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Législation européenne

Règles anti-déforestation : des États de l’UE inquiets de l’impact agricole


AFP le 10/04/2024 à 09:18

Plusieurs États de l'UE se sont alarmés mardi de l'impact d'une réglementation anti-déforestation pour les agriculteurs européens, redoutant « une bureaucratie excessive ».

Adoptée l’an dernier, cette législation inédite interdit la commercialisation dans l’UE de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc) s’ils sont issus de terres déboisées après 2020, ciblant d’abord les importations agricoles.  Mais le texte, qui doit s’appliquer fin décembre, concernera aussi le bois, soja ou bœuf produits dans l’UE, soumis aux mêmes obligations que les produits importés : traçabilité précise via des données géolocalisées du lieu d’origine.

Le ministre autrichien de l’agriculture, le conservateur Norbert Totschnig, a déploré « de nouveaux obstacles bureaucratiques », en marge d’une réunion mardi avec ses homologues européens à Genk (est de la Belgique).

« Il s’agit de réduire le déboisement illégal de la forêt tropicale amazonienne : malheureusement, cet objectif est torpillé par une application excessive, éloignée de la pratique », a-t-il insisté, alors qu’en Autriche, les forêts en moyenne progressent. Il avait fait part de ses inquiétudes fin mars lors d’une précédente réunion ministérielle, où une vingtaine d’autres États membres avaient partagé ses préoccupations.

Tous les pays seraient considérés à « risque standard »

La législation prévoit que des contrôles ciblent au moins 9 % des produits venant de pays considérés à « haut risque » de déforestation, ceux de pays à « faible risque » bénéficiant de contrôles réduits et procédures simplifiées. Or, faute de classification déjà établie, la Commission européenne prévoit de considérer fin décembre tous les pays comme à « risque standard ».

« Il est urgent que la Commission parvienne à réaliser l’évaluation comparative d’ici la fin du mois (…) L’Allemagne est exemplaire sur la protection des forêts, il est absolument inacceptable que nous soyons classés « à risque » », s’est indigné le ministre allemand Cem Özdemir (Verts). « Ce serait un comble que nos propriétaires forestiers et notre administration soient accablés par des charges administratives » au risque de « discréditer » la législation, a-t-il lancé.

Son homologue finlandaise, Sari Essayah, avait aussi fustigé fin mars « les incertitudes sur la mise en œuvre », au risque selon elle « de paralyser déjà certains investissements agricoles ». La France, tout en rappelant son soutien au texte, s’est inquiétée de « créer des distorsions de concurrence » au détriment des produits européens, appelant à « dégager des marges de manœuvre » lorsque ceux-ci « ne présentent pas de risque » sur la déforestation.

Dans une lettre commune fin mars, une vingtaine de fédérations agricoles et industrielles européennes ont réclamé à Bruxelles de « résoudre de toute urgence l’incertitude juridique et le manque de clarté des dispositions », dénonçant les « failles » du système testé pour collecter les données. Une révision législative immédiate semble exclue en raison des élections européennes de juin. Bruxelles assure toujours que le texte s’appliquera comme prévu à la fin de l’année.