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Charge de travail intense

Oser en parler pour trouver des solutions adaptées à son élevage


TNC le 17/06/2021 à 10:29
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Parallèlement à l'agrandissement des exploitations, la main-d'œuvre se réduit en élevage, d'où une charge de travail, physique comme morale, de plus en plus lourde. Or les éleveurs aspirent à davantage de temps libre comme peuvent en avoir les travailleurs d'autres secteurs d'activité. Un diagnostic de la ferme, spécifique sur cette thématique comme le propose Littoral Normand, permet d'identifier les points de blocage et de trouver des pistes d'amélioration, parfois simples à mettre en place. Cette démarche se poursuit alors naturellement tout au long de la carrière. En rendant la structure attractive, elle facilite la transmission, puis l'installation du repreneur.

Le contexte en quelques chiffres clés

  • Les élevages s’agrandissent
  • La main-d’œuvre diminue

UMO : – 22 % de 2000 à 2010

Nombre de chefs d’exploitation : – 27 %

Main-d’œuvre familiale : – 37 % (de + en + de conjoints travaillent à l’extérieur)

Main-d’œuvre salariée : + 33 %

  • D’où une restructuration des ateliers

Productivité de la main-d’œuvre : x 3 entre 1980 et 2010.

Progression des formes d’organisation collectives (sociétés, Cuma, services de remplacement).

Mais : le volume de travail augmente.

Or : les aspirations des éleveurs évoluent (équilibre vie pro/perso, + de temps libre pour soi et sa famille, loisirs, congés).

Et : « le travail est un enjeu de transmission en élevage, qui fait que l’exploitation à reprendre est plus ou moins attractive », souligne Fabien Bregeault, conseiller chez Littoral Normand.

Une vision globale de l’organisation du travail

1- L’organisation et le temps de travail

Ce qui impacte le plus, c’est l’astreinte, c’est-à-dire pour rappel : les tâches que les éleveurs ne peuvent pas différer.

En hiver, elles sont plus nombreuses. Leur répartition (étude de Littoral Normand) : 

Soit : 38 h/VL/an (14 à 18 h/génisse/an en fonction de l’âge au 1er vêlage).

L’astreinte = 38 h/VL/an
Traite : 50 % / Alimentation : 23 %

Attention ! « Il s’agit d’une moyenne. Il existe une forte variabilité individuelle selon :

  • le profil des producteurs (efficient, perfectionniste, simplificateur) qui influence les pratiques : paillage plus ou moins fréquent par exemple, délégation de certains travaux comme l’alimentation à une Cuma de désilage.
  • le niveau d’équipement : présence d’un Dac, Dal, ou d’un système de monitoring pour les chaleurs et les vêlages, etc.
  • les bâtiments : agencement, aménagement… »

2- Les conditions de travail

Trois composantes peuvent être distinguées. Une enquête de Littoral Normand, auprès de 44 producteurs suivis par l’organisme de conseil, a permis de dégager quelques tendances.

  • Le volume de travail : « élevé à très élevé » pour 68 % des éleveurs. Ex. : 6 h/j pour la traite.
  • La pénibilité physique : « élevée à très élevée » pour 38 % des éleveurs. Ex. : fourrage repoussé à la main sur une table d’alimentation ayant été agrandie. Ou : manipulation des taurillons sans contention.
  • La pénibilité morale : « élevée à très élevée » pour 38 % des éleveurs. Ex. : recherche incessante de la performance.

3- L’attitude face au travail

« Cela renvoie au sens du métier, au plaisir à exercer certaines tâches, aux valeurs que le producteur leur attribue, explique Fabien Bregeault. Ce qui nécessite de se poser pour y réfléchir. »

Bien-être : 10 % d’éleveurs « peu satisfaits »
Temps libre : c’est 40 % !

Concernant leur bien-être, 10 % des éleveurs enquêtés sont « peu satisfaits ». Côté temps libre dans la journée, le chiffre est de 40 %. Même chose au cours de la semaine, et a fortiori le week-end et à l’échelle de l’année pour les vacances.

4- Le management et les relations humaines

« Dans ce volet, sont regroupés la communication, le passage d’informations notamment, l’entente, la confiance, la défense de ses opinions, l’écoute de celles des autres, au sein du collectif de travail », détaille le conseiller en élevage.

Prenons l’exemple d’un cas concret : A et B sont associés père-fils depuis plusieurs années ; C a intégré la société depuis un an.

  • A et B jugent « bonne à très bonne » la communication, l’entente, la confiance ;
  • C met une note moyenne à mauvaise sur ces 3 items.

Conclusion : « Quelques questions rapides montrent aux éleveurs que C n’arrive pas à trouver sa place au sein d’un Gaec déjà constitué, qui plus est entre un père et son fils, lui étant un tiers extérieur. Grâce à ce questionnaire, les choses ont été remises à plat et maintenant C s’épanouit dans son métier. »

Les choses remises à plat, tout le monde s’épanouit !

Des solutions pour alléger la charge physique/morale

1- Pour limiter le temps de travail

  • S’organiser en agissant sur :

– la répartition des tâches et, en particulier, les roulements sur les semaines et week-ends ;

« Veillez, pour réduire la pénibilité physique, à ce que ce ne soit pas toujours la même personne qui exécute les tâches désagréables », recommande la conseillère.

– leur rationalisation (au niveau de chaque circuit : alimentation, paillage, etc. ; on peut entre autre regrouper les silos d’aliment et de concentrés au même endroit) ;

« Cette réflexion doit être menée dans tout projet de construction ou modification de bâtiment. »

  • Simplifier :

La distribution de l’aliment notamment, en passant à 1 repas/j pour les vaches, 1 tous les 2 j pour les génisses, et 1 de lait/jour pour les veaux.

