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S'adapter au changement climatique

Philippe Le Du (35) : « On a décidé de déspécialiser notre système lait »


TNC le 10/03/2022 à 14:43
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Philippe Le Du exploite, avec son épouse Catherine, 96 ha à la Noë Blanche (35). Depuis quelques années, ils déspécialisent leur système lait en produisant du blé panifiable, histoire de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. (©Cécile Julien)

Des étés plus chauds et plus secs mais aussi des possibilités de sortir plus tôt et une bonne reprise de la pousse à l’automne. Le changement climatique a déjà un impact sur les systèmes herbagers. En Bretagne, un groupe d’éleveurs réfléchit à d’autres pistes d’adaptation à explorer. Parmi eux, Philippe Le Du, éleveur en Ille-et-Vilaine qui explique comment il a fait évoluer son système.

Pour anticiper et trouver des pistes d’adaptation face au changement climatique, des groupes d’éleveurs bretons de l’Adage (35), du Cedapa (22) et du Civam Agriculture durable du Morbihan se sont lancés dans des travaux de prospective. Ils ont partagé leurs idées sur l’exploitation de Philippe et Catherine Le Du, la Noë Blanche, dans le sud de l’Ille et Vilaine.

Depuis leur installation en 2009 et le passage en bio en 2016, Philippe Le Du a déjà fait évoluer son système herbager. « Sur les 94 ha de l’exploitation, 59 sont accessibles. Les terres sont assez hétérogènes, certaines parcelles séchantes, d’autres, près du ruisseau, plus humides, ce qui est plutôt bien, souligne l’éleveur bio. Ça demande de l’adaptation dans l’organisation du tour des parcelles mais nous donne plus de possibilités de continuer à avoir de l’herbe. Il faut être opportuniste pour valoriser au mieux l’herbe ». D’ailleurs, pour stocker de l’herbe au meilleur stade, Philippe Le Du est passé de l’ensilage à l’enrubannage. « Il y a plus de chantiers de récolte mais je conserve de l’herbe au stade optimal ».

Multiplier les pistes d’adaptation

Pour rendre son système herbager moins sensible aux aléas climatiques, l’éleveur a aussi décidé de se « déspécialiser ». « On a réduit l’âge au premier vêlage, ce qui a libéré de la surface, retrace Philippe Le Du. Désormais, j’implante 9 hectares de blé panifiable pour répondre aux besoins en alimentation humaine bio. Cela apporte une autre source de revenu que le lait ». Attention toutefois au temps de travail que le nombre d’ateliers peut vite faire grimper.

À la fois pour un revenu complémentaire et pour le confort de ses animaux en été, Philippe Le Du a complété l’implantation de haies par des arbres, sur 10 hectares de prairies. « Il y aura assez rapidement de l’ombre pour les vaches. Comme c’est du bois d’œuvre le retour économique n’est pas pour tout de suite », reconnait-il. L’éleveur a aussi planté quelques mûriers blancs pour voir ce que ça peut donner en complément d’affouragement.

Pour apporter de l’ombre aux vaches et un complément de revenu par la vente de bois d’œuvre, Philippe Le Du a planté des arbres dans ses prairies. Les premières années, les jeunes plants doivent être protégés. (©Cécile Julien) 

Face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents, les éleveurs herbagers ont intérêt à diversifier les ressources alimentaires. « En plus des prairies, j’implante chaque année 5 ha de méteil, 7 à 8 hectares de maïs épi, dont 2 hectares qui seront déshydratés pour compléter les rations », témoigne Philippe Le Du. Pour trouver des ressources fourragères complémentaires, plusieurs pistes peuvent être envisagées : le sorgho en pâturage ou affouragement en vert, les dérobées fourragères, les cultures à double fin, qui peuvent être soit vendues, soit distribuées aux animaux. L’adaptation face au changement climatique passe aussi par le choix des espèces prairiales pour maximiser la pousse estivale, avec des espèces comme le dactyle, la chicorée, le plantain résistent plutôt bien en été.

Dans leurs réflexions, les éleveurs ont envisagé d’autres voies d’adaptation, comme de diminuer le taux de chargement soit durablement (réduire le nombre d’animaux, faire élever les génisses, diminuer le taux de renouvellement), soit ponctuellement en cas de tensions sur les ressources fourragères. Pour s’adapter au creux de pâturage en été, certains pratiquent aussi la monotraite ou les vêlages groupés à l’automne. En cas de sécheresse, le groupe pense à des possibilités de compensation face à l’absence de fourrages : réformes précoces, tarissement anticipé, monotraite, valorisation par les animaux des cultures à double fin.

En Bretagne, entre 1960 et 2020, la température moyenne a augmenté de 1,8°C. Depuis 1960, il y a 27 jours en plus où la température dépasse les 25°C. Si la pluviométrie annuelle a augmenté de 7 %, cela s’accompagne d’une plus grande variabilité. Sur la même période, l’ETP en été a augmenté de 20 %. La hausse des températures, la diminution de la pluviométrie estivale ont déjà modifié la courbe de pousse de l’herbe qui a un creux estival plus marqué mais une légère hausse des rendements au printemps et des possibilités de pâturage plus tôt et plus tard.