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Droit à l'essai pour les Gaec

J.-L. Chandellier : « Des fiançailles pour un mariage qui dure »


TNC le 17/05/2022 à 17:52
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« Lorsque des agriculteurs ont envie de travailler ensemble, pour que ça marche, il faut prendre le temps d'apprendre à se connaître », conseille Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec et Sociétés. (©AdobeStock)

Pour que les sociétés agricoles continuent de se développer, notamment pour faciliter l'installation de jeunes agriculteurs, « il faut se doter d'outils efficaces », préconise Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec et Sociétés. « Le droit à l'essai pour les Gaec en est un et, pour pouvoir le généraliser, il faut travailler sur les questions juridiques et statutaires. »

Selon les chiffres donnés par Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec et Sociétés et directeur général adjoint de la FNSEA, aux 20e Rencontres de droit rural de l’AFDR et AgriDées, « les sociétés en agriculture sont un succès numérique et économique », et sont promises à un « bel avenir », parce qu’elles présentent un certain nombre d’avantages. Cependant, quelques freins pourraient limiter leur développement et nuire au renouvellement des générations d’associés. Et ceux-ci sont liés, en particulier, à la crainte de ne pas arriver à travailler ensemble et à nouer de bonnes relations humaines.

Période d’essai et accompagnement relationnel

Pour les lever, il s’agit de « se doter d’outils efficaces », comme :

  • une période d’essai sécurisée
  • un accompagnement relationnel

→ Concernant le second point, plusieurs chambres d’agriculture proposent déjà un appui à la gestion des relations humaines (entre tiers et dans le cercle familial), un dispositif à étendre partout en France et dans d’autres organismes agricoles (OPA) tels que les centres de gestion ou les FDSEA. « Beaucoup de conseillers maîtrisent les montages sociétaires, mais moins l’aspect humain, un sujet complexe voire délicat où on peut vite faire plus de mal que de bien, avertit Jean-Louis Chandellier. C’est un métier à part entière qui nécessite des compétences spécifiques, donc des salariés spécialisés. Au sein de notre association, nous sommes en train d’en accréditer un certain nombre pour qu’ils puissent intervenir dans les OPA ou en tant qu’indépendants. »

→ Quant à la période de test, « l’année d’essai », elle existe depuis une trentaine d’années en Haute-Savoie pour les Gaec, couplée à un suivi relationnel, avec de bons résultats. C’est le droit à l’essai sur lequel Gaec et Sociétés travaille depuis quelque temps déjà pour le généraliser à tous les départements. Si on le compare souvent à la période d’essai en vigueur dans les autres secteurs professionnels, Jean-Louis Chandellier parle de « fiançailles » même si le terme, il en convient, est « un peu désuet ». « Des agriculteurs se rencontrent, puis ont envie de travailler ensemble. Ils envisagent alors de s’associer. Pour que le « mariage » réussisse, ils doivent apprendre à se connaître pour savoir si leurs caractères peuvent s’accorder ainsi que leurs projets professionnels. »  

Des freins juridiques et statutaires

En 2021 (et non 2020 comme prévu à cause du Covid), une expérimentation sur le droit à l’essai a été lancée dans 9 départements pilotes (3 à 4 projets chacun). Le principal obstacle pour généraliser la démarche est d’ordre « juridique et statutaire ». « C’est un peu la quadrature du cercle : on fait comme si on était associé du point de vue du travail et du projet, mais sans engagements pour l’avenir », reconnaît l’expert.

→ Pour les regroupements d’exploitations : le spectre de la société créée de fait 

Chaque exploitant a déjà du foncier, du matériel, éventuellement un troupeau… La mise en commun de ces éléments risque d’être déjà une société. « Une naissance non désirée », appuie Jean-Louis Chandellier de manière imagée.

Avec des risques inhérents : « engagement indéfini sur les dettes sociales, résiliation de baux ruraux, perte de micro-BA (Gaec), inéligibilité aux aides Pac, perte de transparence Pac pour les Gaec », cite le spécialiste.

Mais ceux-ci peuvent malgré tout être limités car « tous les critères de la société créée de fait ne sont pas réunis ». Il convient toutefois de spécifier dans la convention/contrat que « c’est une période préparatoire à association, donc que les apports communs sont réalisés en jouissance, avec partage des charges et produits mais pas du résultat, comme pour le bail à métayage », conseille Jean-Louis Chandellier.

Quid des regroupements de troupeaux ?

« La réglementation sanitaire étant complexe, nous avons décidé d’appliquer ce qui est  pratiqué pour l’estive en attendant d’autres solutions à l’étude », répond-il. Entre autres : dresser un état du statut sanitaire de chaque troupeau, notifier leur mouvement vers une « estive collective ».

→ Pour l’installation en société : trouver le bon statut

  • Associé

L’intérêt : vente de parts à réméré (pour 5 ans).

L’inconvénient : l’engagement (il faut assumer ce qui a été fait pendant la période d’essai, financièrement notamment).

  • Associé à faible capital

L’intérêt : capital engagé < 10 %.

L’inconvénient : on n’est pas considéré comme installé pour les aides à l’installation.

  • Autres statuts possibles : salarié, stagiaire, apprenti
  • Liés aux dispositifs préparatoires à l’installation : stage de parrainage, formation professionnelle, etc.
  • Spécifiques aux demandeurs d’emploi : ARE, formations Pôle Emploi…

L’intérêt des deux dernières alternatives : elles bénéficient d’aides publiques.

L’inconvénient : celles-ci varient d’une région à l’autre (montants, conditions). Par exemple, les stages de parrainage sont souvent réservés aux porteurs de projets hors cadre familial, de moins de 40 ans et titulaires de certains diplômes.

→ Lorsqu’on s’associe en famille : des statuts plus souples sont privilégiés (conjoint collaborateur, aide familial)

Ceci parce que le droit à l’essai est limité au Gaec. 

L’inconvénient : pas de rémunération par principe pour les conjoints collaborateurs et très faible pour les aides familiaux.

Un statut qui garantisse couverture sociale et rémunération.
Et un accompagnement financier de l’État ?

« Il faudra trouver le statut le plus pertinent possible, et qu’il soit suffisamment flexible » pour suivre l’évolution des collectifs de travail en agriculture. Surtout, il devra « garantir une couverture sociale et une rémunération » pour l’associé à l’essai, mais aussi « sa participation aux décisions stratégiques », résume Jean-Louis Chandellier. Enfin, le droit à l’essai a un coût : salaires, cotisations sociales, suivi technique et relationnel… qui mérite « qu’on se pose la question d’un accompagnement financier public, même partiel ».