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Installation en bovins lait

Quels obstacles au financement des projets ?


TNC le 09/07/2020 à 06:12
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Après avoir dressé le panorama de l'installation en production laitière, FranceAgriMer et l'Idele se sont intéressés à l'un des principaux obstacles au renouvellement des générations dans cette filière : le financement des projets. En complément d'une étude du CER France, commanditée et financée par le Cniel, sur la nature et le niveau d'investissement des jeunes éleveurs laitiers, déjà relayée par la rédaction, ces deux organismes se sont penchés sur ce qui peut être un frein pour financer leurs dossiers et leur permettre de s'installer.

« Selon les experts interrogés, les refus bancaires sont rares et il n’existe pas de réels soucis de financement pour les dossiers d’installation » en bovins lait s’ils sont viables, rapportent FranceAgrimer et l’Institut de l’élevage Idele dans l’étude « Les solutions de financement pour aider l’installation des jeunes agriculteurs dans le secteur laitier »(1). « Certains considèrent même que l’élevage laitier n’est pas différent des autres productions agricoles, ni des autres secteurs de l’économie, et qu’il n’est pas plus compliqué de s’installer en lait qu’en grandes cultures par exemple. » Un constat assez surprenant de prime abord vu les difficultés actuelles de la filière et le coût élevé de reprise des exploitations, à la fois de plus en plus grandes et disposant d’équipements performants.

Les problèmes, qui peuvent malgré tout survenir sur le plan financier, s’expliquent plus par « le profil du candidat, le type de projet et sa mise en œuvre ». En effet, même s’ils sont peu nombreux à s’installer en vaches laitières, les Nima (non issus du milieu agricole) et les hors cadre familiaux (20 % en bovins lait contre 30 % dans l’ensemble de l’agriculture) ont « peu voire pas d’apport personnel ni de garanties », ce qui complexifie en parallèle l’accès au foncier, déjà peu évident, rappellent les deux organismes agricoles.

Pour en savoir plus sur l’installation en production laitière (données, chiffres) : Photographie détaillée des jeunes éleveurs laitiers (profils, projets)…

(1) Menée en partenariat avec l’AS AFA Nord-Pas-de-Calais, le Cerfrance Poitou-Charentes, la Chambre d’agriculture de l’Aveyron et Blézat-Consulting

Des investissements lourds mais nécessaires

Toutefois, lorsqu’ils créent ou rejoignent une société avec un ou des tiers, l’investissement, équivalent à l’achat des parts sociales, est généralement plus facile à supporter, en particulier parce qu’il peut être progressif, et offre plus de garanties. « Le point de vigilance porte alors plutôt sur la gestion du facteur humain », met en garde l’étude. Au sein d’une même famille, l’installation sous forme sociétaire facilite encore cette progressivité et donne la possibilité de bénéficier de « garanties, de prêts familiaux et/ou de donations de capitaux/parts sociales, avec des avantages fiscaux » à la clé (cf. pacte Dutreil). Elle simplifie aussi en général la transmission des terres.

Lire aussi : S’installer en élevage laitier (2/2) − « Un bon investissement est viable, vivable et transmissible »

Concernant les freins liés au projet, l’enquête cite les besoins de modernisation (mises aux normes entre autres), d’agrandissement (achat d’animaux notamment), de remplacement ou création d’atelier (acquisition de bâtiments, d’équipements, de cheptel), « non productif tout de suite ». Des investissements parfois indispensables mais lourds pour les futurs installés. La volonté de gagner en productivité et/ou en main-d’œuvre, en confort de travail et en qualité de vie peut aussi inciter les jeunes à trop investir au départ. Le niveau d’endettement initial et les garanties possibles seront alors déterminants pour la viabilité économique de l’entreprise.

Attention, toutefois, à ne pas trop investir si ce n’est pas indispensable.

Projet cohérent, candidat compétent : une assurance

Par ailleurs, certaines productions ou activités, parce qu’elles sont atypiques ou peu présentes dans certaines régions (par exemple, pour les bovins lait, dans les zones intermédiaires comme le Poitou-Charente ou le Sud-Ouest), sont plus difficiles à mettre en place et inquiètent davantage les financeurs, par « manque de références ». Dans tous les cas, et particulièrement dans ceux précédemment listés, « la cohérence du projet, la motivation, l’expérience et les compétences du candidat, ainsi que sa capacité à gérer l’exploitation, sont des éléments de réassurance essentiels », avancent FranceAgriMer et l’Idele. Là encore néanmoins, la prise de risques diffère en fonction de la situation de départ et des garanties potentielles.

Enfin, les cédants visent parfois un prix de cession nettement supérieur à la valeur économique de la ferme, parce que la logique patrimoniale reste très présente, pour compenser une faible retraite ou couvrir des dettes. Toutefois, « la concurrence entre plusieurs repreneurs potentiels et avec des voisins souhaitant s’agrandir, qui mettait le cédant en position de force pour négocier », pourrait être moins prégnante dans les années à venir avec la baisse du nombre de jeunes voulant s’installer en vaches laitières. Enfin, les prix du marché restent basés sur des références historiques datant d’avant la crise laitière. 

Lire aussi : Pascal Donet – « Les cédants devront accepter une reprise à la valeur du marché »

Impossible de développer une ferme reprise trop chère 

Un équilibre économique et financier déjà fragile (aléas climatiques et de marché).

Résultat : l’endettement des jeunes éleveurs laitiers, qui doivent rembourser des annuités très importantes, augmente et l’équilibre économique et financier des élevages, déjà fragilisé par des aléas climatiques et économiques plus fréquents, est menacé. « Cela limite la capacité d’adaptation et de développement de la structure, notamment quand la durée des prêts a été allongée pour permettre l’installation, soulignent les deux organisations agricoles. « Le jeune qui reprend trop cher ne peut pas développer son entreprise », résument-elles. D’autant que la différence entre la valeur de reprise et la valeur économique de l’exploitation est accrue, dans certains secteurs, par la pratique des « pas de portes », qui représente « un actif virtuel ».

Résumé des conditions favorables et défavorables pour s’installer en élevage laitier. (©FranceAgriMer//idele)

Quant aux actifs réels, ils peuvent être conséquents et/ou surévalués lorsque le cédant a effectué des investissements n’améliorant pas le revenu. « Les solutions de financement ne peuvent pas pallier cette surévaluation, il faut intervenir directement sur la valeur des actifs. » À cela peuvent s’ajouter d’autres obstacles financiers quand le jeune est contraint d’acheter le foncier ou la maison d’habitation en plus de la reprise du capital de l’exploitation.

Des choix à l’installation impactant sur le long terme

Face à ces divers freins, « l’installation individuelle hors cadre familial s’avère quasiment impossible en vaches laitières », conclut l’étude. Outre « la cohérence du projet et le coût de la reprise, les orientations stratégiques prises au moment de l’installation (productions, investissements, outils financiers…) auront des répercussions à long terme sur les performances économiques de l’élevage, sa capacité de résilience et le niveau de rémunération des producteurs. »

Alors si, toujours selon cette enquête, les banques parviennent à financer la plupart des dossiers, « la forte instabilité des marchés et des prix dans le secteur laitier les amènent à développer l’analyse des risques grâce à une spécialisation des conseillers par filière », notamment dans les bassins de production historiques (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire…). Cette dernière permet un examen « plus poussé des projets (« approche à 360 degrés ») qui les sécurise aussi bien économiquement et financièrement que face aux aléas (climatiques, marché…), à l’environnement (respect de la réglementation…), au facteur humain (relations au sein du collectif de travail, accidents, maladies, etc.) et aux débouchés (contrats).