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Dossier

Sur l’île de La Réunion, une production laitière sous contraintes


TNC le 29/04/2024 à 05:01
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Un climat tropical, une population dense, une très jeune filière laitière... La Réunion mérite son surnom "d'île intense". (© Emmanuelle Bordon)

Elle se trouve à 10 000 km de l’Hexagone, et pourtant, elle est en France. Sur l’île de La Réunion, les éleveurs laitiers doivent composer avec les contraintes spécifiques de leur situation : à la fois tropicale et insulaire. Malgré tout, une filière s’est organisée progressivement. Elle produit aujourd’hui 20 % des besoins des Réunionnais et n’a pas dit son dernier mot.

On l’appelle « L’île intense ». Et il est vrai qu’il s’en passe, des choses, sur ce « petit caillou volcanique » trois fois et demi plus petit que la Corse : une population dense, des paysages particulièrement variés, une diversité exceptionnelle de la faune et de la flore, régulièrement des cyclones… et une agriculture spécifique, influencée par son climat et son histoire.

L’île de La Réunion, la plus à l’ouest de l’archipel des Mascareignes, dans l’océan Indien, est située à 600 km à l’est de l’île de Madagascar. Elle est née d’un volcan de point chaud, qui est, encore aujourd’hui, l’un des plus actifs du monde : le piton de la Fournaise.

Le climat tropical auquel elle est exposée est tempéré par les vents alizées, qui soufflent d’est en ouest. Les différences d’altitudes (le sommet de l’île culmine à 3600 mètres) et d’exposition à ces vents sont à l’origine de grandes différences dans le climat et les paysages. Cela explique la diversité exceptionnelle des espèces endémiques, végétales ou animales. On trouve, par exemple, une quarantaine d’espèces d’arbres différentes par hectare, là où il n’y en a généralement pas plus de cinq en milieu tempéré.

L’amplitude thermique au cours de l’année est en revanche assez faible : environ 10 degrés. Entre novembre et avril, il arrive que l’île soit frappée par des cyclones. Des vents à plus de 200 km/h et des pluies diluviennes peuvent alors provoquer des dégâts importants.

La population de l’île est dense : trois fois supérieure à celle de la métropole. C’est surtout depuis les années 1950 qu’elle a augmenté, passant de 274 000 personnes en 1954 à 871 000 au recensement de 2021.

21 350 ha de canne à sucre

Ces caractéristiques territoriales et climatiques façonnent l’agriculture de La Réunion. La culture principale reste la canne à sucre. Pilier de l’économie agricole de l’île par son importance territoriale, en termes de surface (21 350 ha), elle représente plus de 2 700 planteurs. Au total, presque 14 000 emplois sont liés à cette production : sucre, rhum et production d’énergie (Agreste, recensement 2020). La bagasse, résidu fibreux issu du broyage de la canne et de l’extraction du sucre, est couramment utilisée pour la litière des animaux.

La filière fruits et légumes représente un peu plus du tiers de la valeur de la production agricole. On estime la production annuelle à 52 300 tonnes de légumes et 34 400 tonnes de fruits. La production locale couvre 68 % des besoins en légumes frais et 58 % en fruits frais. Le marché local est le débouché naturel et prépondérant de ces productions végétales mais certains produits comme l’ananas Victoria ou le letchi sont exportés.

Les filières animales représentent le dernier tiers de la valeur de la production agricole. Chaque année, plus de 33 000 tonnes de viande sont produites localement ainsi que 130 millions d’œufs et plus de 17 millions de litres de lait. L’élevage est une activité essentielle au maintien de l’équilibre territorial car il permet de mettre en valeur les Hauts de La Réunion.

6 ou 7 coupes par an

À l’exception de quelques élevages situés dans le nord-est de l’île, la production laitière est concentrée sur la plaine des Cafres (commune du Tampon) et, dans une moindre mesure, sur la plaine des Palmistes et la commune de Saint-Joseph.

Situé au sud de l’île, ce plateau se trouve entre 1300 et 1500 mètres d’altitude. Le climat y est particulièrement humide, les pluies régulières et abondantes (1592 mm par an en moyenne ; plus du double de celles qui tombent à Paris) et les températures fraîches : entre 10 et 20 degrés. Elles peuvent d’ailleurs, à l’occasion, être négatives.

Dans ces conditions, la production fourragère est abondante. Il est possible de faire six à sept coupes par an, pour un rendement de 15 à 20 tonnes par hectare. Mais il est impossible de faire du foin. Tous les fourrages conservés sont donc enrubannés. La culture du maïs y est également impossible. Du foin est en revanche produit sur le littoral et vendu aux éleveurs. Parallèlement, des essais de maïs sont actuellement réalisés à basse altitude dans l’ouest de l’île. Il est coupé, haché et enrubanné, avant d’être vendu aux éleveurs.

Une très jeune filière laitière

La filière laitière, sur l’île de La Réunion, ne date que du début des années 1960. Avant cette période, elle est anecdotique et une part importante de la production de l’île est consacrée à l’huile essentielle de géranium. Une crise conduit à la réduction drastique de cette activité et beaucoup d’exploitations se reconvertissent dans le lait. C’est ce qui explique que les élevages travaillent sur des SAU très petites : environ 15 hectares en moyenne.

La Sicalait a été créée en 1962. Seule coopérative laitière de l’île, elle est en charge de la collecte du lait, de la pose et de l’entretien des machines à traire, de l’approvisionnement en intrants spécifiques (produits de trempage des trayons, de nettoyage de la machine à traire…) mais aussi de l’élevage des génisses. 100 % des élevages sont adhérents.

Les vaches sont essentiellement des Prim’holstein, plus occasionnellement des Montbéliardes et des Brunes des Alpes. Elles ont été importées au début de l’activité de la filière.

Spécificité de la production laitière réunionnaise : l’IBR a malheureusement été importée avec les animaux. En outre, la leucose bovine est présente dans le cheptel de l’île, sans que son origine ait pu être déterminée. Elle fait actuellement l’objet d’un plan d’assainissement énergique, qui influence les pratiques des éleveurs comme celles de la coopérative.