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Gaec Hamoniaux (22)

« En méthode Obsalim, on observe ce que les animaux pensent de leur ration »


TNC le 03/07/2020 à 06:04
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Une ration déséquilibrée ou mal valorisée, ce sont non seulement des aliments consommés sans litres de lait au bout mais aussi des problèmes de santé ou de reproduction qui s’enchaînent. Et si les animaux, eux-mêmes, étaient les mieux placés pour nous dire ce qui ne va pas ? Éleveur dans les Côtes d'Armor, Patrice Hamoniaux en est convaincu depuis qu'il s'est formé à la méthode Obsalim.

Mise au point il y a une vingtaine d’années par le vétérinaire Bruno Giboudeau, la méthode Obsalim (observation des symptômes alimentaires) est une méthode pour valider ou corriger la ration en observant les réactions des ruminants. Déjà, parce qu’une ration est calculée sur des valeurs théoriques, qui peuvent être différentes de la teneur réelle des aliments. Ensuite, son calcul n’intègre pas la valorisation qu’en font les animaux. Valorisation que beaucoup de paramètres peuvent influencer : le type de bâtiment, le mode de distribution, l’accès à l’eau, ce que chaque animal va réellement ingérer…

Apprendre à décrypter les messages

Lors d’une formation de trois jours, les éleveurs, quels que soient leur mode et leur niveau de production, apprennent à lire ces messages transmis par ses animaux. Patrice Hamoniaux, en Gaec avec son épouse à Créhen (22), a découvert Obsalim lors d’une formation au GAB des Côtes d’Armor. Il a ensuite approfondi ses connaissances et applique cette méthode depuis plusieurs années.

« J’étais en conventionnel. J’avais des problèmes de croissance de mes génisses et de mammites sur mes vaches. Avec 65 vaches, j’avais 60 mammites par an, explique l’éleveur. C’était à un tel point que ça freinait notre projet de passer en bio. J’avais essayé pas mal de choses sans succès. Jusqu’à ce qu’Obsalim me permette de trouver des blocages au niveau alimentaire. »

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« Certains signes facilement observables donnent des indications sur les déséquilibres d’une ration, explique Marine Lemasson, qui forme et suit des éleveurs dans le grand Ouest. Un déséquilibre alimentaire va se traduire dans le fonctionnement de tout l’organisme. À partir de ce que l’on voit, on sait ce dont les vaches manquent ou ce qu’elles ont en excès. On va donc pouvoir améliorer l’efficacité de sa ration. » Par exemple, un excès d’énergie va se traduire par une accélération du rythme cardiaque et un nez, des yeux, des trayons rouges.

Les symptômes sont à rechercher au niveau du nez, des yeux, du poil, des pieds. Observer bouses et urines permet aussi de se faire une idée du bon ajustement, ou non, de la ration. C’est aussi du côté de la répartition des animaux dans le bâtiment, de leur comportement qu’il faut regarder. Les ruminants sont des animaux cyclés, 80 % doivent faire la même chose – ingérer, ruminer, dormir – en même temps.

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Ajuster la ration en fonction du comportement des vaches

Ainsi, en observant des signes clés, il est possible d’établir un diagnostic précis de l’état nutritionnel de son troupeau et ajuster sa ration au regard de sept critères (énergie fermentescible, énergie globale, azote fermentescible, azote global, fibre fine, fibre de structure, stabilité ruminale). En hiérarchisant les symptômes décelés sur plus des 2/3 des animaux, on aura la direction vers laquelle faire évoluer la ration. « La réponse des animaux sera très rapide » assure Marine Lemasson.

L’une des recommandations de la méthode Obsalim est d’avoir deux repas pesés ou limités en temps d’ingestion, pour que les vaches aient un temps de rumination et un temps de repos entre deux repas. C’est ce qu’a fait Patrice Hamoniaux avec ses génisses. « Comme elles sont sur un site à 1 km du siège de l’exploitation, je distribuais la ration pour 2 jours pour me faciliter le travail. J’ai fractionné en 2 repas par jour, avec du foin et 400 grammes de féveroles aplaties. En 15 jours, j’ai vu les résultats positifs », apprécie l’éleveur.

Même chose avec les vaches qui sont passées d’un système à volonté à deux repas pesés. Les vaches sont bloquées pendant le repas, pour qu’il y ait moins de compétition et une ingestion plus homogène. « J’ai appris qu’avec une vache alimentée à volonté, 30 % de la ration n’est pas valorisée, rappelle l’éleveur. Distribuer moins mais mieux, l’enjeu en valait la chandelle. »

« J’ai investi dans une mélangeuse peseuse. En hiver, je distribue quatre aliments différents deux fois par jour. Les vaches trient moins et je sais exactement ce que je leur donne. » En période de pâturage, la gestion se fait aussi en repas avec un fil avancé deux fois par jour. « Pour une cinquantaine de vaches, on l’avance pour donner 25 ares de nouvelle herbe matin et soir », chiffre l’éleveur. En plus de ce travail sur l’organisation des repas, l’éleveur prend le temps d’observer ses animaux.

« Il faut faire un point complet à chaque changement de ration, après l’ouverture d’un nouveau silo, ou quand on décèle que quelque chose cloche », conseille Marine Lemasson. « Des cartes nous aident à hiérarchiser les symptômes et à faire le lien avec ce qu’il faut corriger, complète Patrice Hamoniaux. Je ne peux pas donner de vermifuge en préventif mais si je remarque des poils piqués sur les génisses, je sais qu’il y a un problème de parasitisme à traiter. »

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De 60 à 6 mammites/an, la marge s’est améliorée

Les résultats ne se sont pas faits attendre. De 60 mammites, Patrice Hamoniaux est revenu à 5 ou 6 mammites par an, à niveau de production égale, « alors que c’est le même bâtiment, le même chargement. »

Observer le retour de ses animaux pour leur proposer la ration la plus adaptée est un facteur de performances. Non seulement la ration est mieux valorisée, « avec une amélioration de la marge sur coût alimentaire de 750 à 2 000 €, pour une moyenne mensuelle de 1 500 € », estime Marine Lemasson. En parallèle, la santé et la reproduction s’améliorent aussi. « 2/3 des problèmes de santé, de boiterie, de repro découlent d’un problème alimentaire, souligne la spécialiste. Avec une ration adaptée, soit on évite de créer des soucis de santé, soit on a un animal suffisamment armé pour le gérer. »

Des conclusions partagées par Patrice Hamoniaux. « Appliquer Obsalim représente des contraintes, mais j’y gagne en sérénité. C’est quand même moins stressant de nourrir et d’observer ses animaux que de les soigner et de se demander quel va être le prochain problème. Économiquement les gains sont conséquents ». Plus serein, l’éleveur a fait et réussi son passage en bio.