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Dans les Landes

Une lutte active pour limiter la disparition des fermes


AFP le 17/04/2024 à 09:25

Près d'un agriculteur sur deux partira à la retraite d'ici à 10 ans et seul un sur trois, au rythme actuel, sera remplacé. Face à la disparition annoncée des fermes, une association œuvre, dans les Landes, à mieux préparer leur transmission.

Ce mardi matin d’avril, à Saint-Vincent-de-Paul à côté de Dax, ils sont cinq autour de la table face à Marion Deffez, animatrice sociologue de l’Association landaise pour la promotion de l’agriculture durable (Alpad). Tous « cédants », ils ont consacré quatre jours à se former au mieux à la transmission de leur activité agricole, à l’heure de la retraite.

Un enjeu de taille quand on sait que 43 % des exploitants sont aujourd’hui âgés de plus de 55 ans, selon le dernier recensement agricole, et que pour trois qui partent, un seul s’installe. Le département des Landes, conformément à la tendance régionale et nationale, a ainsi perdu 1 300 exploitations (- 23 %) entre 2010 et 2020, essentiellement de petite taille en termes économiques, dans l’élevage et la viticulture surtout.

Les fermes, démantelées pour venir agrandir des exploitations voisines ou rachetées à des fins de loisirs « par des néo-ruraux », disparaissent petit à petit, abonde Éric Labaste, président de l’Alpad, pour qui repreneurs et cédants « ne sont plus forcément du même monde ». Selon lui, la reprise d’exploitations en cadre familial « a quasiment disparu », au profit de travailleurs en reconversion, que ce soit dans les Landes ou ailleurs.

« Pas sûr d’en vivre »

Marie (prénom modifié), exploitante de 62 ans, partira à la retraite dans quelques mois. « Il y a deux ans, mon mari a mis les pieds dans le plat en disant à mes enfants qu’on arrêtait », raconte-t-elle. Moment de flottement chez leurs enfants : « ils jugeaient « impossible » que quelqu’un d’autre reprenne notre ferme et du coup ma fille s’est décidée », sourit l’agricultrice.

Dès le mois de mai, celle-ci s’installera avec une activité différente dans la petite ferme familiale. « À notre époque, on reprenait beaucoup l’existant de ses parents, sans trop se poser de questions, alors qu’aujourd’hui les projets sont différents et surtout, on n’est pas sûr d’en vivre », relève Marie.

Dans un rapport publié en 2023, la Cour des comptes relevait des entraves à la transmission et à l’installation en agriculture, comme une inadéquation entre exploitations à céder et souhaits des nouveaux agriculteurs, ou une concurrence entre installation et agrandissement.

« La facilité, c’est de vendre au voisin, tandis que derrière un parcours de reprise, il y a une vraie volonté », confirme Marion Deffez. Si les transmissions sont accompagnées pour le foncier, le juridique ou l’aspect technique, « l’humain est trop peu pris en compte », estime-t-elle.

Besoin d’équilibre

Mathieu Follet, maraîcher à Saint-Vincent-de-Paul depuis dix ans, en a fait l’expérience après avoir envisagé de reprendre la ferme de son père dans le Lubéron (sud-est). « Je n’avais peut-être pas assez pris en compte les relations familiales dans mon projet », analyse-t-il aujourd’hui. Il relève des crispations sur « le rapport au temps », un besoin d’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, de plus en plus attendu par les jeunes agriculteurs.

Une évolution que comprend Joël Cabannes, 54 ans, éleveur de canards à Mugron (Landes), associé avec son frère : « Quand on a repris l’exploitation de mon père, on était déjà convaincus qu’il fallait se libérer pour pouvoir faire d’autres activités ». Il ne prendra sa retraite agricole que dans dix ans mais veut déjà « prendre le temps de réfléchir à ces questions », en vue d’une transmission à ses enfants et neveux.

Michel Commarieu, 72 ans, a déjà franchi le cap en cédant la quasi-totalité de son exploitation à un jeune couple « avec un projet de vie ». « Ça a été le coup de cœur, je n’ai eu aucun doute quand je les ai vus », dit-il. Conscient que si ses enfants avaient repris, « cela aurait été plus difficile de lâcher prise, parce que j’aurais voulu éviter qu’ils se plantent ».