur le marché marocain, bien que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous.

« Sur le plan des spécifications qu’ils nous envoient, ils peuvent sembler performants, mais dans la réalité c’est autre chose », déplore le président de la fédération. « À titre d’exemple, les personnes qui ont importées du blé ukrainien cette année se sont retrouvées avec un blé qui n’était pas aux normes et qui a posé beaucoup de problèmes aux minotiers marocains. C’est un blé qui a eu du mal à être utilisé, et le faible niveau d’importation du blé ukrainien reflète cette réalité. »

À lire : Blé russe – « La production pourrait atteindre 100 Mt d’ici 7-8 ans »

Toutefois, Jamal M’Hamdi explique que le Maroc achète en prime, qu’il achète un droit logistique pour charger une qualité sur une plage donnée et qu’il se retrouve fréquemment face à « une panoplie d’offres qui vient de mer Noire, qui ne sont pas standardisées, certes, mais reviennent à la charge, encore et encore. J’invite mes amis français à prendre quand même ça au sérieux ». Une cordiale mise en garde, donc.

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