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Gestion des adventices

« Pas de solution miracle » encore pour se passer du glyphosate en ACS


TNC le 19/05/2022 à 18:00
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Pas de solution miracle pour se passer du glyphosate en agriculture de conservation des sols, mais un panel de leviers agronomiques à combiner. (©Alain Van de Kerckhove)

Dans le cadre du plan Ecophyto II, le projet SOLutionsACS a permis d'étudier différentes alternatives agronomiques au glyphosate en agriculture de conservation des sols, via des plateformes agriculteurs. Arrivées à la 3e campagne d'essais, les équipes estiment qu'il n'existe pas de solution miracle. Elles misent plutôt sur une combinaison de leviers alternatifs pour se passer du glyphosate sur le long terme.

« Quelles alternatives agronomiques au glyphosate dans la gestion des adventices en ACS ? », telle était la thématique du projet SOLutionsACS, porté par l’Apad* dans le cadre du plan Ecophyto II. Ce projet a été lancé en août 2019 et prend fin ce mois-ci, l’occasion pour les équipes de présenter leurs premières conclusions lors du webinaire de restitution le 12 mai dernier.

Des essais systèmes ont été mis en place lors des trois dernières campagnes, sur cinq plateformes chez des agriculteurs céréaliers, sans irrigation et avec des situations pédoclimatiques différentes. Objectif : « identifier les leviers les plus pertinents et durables pour gérer les adventices en ACS ». Aux côtés de la modalité de référence sans travail du sol et avec usage de glyphosate, les équipes ont alors testé sur chaque plateforme : 

  • « Une modalité témoin avec désherbage mécanique alternatif sans travail du sol si nécessaire et sans glyphosate »;
  • « Une modalité avec désherbage mécanique alternatif sans travail du sol, si nécessaire, et usage d’une dose réduite de glyphosate » ; 
  • « Une modalité avec désherbage mécanique travaillant superficiellement le sol (= scalpage) si nécessaire, et sans glyphosate ». 

Des résultats très proches côté IFT et un avantage pour le glyphosate sur le plan économique

À noter : « concernant la modalité de référence, les agriculteurs étaient libres d’utiliser la quantité de glyphosate qu’ils voulaient. En moyenne sur deux ans, la dose appliquée est de 2,4 l/ha/an pour une solution titrée à 360 g/l de glyphosate, soit 80 % de la dose maximale autorisée », précise Alicia Régis.

Parmi les résultats sur les deux dernières campagnes, les IFT totaux montrent « des résultats très proches » quelle que soit la modalité : « il n’y a pas d’augmentation ou de baisse significative d’utilisation des produits phytosanitaires. Le non-recours au glyphosate dans certaines modalités est « compensé » par l’utilisation d’autres solutions herbicides. Seulement deux plateformes obtiennent un IFT moindre (- 11 et – 7 %). Pour les deux cas, cela concerne la modalité scalpage ».

Sur le plan économique, c’est la modalité avec glyphosate qui a l’avantage. À côté, la modalité témoin obtient une marge brute inférieure de – 34 à – 82 %. Pour la modalité avec une dose réduite de glyphosate, la marge brute est réduite de 25 à 54 %, et pour la modalité scalpage : – 6 à – 18 %. 

Le scalpage ponctuellement ? 

Si la dose réduite de glyphosate et le scalpage présentent des résultats similaires à la référence concernant la densité totale d’adventices présentes après deux campagnes, Jacky Berland, agriculteur et membre du comité technique de l’Apad, note l’importance de « valider l’effet d’une dose réduite sur une plus longue période ».

En ce qui concerne le scalpage, qui obtient de bons résultats en moyenne, Alicia Régis souligne « une forte hétérogénéité de résultats ». Il faut préciser que les outils utilisés étaient différents selon les plateformes. En effet, les agriculteurs étant engagés en ACS ne disposent pas de matériel de scalpage. Pour les plateformes, ils ont testé avec le matériel qu’ils pouvaient avoir à disposition par leurs voisins… : déchaumeur à disques, outil à dents et socs à pattes d’oie, herse rotative, bêche roulante, etc. 

