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Foncier agricole

Les coopératives peuvent-elles intervenir et comment ?


TNC le 18/01/2022 à 09:Jan
Woman worker portrait in the modern farm

Blue collar woman working in the farm

Les coopératives agricoles peuvent-elles mener des opérations foncières, notamment pour favoriser la transmission des exploitations et l'installation de jeunes agriculteurs ? Si oui, de quelle manière, dans quel cadre et avec quels outils ? Muriel Tina et Charles Guillaume, tous deux juristes au sein de La Coopération Agricole, ainsi que Frédéric Cordier, ingénieur conseil pour la région sud, nous éclairent sur ces différents points.

« Les interventions sur le foncier agricole relèvent-elles d’une coopérative ? Juridiquement, qu’en est-il ? »

Que dit le code rural ?

Pour répondre à cette question, Muriel Tina, directrice adjointe aux affaires juridiques et fiscales de La Coopération Agricole, se réfère d’abord au code rural.

D’après l’article R.521-1 : « l’objet social d’une coopérative agricole est l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, et à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ».

Et les statuts des coopératives agricoles ?

Dans l’article 3 §1 de ses statuts : chaque coopérative précise les domaines d’action concernés, qu’elle peut mettre en œuvre à titre principal, en fonction de ses secteurs de compétence : collecte-vente, approvisionnement, services.

« Selon l’article R.521-1 cité précédemment et l’article 3 §3 de leurs statuts, les activités des coopératives peuvent être réalisées également pour des exploitations leur appartenant, qu’elles louent ou qui lui ont été concédées », explique la juriste. « Comme toute société, elles ont donc la capacité juridique d’acheter des biens immobiliers, de les louer et de les vendre. »

Une pratique encadrée

Cependant, le Haut Conseil de la Coopération Agricole (HCCA) a donné un cadre aux actions foncières des coopératives agricoles, « afin de les sécuriser et d’éviter qu’elles soient jugées hors objet statutaire », précise-t-elle.

L’organisme a ainsi établi plusieurs recommandations regroupées dans un document disponible sur son site internet : L’enjeu du foncier agricole, quel rôle de l’outil coopératif ?

En effet, il faut pour ces transactions :

1- aucun caractère spéculatif. « La coopérative est considérée comme le prolongement de l’exploitation de ses adhérents, elle ne peut donc pas acheter de foncier pour le revendre en réalisant une plus-value. »

2- des biens en lien direct avec l’objet principal de la coopérative, soit la collecte-vente des productions agricoles des fermes acquises. L’intérêt, souligne Muriel Tina, « la sécurisation de son approvisionnement ».

3- qu’elles soient accessoires par rapport à l’objet principal de la coopérative.

Mais comment évalue-t-on ce dernier point ? Là encore, le HCCA livre ses préconisations :

  • pour les productions végétales : foncier détenu par la coopérative < 20 % de la surface totale engagée par les coopérateurs.
  • pour les productions animales : cheptel détenu par la coopérative < 20 % du total des animaux engagés par les coopérateurs.

« Au-delà de ce pourcentage, il peut y avoir des conséquences fiscales, il est alors conseillé de recourir à une filiale. »

Les différentes étapes de la démarche

Concrètement, il s’agit de portage foncier, et « celui-ci peut prendre des formes très diverses dans les coopératives agricoles mais il doit toujours être au service d’une stratégie et adapté au contexte dans lequel elles évoluent », insiste Charles Guillaume, responsable juridique chez La Coopération Agricole section Vignerons Coopérateurs de France.

1- Définir le projet foncier

« Il doit être clair, précis, transparent avec des éléments concrets pour le justifier. »

« Il nécessite une adhésion collective : ses objectifs et sa mise en œuvre doivent être déterminés par le Conseil d’administration. »

2- Le présenter en assemblée générale

→ Ceci, afin d’obtenir l’assentiment du plus grand nombre d’associés coopérateurs. « C’est important, souligne l’expert, car le portage foncier n’est pas anodin pour les coopératives : il mobilise une part substantielle des fonds propres, d’où une diminution de leur capacité d’endettement et de financement pour d’autres projets. »

→ De plus, vu sa finalité, très diverse, et sa portée, justifications et débats s’imposent.

Quelques exemples :

Dans le cas de l’installation d’un jeune associé coopérateur, est-ce un jeune agriculteur ou un nouvel adhérent ? Le but de l’opération est-t-il quantitatif − maintenir l’approvisionnement de la coopérative pour que la taille de l’outil soit toujours adaptée − ou qualitatif pour décrocher de nouveaux marchés ?

→ Enfin, des limites doivent être posées : plafond financier, localisation des terres, type de bénéficiaires, nombre de projets…

3- Fixer un cadre formel

En priorisant les projets fonciers des adhérents

Si plusieurs adhérents sont en concurrence, la coopérative choisit selon le principe d’équité entre les associés coopérateurs. « C’est essentiel pour préserver de bonnes relations, appuie le juriste. C’est pourquoi on conseille d’inscrire dans le règlement intérieur ces opérations, leur finalité et les critères de priorisation (surface, production, situation géographique, installation ou confortation d’exploitations, etc.), qui doivent être objectifs et cohérents avec chaque projet.

En favorisant la transparence des transactions

Les adhérents doivent être tenus informés de leur avancée et des choix du conseil d’administration.

« Tout cela renforce la confiance de l’ensemble des coopérateurs dans ce type de démarche », conclut Charles Guillaume.

4- Prévoir un processus de décision

« L’article 29 §1 des statuts stipule que le conseil d’administration possède par principe la compétence d’agir en matière de foncier mais article 29 §5 ajoute que l’assemblée générale peut modifier les statuts afin de limiter les pouvoirs du CA, notamment sur la validation d’un projet de portage, le montant des emprunts, l’acquisition de tous les immeubles, la conclusion des baux, les prises de participation… », détaille-t-il.

En résumé : une coopérative doit définir collectivement une stratégie foncière, adaptée à ses objectifs et sa situation, pour adopter les outils adéquats, en toute transparence avec l’ensemble des associés coopérateurs, ces outils pouvant être nombreux, variés et complexes.

Les différents cas de figure

« C’est un peu compliqué de s’y retrouver car il y a presque autant de cas que de projets, prévient Frédéric Cordier, ingénieur conseil stratégie, économie et renouvellement des générations à La Coopération Agricole Sud.

Deux angles d’approche sont possibles, selon :

  • qui détient le foncier ?
  • qui exploite le foncier ?

Source : webinaire de La Coopération Agricole intitulé « Coopératives et foncier, système de portage ». Il fait suite aux travaux réalisés dans le cadre du Casdar, ayant abouti au guide « Les coopératives et le foncier ».

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