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Reportage chez Pierre Pujos (32)

Les moutons, la « bêle » solution pour améliorer la fertilité des sols


TNC le 17/02/2023 à 18:05
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Pierre Pujos a fait le choix d'une race rustique pyrénéenne : la Tarasconnaise. (©Christophe Lopacki)

Céréalier à Saint-Puy dans le Gers, Pierre Pujos est installé en agriculture biologique depuis plus de 25 ans. Depuis 3 ans, l'agriculteur découvre un nouveau métier : celui d'éleveur ovin. L'objectif : « ramener de la fertilité et développer un système plus autonome et résilient ».

Dès son installation en 1998, Pierre Pujos se lance en agriculture biologique sur son exploitation.  Mélanges variétaux, cultures associées, semis direct sous couverts… l’agriculteur multiplie les leviers pour développer un système autonome. En blé tendre, il utilise, par exemple, un mélange de 10 variétés anciennes. Le rendement obtenu est certes faible (17-18 q/ha) par rapport à la moyenne hexagonale, mais Pierre Pujos n’utilise aucun intrant et limite les charges de mécanisation. Il peut aussi compter sur « une bonne valorisation des blés pauvres en gluten produits, auprès des boulangers locaux (630 €/t) ». « Sur nos coteaux gersois secs, le rendement moyen en blé tendre est de 60 q/ha en conventionnel », précise-t-il. Les sols superficiels et le climat limitent aussi l’agriculteur dans le choix des cultures : il évite, par exemple, les cultures d’été, compliquées à gérer dans le secteur sans irrigation. 

Plus d’informations sur l’exploitation de Pierre Pujos :
– Installation en 1998 en hors cadre familial
– SAU : 200 ha
– Assolement : 15 ha mélange féverole/triticale, 30 ha petit épeautre, 10 ha lin oléagineux, 15 ha lentille/cameline, 20 ha pois chiche, 30 ha orge de printemps, 40 ha prairies et 40 ha luzerne.
– Type de sols : argilo-calcaires
– MO : Pierre Pujos et 1 salarié

« Ramener de la fertilité dans le système »

Pour « limiter toutefois le plafonnement des rendements et ramener de la fertilité », Pierre Pujos réfléchit à activer d’autres leviers et pense notamment à l’introduction de l’élevage dans son système. Cela démarre en 2018 avec l’accueil d’un berger et de son troupeau de brebis l’hiver, en système transhumant. Puis, 2 ans plus tard, l’agriculteur décide de se lancer aussi dans l’aventure. Son troupeau compte aujourd’hui 170 mères et 350 ovins en tout. « L’idée, c’était de refaire de la polyculture-élevage, de remettre des animaux sur les parcelles et de rentrer des prairies dans la rotation ». Et ainsi « de produire des céréales de façon plus correcte. Les animaux sont là pour faire du pain », résume Pierre Pujos. 

Pourquoi le choix des brebis ? « Je suis céréalier à la base et je n’ai aucune compétence en élevage. On sait que ce sont les ruminants qui apportent le plus en termes de bactériologie… Mais les vaches me faisaient peur. Les brebis sont plus facilement manipulables. » « Aussi, comme ces animaux sont moins lourds, ils vont potentiellement moins tasser les sols. On peut assez vite entrer avec eux dans un couvert ou une céréale. Et même s’il y a un peu d’humidité, l’impact sera moins préjudiciable que le passage des vaches. »

Pour le choix de la race, l’éleveur cherchait des animaux « qui puissent vivre en plein air toute l’année, qui soient capables de s’alimenter aussi dans les friches ou dans les bois… et dotés d’une facilité d’agnelage. La Tarasconnaise est une race rustique pyrénéenne, adaptée à l’ élevage en plein-air intégral. On utilise les techniques néo-zélandaises, très au point notamment en termes de matériel, avec les clôtures de type Spider, qu’on déplace avec le quad. Cela devient très ergonomique et facile de déplacer les animaux ainsi ».

