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Cultures fourragères

Face aux aléas climatiques, diversifier la flore de ses prairies


TNC le 20/04/2022 à 06:00
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Membres d’Agrobio 35, une dizaine d’éleveurs d’Ille-et-Vilaine ont réfléchi ensemble à l’adaptation de leurs prairies face aux aléas climatiques. (©Cécile Julien)

Pour arriver à préserver leur autonomie fourragère, quelles que soient les conditions climatiques, des éleveurs bio d’Ille-et-Vilaine testent des compositions prairiales très variées. Les premiers résultats sont encourageants.

Face aux aléas climatiques, la résistance des prairies passerait-elle par une plus grande variété de leur composition ? Des éleveurs d’Ille-et-Vilaine en sont persuadés au regard des nouvelles compositions prairiales qu’ils testent depuis trois ans dans le cadre d’un projet AEP (Agriculture Ecologiquement Performante).

« Nous produisons du lait bio à base d’herbe, témoigne Marie Jolivel, installée en Gaec à Ercé en Lamée. Le sud Ille-et-Vilaine est une zone séchante. En été, ça devient de plus en plus compliqué de garder nos 65 vaches au pâturage. Le creux estival de production s’accentue ».

Même constat pour Philippe Le Du, producteur laitier à La Noë Blanche. « Ça fait des années que je réserve des céréales pour les ensiler en cas de déficit fourrager. Cette roue de secours sert de plus en plus souvent, déplore-t-il. J’ai participé à ce projet pour trouver des pistes d’amélioration face à des prairies qui vieillissent mal et accusent le coup à chaque épisode sec ».

Appuyés par Agrobio 35, ces éleveurs ont réfléchi aux solutions à envisager pour faire pâturer plus longtemps, notamment en été, et avoir des prairies qui redémarrent bien en automne. « Les prairies à flore variée s’en sortent mieux. En élargissant la gamme des espèces implantées, on a une production fourragère mieux répartie, des espèces qui prennent le relais selon la saison ou les conditions climatiques », leur a conseillé Vladimir Goutiers, chercheur à l’Inrae. En implantant un mélange de plantes qui prennent le relais sur l’année, on a toujours des plantes au bon stade à faire ingérer aux vaches. La répartition des cinétiques de pousse aide à combler le creux estival. « L’idée des mélanges est de s’approcher d’un modèle de prairie permanente plutôt que celui d’une culture avec une graminée et une légumineuse », conseille l’agronome.

Un logiciel participatif pour trouver le bon mélange

Pour trouver le mélange le plus adapté à chaque parcelle, le groupe d’éleveurs d’Agrobio 35 s’est appuyé sur Capflor, un outil d’aide à la décision participatif mis au point par l’Inrae et des collectifs d’agriculteurs.

À partir des conditions de chaque parcelle, son pH, son sol (profondeur, texture, charge en cailloux), ses teneurs en azote et phosphore, mais aussi de ses pratiques (fauche ou pâturage, pâturage hivernal ou pas, précocité de la 1ère utilisation) et de ses objectifs de production, le logiciel établira le mélange d’espèces fourragères.

« Les préconisations sont faites à la parcelle, précise Vladimir Goutier. C’est du sur-mesure, pas du prêt à porter passe-partout ».

Pour le pâturage, les mélanges comprennent de 5 à 14 espèces. Pour la fauche, ce sera de 5 à 9 espèces. Capflor compose ses mélanges avec 47 plantes fourragères. Si certaines font partie des classiques, d’autres sont moins connues mais répondent à des situations particulières. « Nous avons des parcelles qui sont hydromorphes en hiver mais très vite séchantes, explique Marie Jolivel. On y a mis du trèfle fraise qui supporte ces alternances pieds dans l’eau /période de sécheresse. Ça nous permet de conserver plus de légumineuses, donc de valeur alimentaire ».

Pour le groupe d’Ille-et-Vilaine, les premières parcelles ont été implantées il y a trois ans et déjà les éleveurs apprécient une saison de pâturage plus longue. « Ça fonctionne plutôt bien. L’an dernier, j’ai valorisé 10 tonnes de matière sèche, note un éleveur. Autant qu’en maïs mais à moindre coût ». « Il faut souvent attendre trois ans pour que toutes les espèces soient bien implantées et qu’elles prennent le relais au fil des saisons », note Vladimir Goutiers.

Le travail en groupe a permis de mutualiser l’achat de semences. Les semences des espèces les moins répandues sont plus onéreuses et il faut multiplier les variétés. Selon les mélanges implantés, le semis, à raison de 45 kg/ha, revient entre 250 et 450 €, pour une prairie implantée pour au moins 6 ans.