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Dossier : Conflit russo-ukrainien

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Guerre en Ukraine

Pour la Conf’, « le dogme du produire plus ne nourrira pas le monde »


TNC le 11/03/2022 à 12:Mar
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Comment la guerre en Ukraine va-t-elle bouleverser les marchés agricoles ? (©Pixabay/TNC)

Alors que le gouvernement travaille à la mise en place d’un plan de résilience pour soutenir les filières agricoles françaises impactées par la guerre en Ukraine, la Confédération paysanne dénonce l’attitude des tenants d’un modèle productiviste qui, se cachant derrière la souveraineté et la solidarité alimentaire, va de nouveau « accaparer des financements » pour alimenter les dépendances « d’un système à bout de souffle ». Le syndicat défend de son côté d’autres mesures de court terme pour aider les paysans à surmonter cette crise.

« La ritournelle autour de la souveraineté alimentaire, et maintenant du produire plus pour nourrir, nous apparait comme un opportunisme malsain », dénonce Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. En amont d’une réunion avec le ministre de l’agriculture sur le plan de résilience, qui doit permettre d’accompagner les agriculteurs français victimes des conséquences de la guerre en Ukraine, le syndicat estime que l’on se dirige surtout vers « un plan de financement des dépendances d’un modèle sous perfusion » porté, notamment, par la FNSEA.

Pas de sujet sur Farm to fork et les jachères

Le contexte de guerre en Ukraine suscite en effet beaucoup de messages, de la part de la profession agricole et des politiques, sur la nécessité de produire plus pour nourrir le monde. La stratégie européenne Farm to Fork est ainsi remise en cause. Or, pour la Confédération paysanne, cette stratégie « est essentielle parce qu’elle dessine un horizon pour garder des capacités à produire demain, et essentielle vu l’urgence d’améliorer notre résilience face au dérèglement climatique », rappelle Laurence Marandola, secrétaire nationale du syndicat.

Pas de réel sujet sur les jachères, estime-t-elle également, puisqu’aujourd’hui « dans la Pac actuelle, il n’y a pas d’obligation de jachères ! ». 5 % d’infrastructures agroécologiques sont nécessaires pour accéder au paiement vert pour les terres arables de plus de 10 hectares, mais ces infrastructures peuvent prendre des formes différentes (jachères, mais aussi mares, haies, bosquets…), ajoute Laurence Marandola. Dans la future Pac, l’agriculteur devra respecter soit 4 % en éléments de surface agroécologiques, soit 7 % de surfaces agroécologiques et des cultures dérobées et fixatrices d’azote, dont au minimum 3 % affectés à des éléments agroécologiques. « Le chiffre de 4 % de jachère est donc mensonger », ajoute la secrétaire nationale. Sans compter qu’aujourd’hui, dans les déclarations Pac, seule 2 % de la SAU française est cataloguée comme jachère, poursuit-elle : « Si on devait remettre ces terres en production, cela ferait peu de sens car elles se situent dans les terres les moins fertiles, ou des endroits difficilement accessibles, ce ne sont vraiment pas ces 2 % qui permettraient de sauver le monde ni d’accroitre significativement notre production », conclut-elle.

Des mesures d’urgence

Face à la situation, la Confédération paysanne va défendre trois mesures : le contrôle des prix des céréales pour permettre l’approvisionnement de l’ensemble des populations et des élevages, un accompagnement financier d’urgence pour les éleveurs et les éleveuses dans ces situations de dépendances, couplées à une logique de désendettement, et l’interdiction immédiate des cultures destinées à l’énergie, explique Nicolas Girod. Pour lui, le « produire plus » a d’autant moins de sens avec les problèmes d’approvisionnement et les prix des engrais azotés, qui illustrent bien les dépendances du système de production actuel.

A plus long terme, sortir des dépendances

La dépendance aux engrais azotés n’est pas la seule pointée par la Confédération paysanne, qui liste toutes les dépendances empêchant l’atteinte de la souveraineté alimentaire : dépendance énergétique, alimentation animale importée (et notamment maïs ukrainien), dépendance aux marchés qui entraine de la spéculation, dépendance aux multinationales semencières, dépendance au libre-échange et à l’export, en raison de filières construites sur une division internationale, dépendance aux aides publiques que le plan de résilience va probablement alimenter, explique Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne.

Le syndicat rappelle quant à lui les atouts de l’agriculture paysanne, « porteuse de solutions » qui passent par l’affranchissement vis-à-vis des engrais de synthèse, la polyculture élevage, le développement des légumineuses, le maintien des prairies, la recherche d’autonomie fourragère, mais aussi des outils de régulation du marché, et une relocalisation des produits déficitaires en France, notamment les fruits et légumes. Enfin, il faut également « garantir le droit de re-semer et d’utiliser les semences », en interdisant le brevetage du vivant et les OGM, ajoute Véronique Marchesseau. En parallèle, « ce que demande la FNSEA, c’est de l’argent à réinjecter dans le système agro-industriel. Nous n’attendons rien de ce énième plan de survie du modèle de l’agrobusiness qui va encore financer les dépendances », déplore-t-elle.  

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