Les animaux sont entièrement nourris à l’herbe : pas de grains, pas de foin non plus. « Car qui dit foin, dit besoin de matériel de fenaison, hangar pour stocker du foin, etc. Nous sommes dans un secteur où il n’y a pas du tout d’élevage, donc pas de matériel disponible… » Avec ce système, Pierre Pujos limite ainsi l’investissement nécessaire. « Entre l’achat du quad, les clôtures mobiles, les abreuvoirs, les barres de contention… 15 000 euros ont suffi. Il manque peut-être encore quelques bricoles, mais pour un système en bâtiment, il aurait fallu plutôt 400 à 500 000 €. Si on compte le bâtiment, la mise aux normes, le bâtiment pour stocker les fourrages, le matériel de fenaison, etc. Ce n’était pas jouable ». 

Un échange gagnant-gagnant

« Je n’ai pas réussi encore à mettre le parcellaire de l’exploitation complètement en adéquation avec le troupeau mais ça va venir progressivement. Les hauts des coteaux secs peu productifs en cultures ont notamment été passés en prairies. L’idée est d’avoir environ 30 % de la surface dédiée aux animaux, en rotation avec les cultures,  tout en essayant de produire au maximum des céréales aussi », précise Pierre Pujos. Pour alimenter son troupeau, l’agriculteur a noué des partenariats notamment avec des collègues voisins : « cela fait deux mois qu’une grande partie du troupeau est, par exemple, sous les pruniers d’un autre agriculteur ». C’est un échange « gagnant-gagnant » : « j’ai l’alimentation gratuite pour mes animaux et le collègue retrouve de la fertilité et ses parcelles sont entretenues », indique l’agriculteur. Il réalise aussi ce type d’échanges avec des viticulteurs ou d’autres céréaliers. Les animaux vont également pâturer dans des bois parfois l’hiver. 

Le point le plus problématique reste « l’ absence d’herbe l’été avec la sécheresse ». 70 à 80 % du troupeau part alors en transhumance, dans les Pyrénées à 160 km de l’exploitation. « On se regroupe pour cela avec plusieurs éleveurs et on salarie des bergers, cela créé de l’emploi. Les bêtes y restent environ 4 mois/an ». Cela dégage aussi du temps pour les grandes cultures, notamment lors de la période des récoltes. 

Quels premiers retours ? 

Car il faut le préciser : l’arrivée de l’atelier ovin a bouleversé l’organisation de la ferme. « C’est un autre métier, reconnaît Pierre Pujos. Au début, j’ai salarié quelqu’un. Cela m’a permis d’apprendre les bases pour savoir mener un troupeau, s’occuper de la gestion sanitaire, etc. » « Contrairement à un pied de blé, quand un animal a faim, il nous regarde et il veut passer de l’autre côté de la clôture, on ne peut pas le faire attendre ! »

Le troupeau de Pierre Pujos compte 170 mères et 350 ovins en tout. (©Christophe Lopacki)

« Sur les céréales, je ne peux pas dire que j’apporte moins d’ engrais grâce à l’élevage, car ça fait 15 ans que je n’en mets pas. » S’il est difficile de mesurer les bénéfices de l’introduction de l’élevage sur l’exploitation, Pierre Pujos estime toutefois que cela va dans le bon sens d’un point de vue agronomique. « Je crois beaucoup en la polyculture-élevage », précise-t-il. « Grâce aux animaux, on a pu sécuriser les couverts d’été. On les sème maintenant dans les céréales et je fais passer le troupeau dans les blés, qui rappuie la graine et ramène de la lumière en broutant. Les couverts de trèfle ainsi semés entre mi-février et début mars réussissent beaucoup plus régulièrement avec les animaux ». L’agriculteur cherche à développer un système plus autonome et résilient. 

Sur le plan économique, 2023 devrait être la première année où l’éleveur commence à gagner de l’argent avec son troupeau depuis son arrivée il y a 3 ans. « Jusque-là on était à l’équilibre », indique Pierre Pujos. Il faut préciser que c’est un système différent. « Les animaux mangeant uniquement de l’herbe, la viande produite est rouge, et non blanche. Et cela ne correspond pas aux standards demandés. Je ne vends pas d’agneaux du coup (18 kg), mais des moutons de 40 kg ». Pierre Pujos met en avant « les atouts de la viande produite ainsi sur le plan nutritionnel ». Cela implique toutefois un pas de temps plus long côté retour sur investissement, mais « les animaux sont mieux valorisés et apportent aussi plus longtemps leurs bénéfices sur les parcelles ».