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Préservation des sols

Félix Noblia, éleveur (64) : « Moins je touche au sol, mieux il se porte »


TNC le 10/12/2021 à 06:03
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« Il n’y a pas un bon système de production, chacun fait ce qu’il peut ! Le but est d’en vivre, sans exploiter non plus les gens avec qui on travaille », commente Félix Noblia, agriculteur au Pays Basque. (©TNC)

Félix Noblia, agriculteur du Pays-Basque, témoigne du fonctionnement de son exploitation de polyculture-élevage, mais surtout de ses réflexions quant à la préservation des sols, la lutte contre l’érosion et les conditions météo.

« Ma conclusion personnelle est que : moins je touche au sol, mieux il se porte, et moins j’ai de charges ! », a entamé Félix Noblia, agriculteur et lauréat du Prix de l’innovation des trophées de l’agroécologie 2016-2017. Il présentait son système de production, le 9 novembre, lors de la journée technique CapAgroEco à Chambœuf (43).

Il évoque une exploitation de polyculture-élevage, de 150 ha (30 ha de cultures, le reste en prairie), en agriculture bio, très dépendante des conditions météo. Félix Noblia affirme sans détour qu’il s’adapte en permanence au point d’en devenir clairement opportuniste, comme pour son méteil : « Ce n’est pas nous qui allons choisir l’état d’enherbement des sols donc j’analyse les différentes possibilités de valorisation de cet enherbement. Soit le couvert sera récolté, soit il sera pâturé par les vaches ! »

« Il n’y a pas un bon système de production, chacun fait ce qu’il peut ! Le but est d’en vivre, sans exploiter non plus les gens avec qui on travaille », commente Félix Noblia, agriculteur au Pays Basque. (©TNC)

Il parle de résilience, cette capacité d’un système à retrouver son état initial après un choc, comme une sécheresse ou un excès d’eau, avec « pour cela des sols vivants ». Son exploitation, située dans le Pays Basque, avec de nombreuses pentes, l’a amené à rester particulièrement vigilant quant à la question de l’érosion. « Ma stratégie : dès que je récolte, je sème ! Cela a changé la dynamique de mes sols. Les exsudats racinaires des plantes vont nourrir toute la chaîne trophique du sol, rendant mes sols vivants. Cela va aussi me permettre de stocker du carbone en profondeur. Je cherche clairement à avoir de la biomasse pour nourrir mes sols. »

Des Angus et non des Blondes d’Aquitaine

À côté de cela, dans cette région où il pleut souvent (1200 mm/an), avoir des sols enherbés permet une meilleure infiltration de l’eau et de lutter contre l’érosion. « Si je perds de mon sol par érosion quand il pleut 20 mm, c’est une catastrophe ! À l’inverse, quand mon sol s’érode car il a plu 200 mm, ce n’est pas grave ! Cela arrive une fois tous les 100 ans ! », analyse-t-il.

Reste encore la question de la gestion de l’enherbement et du semis direct en agriculture bio, des questions qui soulèvent des enjeux techniques bien connus. « Ce qui nous coûte cher, c’est le matériel ! », rappelle plusieurs fois Félix Noblia. « Mettre 100 000 € dans du matériel, cela me questionne. C’est le salaire de trois pleins temps ! ». Friand de cultures associées, il reconnaît que « l’on sait ce que l’on sème, pas ce que l’on récolte ! », d’où l’importance de bien réfléchir en amont et de rester opportuniste car « il y a un vrai risque » économique.

Côté élevage, il travaille avec des vaches de race Angus, en pâturage tournant, inspiré par la ferme de Thorigné d’Anjou. « La viande devient un sous-produit des externalités environnementales », observe-t-il, avant de rester perplexe devant des schémas de sélection favorisant des animaux de gros gabarit. « Le bovin aura l’impact environnemental du mode de vie que l’on aura choisi pour lui ! », analyse-t-il. Il s’est lancé dans la production de bœufs bio malgré l’immobilisation de capital que cela représente. « Il me faut 30 mois pour finir un animal à l’herbe contre 9 mois, avec des céréales, pour une Blonde d’Aquitaine. Cela me ferait mal au cœur d’acheter des céréales dans une région où l’herbe pousse aussi bien ! », lance-t-il.