  • Déléguer : 

Occasionnellement ou de manière permanente les travaux des champs à une ETA, la traite du soir et/ou du dimanche à un salarié de la ferme ou partagé à plusieurs exploitations ou encore au service de remplacement, l’alimentation à une Cuma de désilage…

  • S’équiper :

De dispositifs de monitoring et/ou caméras pour les chaleurs/vêlages, de robots de traite, paillage, alimentation, raclage, repousse-fourrage…

« L’essentiel étant d’avoir des équipements dimensionnés à la taille du troupeau », résume la spécialiste.

2- Pour de meilleures conditions de travail

« Souvent, de petites astuces suffisent : supports à big bags pour éviter de manipuler des seaux de concentrés, repousse-fourrage « maison » à lame ou pneus, boudins pour remplacer les pneus sur les silos d’ensilage… »

3- Pour améliorer les relations humaines

La clé selon Blandine Carré : « Oser aborder les problèmes et apprendre à écouter les autres. »

Quelques conseils simples : mettre en place un tableau pour passer consignes et messages (ou un groupe WhatsApp), aménager un lieu de réunion convivial, accessible quand on veut et en dehors de l’espace privé…

Pas de recette toute faite.

En conclusion, il est important de :

  • « tenir compte des préoccupations individuelles et collectives,
  • prendre du recul sur sa situation,
  • avoir en tête que les améliorations découlent quelque fois d’elles-mêmes
  • savoir qu’il n’y a pas de recette tout faite mais des pistes d’évolution à adapter à chaque élevage, voire chaque souci », insiste Fabien Bregeault.

La robotisation, pas toujours la solution mais une solution possible !

« La robotisation n’est pas toujours la solution, mais une solution possible !, enchaîne-t-il. Dont il faut étudier la rentabilité : coût d’achat et d’entretien, temps pour gérer les alertes et la maintenance. » 

« Si vous initiez la réflexion sur le travail dans votre élevage, généralement vous continuerez ensuite à vous poser les bonnes questions en termes de main-d’œuvre, d’organisation, de temps, de confort, de relationnel au sein de l’équipe…, conclut l’expert. Le gain derrière sera également économique ! »

Comment se questionner et parler « travail » ?

Littoral Normand propose une prestation de diagnostic sur cette thématique, comprenant :

  • une approche globale à l’échelle de l’exploitation,
  • une analyse individuelle, pour chaque membre du collectif, autour des 4 dimensions listées ci-dessus,
  • un compte-rendu des résultats donnant des pistes de solution et des outils,
  • un suivi du plan d’actions mis en place.

« Le tout étalé sur 1,5 à 2 mois pour faciliter la prise de recul, et de préférence entre septembre et avril, période où l’astreinte est maximale. » À savoir : cette démarche n’est réservée ni aux exploitations de grande taille, ni à celles avec associés ou salariés. « Des couples exploitant de petites fermes y ont aussi recours. »

Pas seulement pour les grandes exploitations, avec associés et/ou salariés.

Outil n°1 : la balise GPS pour mesurer les temps de trajet de chaque éleveur

Les trajets effectués sont mesurés à l’aide d’une balise GPS, fixée sur la ceinture ou intégrée au téléphone portable de chaque éleveur et salarié. « Ceci pendant 2 à 3 semaines pour qu’il puisse y avoir un roulement des tâches entre individus », détaille Blandine Carré, conseillère au sein de l’organisme de conseil en élevage. Chaque déplacement (dans la ferme et chaque bâtiment) est visualisé en temps réel.

Parmi les observations réalisées :

  • « 35 km/j parcourus à 2 éleveurs rien que dans la ferme !
  • 4 h/j en salle de traite, 2 h à s’occuper des vaches, 1 h à soigner les veaux, 40 min autour des silos, ceci pour 3 producteurs, donc en tout 7h40/j X 3 ! »

35 km/j à 2 éleveurs pour l’astreinte,
7h40/j/producteur dans un collectif à 3 !

Globalement, les difficultés se situent :

  • au sein du circuit de distribution des rations (« trop d’aller-retour entre les différents silos, la mélangeuse ou désileuse-distributrice, et la table d’alimentation », précise Blandine Carré). De plus, les vaches et les génisses de différents âges ne sont pas toujours logées dans la même stabulation, voire à proximité. Il faut même parfois faire de nombreuses manœuvres, en raison de la disposition des bâtiments et de leur agencement interne, traverser la route ou se rendre sur un autre site à plusieurs kilomètres ;

Trop d’aller-retour pour l’alimentation du troupeau.

  • lors de la traite : entre 1h15 et 4h30/j selon les éleveurs et leurs pratiques (2 traites/j ou monotraite) ;

Au total : 

  • 5 à 8h/j sont passées en bâtiment ;
  • 20 à 30 km/j parcourus en semaine et 10 km/j les samedis et dimanches (simplification du travail le week-end).

Outil n°2 :  la calculette temps de travail

Il suffit de décrire votre journée type : les diverses tâches et le temps consacré.

Puis de comparer ces chiffres avec les références fournies par la calculette.

Ainsi, vous pouvez voir les postes où vous êtes efficace, et ceux vous l’êtes moins. Comme vous pouvez identifier, avec la balise GPS, les va-et-vient chronophages à l’intérieur et l’extérieur de la ferme. « Car avant de pouvoir améliorer la situation (équipement, changement d’organisation…), il faut comprendre d’où viennent le ou les problèmes ! », souligne Blandine.

Comprendre d’où viennent les problèmes avant d’améliorer la situation.