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Soigner son troupeau

Chez Étienne Perin (62), l’homéopathie a fait fondre les frais vétérinaires


TNC le 07/02/2020 à 06:03
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Dans l'armoire à pharmacie de l'EARL Perin, élevage laitier du Pas-de-Calais, on ne trouve pas grand chose d'autre que des tubes de granules. Étienne Perin soigne son troupeau à l'homéopathie depuis huit ans. Non seulement, cette technique a diminué ses frais vétérinaires de 15 €/1 000 l mais a complétement changé sa façon d'aborder et d'observer ses animaux. L'éleveur est aujourd'hui plus serein et ses vaches aussi.

« Dans notre famille, on a toujours été suivis par un homéopathe mais je ne m’étais jamais intéressé à cette médecine pour mon troupeau », raconte Étienne Perin, éleveur laitier à Maisoncelle dans le Pas-de-Calais (62). Il se souvient : « Alors que mes vaches traversaient une période compliquée avec des taux cellulaires élevés, j’ai assisté à une formation animée par un groupe de bio sur l’alimentation, l’environnement, mais qui énonçait aussi quelques principes d’homéopathie… Puis j’ai croisé des éleveurs déjà en route et l’idée a germé tout doucement dans ma tête. » Et c’est en 2012 qu’Étienne s’essaie réellement à cette pratique.

« Je tentais depuis quelques temps de traiter un panaris mais j’étais face à un mur. Les antibiotiques n’y faisaient rien. J’ai donc repris ce que j’avais vu en homéopathie et ça a fonctionné. J’ai surement eu de la chance pour un premier essai, reconnait Étienne, mais j’ai poussé pour qu’on organise des formations dans notre groupement d’éleveurs et c’est comme ça que tout a commencé… »

« On regarde l’animal dans sa globalité et dans son environnement »

Avec ses 55 vaches laitières, l’éleveur est un adepte du travail simple mais bien fait. Dans sa ferme, pas de bâtiment flambant neuf. L’ancienne stabulation avec table d’alimentation centrale a été quelque peu modifiée pour héberger tout le monde et surtout garantir une place par vache à l’auge, mais c’est tout. Avec une ferme nichée au cœur du village, difficile de pousser les murs, et de toute façon ce n’est pas au programme. « Je ne veux pas entrer dans ce système très productiviste. Mon objectif : vivre de mon métier et pouvoir me dégager du temps, rien de plus. »

En s’intéressant à cette médecine complémentaire, il a d’ailleurs revu sa façon de travailler : « Je passe plus de temps à observer mes vaches et leur comportement. Je me suis formé à la méthode Obsalim, ce qui me permet de les regarder différemment. En homéopathie, on ne soigne pas une maladie mais plutôt des symptômes. On remet l’animal en ordre dans sa globalité, pas seulement de façon localisée. » Ainsi, il faut se poser beaucoup de questions et voir plus loin. On a soigné des veaux ayant des symptômes très différents avec un seul et même remède : l’Aconit, qui est en général utilisé contre les coups de froid. Cela nous a fait comprendre qu’on avait un problème de ventilation dans la nurserie. Depuis qu’on a réglé ce problème, on n’a quasiment plus de soucis. » Pour l’éleveur, il faut élargir le diagnostic à l’environnement général : « ça ne sert à rien de faire de l’homéopathie si on a déjà un problème de fond sur l’élevage. »

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Avec un regard plus transversal, Étienne est parvenu à modifier plusieurs choses sur son exploitation. Il est par exemple passé d’1 à 2 repas par jour et a changé son mode de distribution : « En sortant de la traite, les vaches ont d’abord de l’enrubannage et seulement après, je leur distribue le reste de la ration. » Il a aussi installé un système de géothermie sous son aire paillée : les tuyaux qui passent sous le bâtiment permettent de refroidir le fumier et la chaleur est réemployée pour chauffer sa maison. Il est également passé au croisement 3 voies Procross sur une partie de son troupeau pour régler des problèmes de reproduction et améliorer les taux.

