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Exportations de céréales

L’Égypte, une destination aléatoire pour le blé français


TNC le 06/03/2020 à 08:02
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L'Égypte, premier acheteur mondial de blé, en a importé 12,35 Mt durant la campagne 218/19, dont 500 000 t de blé français. (©TNC) 

Le succès du blé français en Égypte est variable, avec des hauts et des bas. Entre septembre 2017 et février 2019, pas un seul kilo de blé français n'a été vendu au pays des pharaons. Mais cette année, la compétitivité accrue de la céréale hexagonale permet aux opérateurs de réaliser une très bonne campagne d’export.

Le blé français réalise cette année une très bonne campagne d’export vers l’Égypte, en témoigne la dernière vente réalisée fin janvier, pour un volume de 180 000 t. Au 30 janvier, la France se classait ainsi en quatrième position parmi les principaux fournisseurs de l’Égypte, avec 720 000 t vendues contre 180 000 t l’an dernier, à la même période.

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Ce dynamisme résulte de la très bonne compétitivité de la céréale française, qui parvient à rivaliser avec les blés russes et ukrainiens. La parité euro/dollar est avantageuse, tandis que les origines Mer noire sont à l’inverse affectées par une parité monétaire qui leur est moins favorable, compte tenu de l’appréciation de Rouble et de la Hryvnia. Quant au coût du fret, après une augmentation considérable pendant l’été, il est redescendu. Élément déterminant dans les décisions d’achat des grands importateurs, son coût parfois trop élevé avait pénalisé les offres françaises à plusieurs reprises en début de campagne.

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Néanmoins, l’Égypte reste un débouché assez restreint, et surtout particulièrement variable. Sur les dix dernières années, le blé français a connu deux campagnes particulièrement prospères en Égypte : les campagnes 2010/11 et 2014/15, avec respectivement 2,5 Mt (12,8 % des exports français) 2,1 Mt (11,1 %) expédiées vers le pays. Mis à part ces deux années-là, ce sont en moyenne 500 000 t de blé français qui sont expédiées en Égypte, soit environ 3 % du total exporté par le France. En somme, l’Égypte, comme d’autres pays tiers, est un peu la « variable d’ajustement » des exports français, comme le soulignait Guillaume Van de Velde, directeur général de Ceremis. « C’est là qu’on expédie ce qui n’est pas consommé en France ou envoyé vers les pays limitrophes ». 

Autre illustration de cette grande variabilité : entre septembre 2017 et février 2019, l’Égypte avait boudé le blé français et s’était fournie exclusivement auprès de la Mer Noire et des États-Unis. La mauvaise récolte française de 2016 avait mis les exportateurs en difficulté, avec un blé difficilement en mesure de répondre aux exigences qualitatives élevées de l’Égypte.

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Par ailleurs, une querelle intergouvernementale sur la réglementation des importations de blé avait également éclaté à cette période. L’Égypte avait imposé une politique de tolérance zéro à l’ergot, malgré une norme internationale commune autorisant des traces d’ergot jusqu’à 0,05 %. Cette réglementation rendait les affaires avec l’Égypte très compliquées, affirmaient des traders à l’époque. Le risque de refus empêchait bon nombre d’entre eux de participer aux appels d’offres. La règle a été fortement contestée et les fournisseurs ont alors décidé de boycotter les appels d’offres de l’Égypte et lui ont ainsi coupé l’accès aux céréales des marchés mondiaux. Mais l’Égypte a ensuite supprimé cette règlementation. La situation s’est alors calmée, et les affaires ont pu reprendre progressivement.

Du fait de son volume d’importation très élevé, l’Égypte est particulièrement attentive à ses dépenses et n’hésite pas à faire jouer la concurrence sur le marché mondial pour se tourner vers le blé le moins cher.

La Russie, principal fournisseur de l’Égypte

Même si la France réalise une bonne campagne d’export cette année, cela reste difficile de concurrencer les autres pays présents sur ce marché. À ce jour, c’est la Russie qui reste le principal fournisseur de blé de l’Égypte. Fin janvier, 2,75 Mt de blé russe avaient été vendus aux Égyptiens. Mais les ventes sont tout de même en net recul de 21 % comparé à l’an passé. La Roumanie reste le second fournisseur, avec 840 000 t, un volume équivalent à celui de l’année précédente. En troisième position, l’Ukraine, en forte progression depuis l’année dernière : 720 000 t vendues cette année contre 355 000 t l’an dernier.

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Si le blé russe est autant apprécié en Égypte, c’est parce que le pays est situé sur ce que Dmitry Rylko, directeur général de Ikar LLC, avait appelé le « méridien du blé russe », lors de sa présentation au Paris Grain Day 2020. Il s’agit d’une bande géographique assez étroite qui va du Sud de la Russie, passe par la Turquie, le long du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Est. « Nous sommes les plus forts le long de ce méridien. Ça a occupé 70 % des exportations russes cette année », a expliqué Dmitry Rylko. Pourquoi ? Tout simplement grâce à une position géographique avantageuse et à la compétitivité des prix russes, répond l’expert. Par ailleurs, « l’Égypte a récemment réduit son exigence concernant la teneur en protéine du blé importé, ce qui l’amène à préférer le blé de la mer Noire », soulignent la FAO et l’OCDE dans leurs « Perspectives agricoles 2019-2028 ».

Par ailleurs, la concurrence pourrait entre s’accroître. Fin janvier, l’Égypte a fait savoir qu’elle étudiait la possibilité de l’ajout du blé indien à sa liste des origines d’importation acceptables pour ses appels d’offres internationaux afin de diversifier ses fournisseurs. 

« L’Égypte, le plus grand importateur de blé au monde, ne serait pas affectée si le blé d’un pays se faisait rare sur le marché en raison de sa liste diversifiée d’origines acceptables », a déclaré à  Reuters Ahmed al-Attar, le chef de la quarantaine agricole, une section du ministère de l’agriculture égyptien chargée d’assurer la sécurité des importations alimentaires.

Le blé, céréale phare du régime alimentaire des Égyptiens
Pays le plus peuplé d’Afrique du Nord, l’Égypte est aussi de loin le plus grand importateur mondial de blé. Depuis des centaines d’années, la céréale est un élément central du régime alimentaire des habitants du pays, principalement à travers le pain. Il est d’ailleurs subventionné, ce qui stimule encore davantage la consommation. Un Égyptien consomme en moyenne 200 kg de blé par an. La croissance démographique va continuer de faire croître la demande intérieure et tirer les importations égyptiennes à la hausse dans les années à venir.