Pour Paul Robert, gérant de Novalis Terra, « cela peut être un outil très puissant, à utiliser de manière ponctuelle dans les situations qu’on ne peut pas rattraper. Cela ne doit pas être systématique. Dans le cas des graminées, il faut être précis dans l’application, avec des conditions climatiques adaptées et en fonction du type de sols aussi. 

Les équipes ont procédé à une évaluation multi-critères pour les différentes modalités testées. Après les IFT et la marge brute, il ressort ainsi que « les émissions de gaz à effet de serre relatifs à la consommation de carburant sont plus fortes pour les modalités dose réduite de glyphosate et scalpage, respectivement + 5 à 17 % et + 15 à 29 %. Le temps de travail est aussi plus important, respectivement + 9 à 22 % et + 13 à 25 %. En cause : un ou plusieurs passages d’outils supplémentaires avec des débits de chantiers plus ou moins importants en fonction du matériel présent sur chaque ferme ». 

Des leviers à combiner 

Au vu des différents résultats collectés et des retours terrain, difficile encore d’envisager de se passer complètement du glyphosate en ACS. Il n’existe «  pas de solution miracle », pour François Mandin, président de l’Apad. Il envisage plutôt «  différents leviers à combiner et mettre en œuvre sur le long terme ». Parmi eux, la rotation est un « levier extrêmement fort », souligne Paul Robert. 

Certaines successions culturales ont montré des effets intéressants. Mais « 3 ans, c’est trop court pour en tirer des conclusions, estime Luc Pouit, agriculteur de la plateforme d’Indre-et-Loire. Aujourd’hui, on ne peut pas faire sans glyphosate, on a besoin de temps et de moyens supplémentaires ». Sur la plateforme du Jura, l’agriculteur Arnaud Breton observe, par exemple, que « le soja est une bonne culture si on souhaite « nettoyer » une parcelle ayant trop d’enherbement. Et au contraire, mieux vaut éviter le sorgho dans ce cas-là ». Pour Philippe Durand, installé dans les Deux-Sèvres, le soja a été plus problématique avec la sécheresse… 

« La génétique peut aider avec des variétés plus couvrantes, comme les variétés de blé anciens », indique Paul Robert. Les couverts végétaux ont également un rôle à jouer à ce niveau, en faisant concurrence aux adventices. « La technique reste toutefois aléatoire aujourd’hui en fonction de la climatologie », note Paul Robert. Pour Jacky Berland, il faut « considérer le couvert comme une culture à part entière, pour réussir à faire un bon tuilage entre les cultures ». Attention aussi au choix des espèces, pour éviter des problèmes ensuite dans la gestion pour la culture suivante. Si aucune suite n’est donnée pour le moment au projet SOLutionsACS, faute de financement, le projet SOL’ilfore déjà engagé (2021-2024) devrait permettre d’aller plus loin sur la question des couverts.

Retrouvez un résumé des leviers étudiés lors du projet SOLutionsACS (Source : Apad) : 

LeviersEfficacité constatéeCommentaires
Succession de cultures+Nécessiterait d’être testé sur plus long terme, à l’échelle d’une rotation
Couverts d’interculture+Pourra être approfondi via le projet SOL’iflore

Stratégie de désherbage global

+Soumis à l’homologation d’herbicides non sélectifs en culture
Fertilisation optimisée**?Nécessiterait un pas de temps plus long pour conclure
RouleauA combiner si on veut espérer obtenir un résultat positif
Scalpage+A combiner si on veut espérer obtenir un résultat positif
Couvert permanent+Testé sur une plateforme
Fauche + export+Testé à une reprise
Ecimage+Testé à une reprise
PâturageTestée à une reprise

* Apad : Association pour une agriculture durable. 
Partenaires du projet SOLutionsACS : Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Office français de la biodiversité, Inrae, Novalis Terra, et UniLaSalle. 

** Avec le terme de fertilisation optimisée, les équipes sous-entendent la mise en place de pratiques de fertilisation différentes, visant à rééquilibrer les équilibres nutritionnels.