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Dans un village francilien

La loi « ZAN » vécue comme une « mise sous cloche »


AFP le 21/06/2023 à 10:Jun

(©GettyImages)

À Saint-Ouen-en-Brie (Seine-et-Marne), bourgade champêtre de 900 habitants située à une soixantaine de kilomètres de Paris, la loi sur le « zéro artificialisation nette » des sols (ZAN) fait redouter le pire pour l'avenir du monde rural.

S’étirant le long de la rue de la mairie, Saint-Ouen-en-Brie est un village à maisons : aucun bâtiment, si ce n’est l’église, ne dépasse un étage. « Un écrin de verdure entre les bois de Villefermoy et de Bombon », décrit le site de ce village de Seine-et-Marne.

Malgré ses quatre mandats de maire, Yannick Guillo dit pourtant son inquiétude pour l’avenir. En cause : l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, objet d’une proposition de loi sénatoriale examinée ce mercredi à l’Assemblée nationale.

Issu de la loi Climat de 2019, le ZAN vise à diviser par deux, d’ici à 2031, le rythme de consommation d’espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente, quand 250 000 ha ont été bétonnés. Le but étant de stopper le bétonnage d’ici 2050, à moins de « renaturer » des surfaces équivalentes.

Dans une rue goudronnée en bordure de forêt, Yannick Guillo désigne deux lampadaires face à une prairie. C’est là que la préfecture a récemment refusé de délivrer le permis de construire d’une maison. « Quelqu’un, dans un bureau, a décidé que cette parcelle était en dehors de la zone à urbaniser alors qu’on a fait venir tous les réseaux et qu’on ne demandait pas à aller plus loin », vitupère l’élu rural, redoutant une « mise sous cloche » du village.

Propriétaire du terrain, Fabienne Barrault a dû renoncer à la vente. « On interdit de construire au bord d’une route sur ce qui n’est même pas un champ, mais à côté de ça on « sururbanise » le village », remarque cette habitante.

« Pas Hong Kong »

En matière de préservation des sols, dont l’artificialisation est une des principales causes d’effondrement de la biodiversité, Saint-Ouen fait pourtant partie des communes les plus vertueuses, à en croire le maire.

« On travaille depuis plus de vingt ans à un accroissement raisonné, avec des extensions contiguës, mais c’est nous qui allons être le plus pénalisés par les règles de calcul du ZAN car nous n’avons pas cherché à nous étaler », résume-t-il. A contrario, les « collègues » qui ont laissé libre cours « au mitage », pourront continuer à « remplir leurs dents creuses », donc à accueillir de nouveaux habitants.

Après de gros mouvements de population dans les années 2000, le village « fidélise » ses habitants et voit débarquer depuis la pandémie des ménages parisiens au fort pouvoir d’achat. « On a vu exploser les prix de l’immobilier, ce qui empêche beaucoup de jeunes de s’installer. On va finir par fermer des classes », soupire-t-il.

Et le ZAN ne va pas, selon lui, améliorer la situation. « On va avoir une sclérose de l’offre, nos communes vont être saturées », répète-t-il.

La seule possibilité de continuer à faire vivre les villages à l’ère du ZAN serait de « monter en hauteur », mais il y a un risque de « défigurer les petites communes », prévient le maire. « On ne construit pas Hong Kong, on est à Saint-Ouen-en-Brie. Il faut qu’il y ait de l’air, il faut qu’il y ait du vert ».

Marie-France Pierre préside l’association « Tous anchoeurs » qui organise régulièrement des événements festifs. « Je suis pour la défense des terres agricoles », assure-t-elle, mais « il faut trouver un juste équilibre car s’il n’y a plus de constructions, il n’y a plus d’enfants, plus d’école ». « On a besoin que les villages continuent à grandir un peu pour conserver nos infrastructures », abonde Arnaud Grangé, menuisier. « Avant on avait des beaux terrains de plus de 1 000 m2. Aujourd’hui les gens en revendent la moitié pour construire deux pavillons dessus, on fait des lotissements qui s’apparentent à du HLM », regrette-t-il.

Pour répondre aux inquiétudes des élus ruraux, les sénateurs ont garanti une « surface minimale de développement communale » d’un hectare. Plus globalement, c’est l’aspect « arithmétique et général » de la loi qui crispe les élus, même si aucun ne remet en cause ses objectifs environnementaux. « On se retrouve en Seine-et-Marne avec la même réglementation que dans la Creuse », regrette M. Guillo.

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