« En homéopathie, il n’y a pas de recette toute faite »

Étienne Perin recommande : « Lorsqu’on débute en homéopathie, il vaut mieux se focaliser sur une pathologie et élargir seulement ensuite. C’est difficile du départ de trouver le bon remède. Il n’y a pas de recette toute faite, tout dépend des symptômes. D’une mammite à l’autre, les observations ne seront pas les mêmes. Moi je prends la température de l’animal, je regarde la mamelle, je cherche à voir de quel côté se couche la vache, etc. Il faut répertorier tout ce qui est rare, inhabituel, curieux chez l’animal et dans son comportement. »

Retrouvez d’autres témoignages d’éleveurs sur l’homéopathie :
– L. Brunet (31) : « Une même pathologie se soigne différemment d’une vache à l’autre »
– Y. Morel (62) a divisé ses frais vétérinaires par cinq pour son troupeau d’allaitantes grâce à l’homéopathie

Ainsi, l’éleveur tient un carnet dans lequel il inscrit toutes ses observations et le traitement testé avec un commentaire s’il a fonctionné ou pas. « Lorsque je fais un traitement l’après-midi par exemple, je suis censé voir une réponse dès le lendemain. S’il n’y a pas de changement, je cherche autre chose. » Selon lui, il faut accepter d’y passer du temps, surtout au début : « C’est la réflexion qui est assez chronophage mais une fois qu’on a repéré plusieurs pathologies et qu’on connait les symptômes, c’est rapide. » L’éleveur se trouve d’ailleurs plus serein lorsqu’il intervient désormais.

La pharmacie d’Étienne Perin est pleine, non pas de traitements antibiotiques mais de tubes de granules homéopathiques classés par ordre alphabétique. (©TNC)

Aujourd’hui, Étienne soigne principalement des mammites, métrites, des panaris ou encore des abcès de pied. Sa pharmacie est bien ordonnée avec les tubes de granules, les premières dilutions dans de l’eau distillée et des flacons à dispositions en cas de besoin. En général, il profite de la traite pour appliquer le traitement dans la vulve des vaches, le traitement homéopathique fonctionnant par contact avec les muqueuses. Bien-sûr, il ne compte pas exclusivement sur l’homéopathie : « Lorsqu’une grosse mammite se déclare et m’inquiète, j’interviens mais si je ne vois pas de changement dans les 12 h, ça m’arrive d’appeler le vétérinaire. »

L’éleveur réalise des dilutions de granules dans de l’eau distillée. À chaque flacon son traitement. (©TNC)

Des frais vétérinaires qui ont chuté de 15 €/1 000 l en 3 ans

L’agriculteur suit de près ses charges. Il pointe du doigt le graphique de ses frais vétérinaires : « Avant, je tournais à 25 €/1 000 l. On était à environ un traitement mammite/VL sur l’année. Aujourd’hui, seules une sur quatre en reçoivent. Depuis le passage à l’homéopathie, les frais vétérinaires ont bien diminué puisqu’on pointe à 10 €/1 000 l sur les trois dernières années. » Et l’éleveur ne compte pas s’arrêter là car son objectif est de passer sous la barre de 8 €/1 000 l. « Pour réduire la note, je pourrais supprimer les seringues au tarissement et le vermifuge. Cela me ferait économiser environ 3 €/1 000 l mais je ne sais pas encore si je suis prêt à passer le cap. Je vais sûrement y aller au cas par cas selon les vaches. »

Étienne s’intéresse également aux autres médecines complémentaires comme l’aromathérapie ou l’acupuncture. « Je n’ai pas suivi la formation sur les huiles essentielles et ça me parait encore trop compliqué. Pour moi, ça ressemble beaucoup à l’antibiothérapie donc je ne l’utilise quasiment pas, si ce n’est quelques complexes tout faits. En revanche, ma prochaine formation sera certainement sur l’acupuncture. » À suivre donc !