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Sucre

Un an après la fin des quotas, le sucre ne voit pas la fin de la crise


AFP le 12/12/2018 à 10:33

Un an après la fin des quotas européens du sucre, la crise n'en finit plus pour les betteraviers français et la filière sucrière : à un plongeon des cours mondiaux a succédé cet été une récolte de betteraves calamiteuse.

Les betteraviers français ont connu, sans surprise, une terrible année 2018 , voyant leur récolte subir un recul brutal à cause de la sécheresse , sur fond de déprime des cours du sucre après la fin des quotas européens , a confirmé mardi leur syndicat professionnel, la CGB.

La récolte 2018-2019 est estimée à 40 millions de tonnes de betteraves, contre 46 millions l’année dernière, certes marquée par des rendements exceptionnels, a déclaré la CGB lors d’un point presse. « Cette année, on estime le rendement moyen à 83 tonnes par hectare, contre 89 tonnes en moyenne quinquennale et 96 tonnes » en 2017, a indiqué son président Eric Lainé. « Nous traversons une crise majeure. Nous n’avons jamais connu de prix aussi bas », a-t-il souligné. Entre octobre 2017 et octobre 2018, les prix européens du sucre ont en effet dégringolé de près de 40 %, passant d’environ 500 euros la tonne à 307 euros. Conséquence de cette situation, le groupe coopératif Tereos, premier sucrier français et deuxième mondial (marque Beghin Say), a pratiquement décuplé sa perte nette au premier semestre de son exercice décalé (avril-septembre), à 96 millions d’euros contre 10 millions l’an passé, et prévoit une perte sur l’ensemble de l’année. « Pour l’exercice 2018-19, la faiblesse historique des prix du sucre européens [affectera] significativement les résultats de Tereos (…) et cette situation ne lui permettra pas d’atteindre un résultat net positif, même si les divisions sucre international et amidon et produits sucrants devraient se montrer plus résilientes » a indiqué Tereos mardi. Témoin de cette ère de turbulences pour le groupe, le chiffre d’affaires a reculé de 9 %, à 2,11 milliards d’euros, passant en dessous de la dette, qui demeure très élevée, à 2,33 milliards d’euros. Une situation financière qui, ajoutée aux affres du marché, a provoqué une grave crise de gouvernance au sein du groupe coopératif , aboutissant à l’exclusion de trois coopérateurs du conseil de surveillance à l’été dernier. Ces derniers contestaient la stratégie financière du groupe, dans lequel ils demandent à être réintégrés. Ils affirment qu’une pétition réclamant la convocation d’une assemblée générale plénière, a recueilli plus de 2 500 signatures. Ces difficultés, qui ont rythmé la vie de Tereos ces dernières semaines, n’ont pas été évoquées mardi.

Dans l’attente d’une embellie des cours

Afin d’améliorer la situation financière du groupe, le plan « de performance » Ambitions 2022 annoncé récemment par Tereos vise à retrouver un bénéfice d’exploitation de « 200 millions d’euros à l’horizon 2021-2022 », a rappelé le directeur financier Olivier Casanova, en soulignant qu’il ne prévoyait ni fermetures de sites, ni suppressions d’emploi. « C’est d’abord d’un plan d’efficacité , a-t-il dit. L’excédent brut d’exploitation (Ebitda) a été divisé par deux à 143 millions d’euros contre 309 millions un an avant. « Ce résultat, dans un contexte de chute des prix du sucre en Europe , pose la question d’un ajustement structurel de l’industrie sucrière en Europe », a déclaré Olivier Casanova, en visant des unités de production concurrentes « moins compétitives » que Tereos sur le plan des rendements betteraviers ou en matière de « taille critique ». Le groupe a réaffirmé son ambition de procéder à une « éventuelle ouverture de capital de ses activités industrielles, à un horizon de deux ou trois ans ». « On est en droit d’espérer que le plus bas est derrière nous », a déclaré Timothée Masson, expert marchés de la CGB. « Sur la campagne qui arrive, certains analystes anticipent un surplus », mais d’autres « remettent en cause cette hypothèse », a-t-il indiqué. Pour la campagne suivante de 2019-2020, les experts prévoient un « déficit probable » des stocks mondiaux, susceptible de faire remonter les cours du sucre.

Le groupe Tereos espère lui aussi une remontée des cours du sucre dans les mois à venir sur la base d’un rapport récent des analystes LMC International, qui estime à 7 millions de tonnes le déficit de la production européenne par rapport à la demande en 2019-20, après un « très fort excédent l’an passé ». « Tout cela est encore très préliminaire, mais serait de nature à soutenir le prix du sucre en 2019 » a espéré M. Casanova.