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Reportage

Pierre Pujos, agriculteur : « L’agroforesterie, c’est la cerise sur le gâteau »


TNC le 14/03/2023 à 08:02
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Les bandes enherbées de Pierre Pujos. (©Christophe Lopacki)

Céréalier bio installé dans le Gers, Pierre Pujos a toujours cherché à améliorer la résilience de son système. C’est avec cet objectif en tête qu’il s’est lancé dès 2006 dans l’agroforesterie. Limiter l’érosion, garder l’eau sur ses terres séchantes et favoriser la biodiversité locale sont trois des impacts positifs qu’il constate après plusieurs années de mise en place.

« Pour moi l’agroforesterie, c’est la cerise sur le gâteau », aime à dire Pierre Pujos, agriculteur bio installé à Saint-Puy dans le Gers depuis 1998. « Ça fait partie de tout un système, on ne peut pas faire qu’une étape. »  

Couverts végétaux, cultures associées, rotations longues et récemment introduction d’un atelier ovin pour améliorer la fertilité de ses sols, il faut dire qu’il a l’habitude de tester différents leviers sur son exploitation pour améliorer la résilience de son système. « Mettre juste des arbres dans les champs sans changer ses pratiques, ça ne sert à rien. Il faut avoir une approche systémique, c’est-à-dire regarder ce qui se passe dans les champs mais aussi autour ».

Présentation de Pierre Pujos et de son exploitation :

  • Installation en 2018, en hors-cadre familial.
  • Membre de l’Association française d’agroforesterie depuis 2007, et désormais au conseil d’administration.
  • Exploitation bio depuis 25 ans, sans aucun intrant .
  • SAU : 200 ha : 15 ha mélange féverole/triticale, 30 ha petit épeautre, 10 ha lin oléagineux, 15 ha lentille/cameline, 20 ha pois chiche, 30 ha orge de printemps, 40 ha prairies et 40 ha luzerne.
  • Atelier ovin viande : 170 mères et 350 ovins en tout.
  • Sols : argilo-calcaires.

Erosion, eau et biodiversité : les trois objectifs

Son exploitation de 200 ha environ est située sur les coteaux argilo-calcaires du Gers, sur des sols très secs et ne recevant pas d’irrigation. Voyant son sol se dégrader, il a voulu tester l’agroforesterie pour la première fois en 2006. « Le premier objectif pour moi était de lutter contre l’érosion. Grâce à des lignes d’arbres et des bandes enherbées fixes en travers des pentes, je limite la terre qui descend ». Deuxième objectif : garder un maximum l’eau sur la parcelle. « Avec les pentes que j’ai, quand l’eau arrive sur les bandes enherbées ou sur les racines de l’arbre, elle pénètre profondément dans le sol, et cela constitue un réservoir hydrique important. En été, l’arbre fait effet de « pompe », remonte l’eau et la restitue sous forme hygrométrique dans le circuit ».

Enfin dernier objectif et pas des moindres pour Pierre Pujos : favoriser la biodiversité sur ses parcelles grâce aux bandes enherbées entre les arbres. « Je ne les ai pas semées, précise-t-il, je les laisse se développer seules afin que les espèces endémiques locales s’y implantent et que les auxiliaires des cultures (carabes, coccinelles, pollinisateurs sauvages) y trouvent un abri. »

Les espèces ont été choisies pour faire du bois d’œuvre. (©Christophe Lopacki)

Quelles espèces planter ? À quelles distances ? Quelles protections pour les arbres ? … autant de questions pour lesquelles il n’avait pas de réponse. « C’est très technique quand même, et au début j’étais un peu perdu. Il faut vraiment se rapprocher d’associations dont c’est le métier », comme l’Association française d’agroforesterie. Ensemble, ils ont étudié le projet, fixer les objectifs, déterminer l’usage qu’il serait fait de ces arbres… « J’ai choisi d’en faire du bois d’œuvre, car ça me semblait le plus facile et le moins contraignant. C’est sûr que le plus productif aurait était de planter des fruitiers », reconnaît-il.

Ils ont choisi ensemble les espèces adaptées au bois d’œuvre : merisier, noyer, frêne, érable, sorbier, alizier, poirier, chêne vert… capables de faire billes de 4 à 5 m de haut, sans nœud.

« C’est une production dans la production »

Place ensuite au chantier de plantation. En 2006, mais aussi pour les suivants (en 2011, 2013 et 2016), il a fait appel à ses connaissances. « En deux jours, on plante 10 ha ! Il faut être nombreux, sinon ça peut vite être galère ! » Sur les endroits les plus calcaires, avec seulement 10 cm de terre, ce sont des chênes et érables qui ont été choisis. Dans les sols plus profonds (1,5 à 2 m), il a planté des espèces plus poussantes, qui ont plus besoin d’eau, comme les noyers, merisiers…

2 heures par hectare et par an, c’est le temps d’élagage estimé par Pierre Pujos. (©Christophe Lopacki)

Une fois en terre, il faut s’en occuper ! « C’est une production dans la production explique Pierre Pujos, sauf que l’échelle de temps est différente. Contrairement aux céréales, ce n’est pas sur une année qu’on en récolte les fruits.  Si on veut que ça reste productif sur chaque mètre carré, il faut se dégager du temps pour les tailler, les façonner pour former des billes sans nœud ». Il taille en hiver, et aussi un peu en août, et estime le temps nécessaire à 2 heures par hectare et par an pour élaguer des arbres qui font entre 2 et 7 – 8 m de haut.

Après plusieurs années de recul sur l’agroforesterie, l’agriculteur gersois constate des effets positifs directs sur l’érosion, la présence d’eau dans la parcelle et la biodiversité. Et niveau cultures, il n’a jamais observé de dépréciation sur la culture, si ce n’est là où il a planté des frênes, gourmands en eau et qui peuvent entrer en concurrence avec les cultures en cas d’étés secs. C’est d’ailleurs l’un de ses seuls regrets : avoir des frênes qui ne sont pas adaptés à ses sols et à son système.

« Il faut savoir dans quoi on s’engage, se faire accompagner et tenir dans la durée, car il faut entretenir tous les ans », voilà les conseils qu’il donnerait aux agriculteurs désireux de se lancer en agroforesterie.