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Conflits familiaux

« L’objectif n’est pas de les résoudre, mais d’aider à mieux se comprendre »


TNC le 07/01/2022 à 05:56
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« Des conflits entre époux en amènent souvent sur l'exploitation », pointe Nathalie Darras. (©Auremar, Fotolia)

Bien s'entendre en famille ne signifie pas forcément réussir à travailler ensemble. Alors qu'elle observe une augmentation des médiations familiales dans le cadre du dispositif Agrimédiation, Nathalie Darras, conseillère en accompagnement humain à la chambre d'agriculture de Bretagne, explique comment les médiateurs accompagnent les agriculteurs et agricultrices pour dénouer des situations parfois complexes. Le maître-mot étant de « se parler sans hésiter à mettre les pieds dans le plat sur certains sujets ».

Il y a de plus en plus de médiations familiales au sein d’Agrimédiation(1), constate depuis trois ans Nathalie Darras, conseillère en accompagnement humain et médiation à la chambre d’agriculture de Bretagne. En effet, « sur les 17 en cours actuellement, 15 concernent en effet des familles, à proportion égale des couples, des parents avec leurs enfants, des fratries », souligne-t-elle. Dans certains cas, « des conflits entre époux en amènent dans l’entreprise », dans d’autres, le mari ou la femme a « du mal à trouver sa place à cause de l’histoire familiale ou parce qu’ils n’ont pas la même expérience professionnelle ».

15 médiations familiales sur 17 en cours.

Comment résorber les tensions dans les familles agricoles ?

Quant aux différends entre générations, ils ont souvent pour origine « une vision de l’avenir qui diverge et dont il n’est pas toujours évident de parler », ou une absence de projet pour les jeunes qui rejoignent la ferme, précise la conseillère. Les producteurs en place « s’appuient sur ce qui a bien fonctionné par le passé mais cela ne correspond pas toujours » à ce que souhaitent les nouveaux installés. Entre frères et sœurs, il s’agit plutôt de « rivalités parfois anciennes liées généralement soit à des personnalités différentes, soit à la volonté des parents de garder leurs enfants sur l’exploitation ». Or 50 % des installations s’effectuent encore dans le cadre familial.

« Voilà en gros les situations que l’on rencontre aujourd’hui pour les médiations agricoles dans le cadre familial », résume la spécialiste. Alors comment aider les agriculteurs et agricultrices à résorber les tensions ? « Notre objectif n’est pas de résoudre les conflits, réplique-t-elle. C’est déjà qu’ils prennent conscience qu’ils n’ont pas pleinement raison et leurs interlocuteurs complètement tort et qu’ils soient prêts, chacun, à faire un effort pour mieux se comprendre. » « Ce sont eux qui sollicitent la démarche, il faut qu’ils en soient acteurs !, insiste-t-elle. À l’évidence, toutes les parties doivent être d’accord pour entreprendre une médiation. »

Ils sollicitent la démarche, ils doivent en être acteurs !

Et éviter d’en arriver là ?

« Pouvoir se soulager et dire ce qu’ils ont sur le cœur depuis longtemps » va ensuite les apaiser. Les bienfaits sont immédiats, selon Nathalie Darras. « Des gens très énervés au téléphone », au point d’avoir des difficultés à saisir leurs propos, parviennent à « se calmer au fil des rendez-vous », témoigne-t-elle, avant de poursuivre : « Les médiateurs, extérieurs à la famille et à la ferme, sont neutres, et ne prennent pas de décision à la place des personnes qu’ils accompagnent. Ils vont juste faire effet miroir pour qu’ils se comprennent mieux les uns les autres, mais aussi eux-mêmes, et réussissent à discuter de comment ils peuvent améliorer les choses. C’est ça, la médiation. »

Dire ce qu’on a sur le cœur depuis longtemps.

Le mieux ne serait-il pas de ne pas en arriver là ? Pour cela, l’essentiel est de « se parler et réfléchir ensemble » à ce que l’on peut construire collectivement, « sans hésiter à mettre les pieds dans le plat » en évoquant des sujets jugés parfois tabous comme la rémunération ou les congés, et en abordant les rôles de chacun, la prise de décision, l’organisation et les stratégies de l’exploitation agricole.

Évoquer l’organisation et les stratégies de l’exploitation, les rôles de chacun,
la prise de décision, la rémunération, les congés…

Divers formations et accompagnements sont possibles dans ces domaines, Nathalie Darras citant par exemple le droit à l’essai pour les Gaec, en expérimentation dans les quatre départements bretons, qui permet pendant un an de « tester avant de s’associer l’entente » entre parents et enfants, frères et sœurs ou entre tiers. Rappelons qu’en Bretagne, 49 % des installations se font en Gaec, contre 32 % en 2013. « En famille, on a l’impression qu’on se connaît mais ce n’est pas pareil de travailler ensemble », conclut-elle. Avant de se lancer, « beaucoup de points doivent être clarifiés ».

(1) « Ce dispositif d’accompagnement à la médiation a été mis en place en 2003 dans le Morbihan, puis régionalisé en 2018, rappelle Nathalie Darras. Des agriculteurs et des agricultrices, en activité ou retraités, sont formés à la médiation pour intervenir, en binôme homme/femme, auprès de collègues exploitants, afin de les aider à renouer le dialogue et à trouver ensemble des solutions pour dépasser leurs désaccords. »