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[Revue des réseaux] Filière laitière

Partout dans le monde, des éleveurs doivent se résoudre à jeter leur lait


TNC le 08/04/2020 à 16:31
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Dans le monde entier, les éleveurs laitiers doivent affronter les difficultés causées par la crise actuelle. Faute de débouchés, ils sont de plus en plus nombreux à être contraints de jeter leur production.

Si la filière laitière européenne est largement impactée par le coronavirus, la situation ne s’avère pas plus réjouissante ailleurs. 

Hors de l’Union européenne, la collecte est également en croissance depuis le début de l’année dans les autres principaux pays exportateurs, que ce soit aux États-Unis, en Argentine ou en Australie (malgré les incendies et la sécheresse au début d’année). Seule la Nouvelle-Zélande connaît actuellement un recul de sa collecte, étant donné que le repli saisonnier y est inversé par rapport à l’Europe, avec un creux de collecte qui intervient aux mois de mai et juin. Comme la France, ces pays doivent également faire face à une perte de débouchés. 

À lire : Le ralentissement des exportations met à mal la filière laitière

« Quel gâchis ! », s’est exclamé le journaliste américain Shaun Gallagher face à la pandémie qui « oblige les producteurs laitiers à jeter leur lait dans les égouts pour que le marché du lait n’implose pas. »

Pour rappel, les États-Unis détiennent à ce jour le triste record du plus grand nombre de personnes contaminées par le Covid-19. Certains États connaissent une situation particulièrement critique, à l’instar du Wisconsin, du Texas et de la Floride.

« Avec la fermeture de centaines de milliers de restaurants, écoles et universités, nous avons perdu un énorme marché », a déclaré John Umhoefer, directeur exécutif de la Cheese Makers Association (Association des fabricants de fromage). Alors que l’offre excédentaire pourrait entraîner un désastre pour l’industrie dans son ensemble, John Umhoefer, comme beaucoup d’autres, affirme faire tout son possible pour empêcher que cela se produise.

« Nous vivons dans le sud de la Nouvelle-Zélande, nous approvisionnons notre propre boutique et les marchés agricoles sont tous obligés de fermer. Les supermarchés nous voient comme une concurrence. Pourtant, nous respectons toutes les normes. 30 % des habitants de Nouvelle-Zélande n’achètent pas de produits frais dans les supermarchés. C’est un énorme gaspillage de nourriture. Ouvrez les yeux avant de juger », s’indigne David Wilson un éleveur néo-zélandais.

« Le système américain de production de lait est brisé, et la surproduction de lait est un problème mondial depuis des décennies, même avant cela [le coronavirus]. Le Canada a réussi à garder un peu le contrôle par une gestion de l’offre. Nous devons soutenir plus que jamais les petits exploitants et les exploitations familiales, et nous devons nous éloigner de la production de produits en vrac et privilégier la valeur ajoutée », écrit Kierin Mackenzie, un autre Néo-zélandais. 

(©Facebook)

DES ÉLEVEURS INVITÉS À JETER LEUR LAIT

Face au manque de débouchés et faute de pouvoir collecter ou transformer la totalité de la production, de plus en plus d’éleveurs ont dû se résoudre à  jeter leur lait, à la demande des laiteries. Certains transformateurs ont parfois même eu la délicatesse de les informer d’un arrêt de collecte à la dernière minute.

Au Québec, ce ne sont pas moins de 650 000 litres de lait, soit 1 % du lait produit à la ferme, qui a dû être jeté en l’espace d’une semaine. « Malheureusement, compte tenu de l’impossibilité de trouver un acheteur pour tout le lait, des volumes de lait devront être disposés faute de marché et de capacité de transformation. Les Producteurs de lait du Québec ont déterminé les circuits de ramassage visés par cette mesure exceptionnelle en fonction de l’optimisation des coûts de transport », a indiqué la fédération.

Mais avant de jeter, d’autres options ont bien entendu été étudiées. « Pour gérer les surplus, des dons de lait importants ont été faits aux banques alimentaires de la province au cours des deux dernières semaines. Ainsi, 3 millions de litres de lait ont été transformés en lait de consommation et en fromage, puis distribués aux banques alimentaires », a expliqué à Radio-Canada François Dumontiere, directeur des communications des Producteurs de lait du Québec. Bruno Letendre, le président du syndicat, a lancé un appel aux éleveurs pour réduire leur volume de production pour le mois d’avril.

« Nous jetons du lait dans le sud de la Floride parce qu’il n’y a pas de place. Nous devons encore nourrir et prendre soin de nos vaches, et nos agriculteurs sont toujours en train de traire des vaches, dans l’espoir de pouvoir vendre ce lait à l’avenir …», écrit Ben Butler, un éleveur de Floride qui épand son lait dans les champs.

« Triste moment ce soir d’avoir à vider un réservoir entier de lait parce que la laiterie doit fermer à cause du virus et du manque de personnel …. merci Freshways », déplore l’Anglaise Charlotte Jane Pursey, qui a vu le contenu du tank à lait de l’exploitation familiale se répandre au sol.

« Comme de nombreuses fermes, nous n’avons pas pu nous débarrasser de nos réformes et nous les aurons probablement à la ferme pendant encore quelques semaines. Pour supporter ces 100 vaches supplémentaires dans le troupeau, nous avons décidé de passer à une traite par jour et de réduire l’alimentation », explique la Lincoln University Dairy Farm (LUDF) en Nouvelle-Zélande. 

Certains vont même jusqu’à faire le parallèle avec la Grande dépression, qui avait également mis à mal le secteur laitier dans les années 1930 et contraint des éleveurs à jeter leur collecte. 

Mais Robert Mallett, un éleveur de Prim’Holsteins au Royaume-Uni, tente de rester positif : « J’ai dû jeter le lait d’aujourd’hui aussi, ce qui fait 17 000 l dans les égoûts. Mais les vaches ne sont pas gênées, nous ferons tout pour les garder heureuses et en bonne santé. »

Face à l’ampleur de la crise, le  Congrès américain a alloué 23,5 milliards de dollars à l’agriculture dans le programme de secours contre les coronavirus, bien que « cette somme d’argent ne soutiendra pas » le secteur agricole, estime le président du plus grand groupe agricole américain. Le secteur aura besoin de « beaucoup plus d’argent que ce qui était prévu dans la loi CARES », a déclaré Zippy Duvall de l’American Farm Bureau Federation.