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Marché des céréales

Les prix des céréales dictés par un « cocktail d’inquiétudes climatiques »


AFP le 07/05/2024 à 18:28
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Le rapport Wasde du ministère américain de l'Agriculture attendu vendredi donnera un premier aperçu des prévisions de stocks, de production et d'exportations pour la prochaine campagne (2024-25). (© Animaflora PicsStock/Adobe Stock)

Des pics de hausse suivis de replis des cours : le retour de la volatilité sur le marché mondial des céréales est largement lié à des épisodes météorologiques adverses qui sèment le doute sur les rendements des blés russes, du maïs argentin ou du soja brésilien.

Les céréales, blé en tête, voient leurs cours augmenter ces dernières semaines, des marchés européens à la Bourse de Chicago. Sur Euronext, la céréale du pain a clôturé lundi à 245,25 euros la tonne pour l’échéance de septembre – la plus échangée – avant de redescendre mardi après-midi à 243 euros.

Le cours du maïs, orienté à la hausse depuis début mai, était aussi en légère baisse mardi, tandis que les prix du colza se stabilisaient après une poussée à 481 euros la tonne lundi sur l’échéance d’août, son plus haut niveau depuis huit mois.

« Le principal moteur de la hausse est la météo, avec le retour des risques climatiques chez de nombreux grands exportateurs internationaux », estime Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France (cabinet Agritel).

« De façon générale, renchérit Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting, on est arrivé à un point où dame Nature a sorti son joker » et commence à peser sur les cours. « Et les spéculateurs qui étaient positionnés à la baisse prennent conscience que l’offre mondiale pourrait baisser et non augmenter pour la nouvelle récolte et ils ajustent leur exposition en fonction », ajoute-t-il.

Cicadelles

Pour Sébastien Poncelet, les facteurs en faveur d’une hausse des prix sont nombreux dans l’hémisphère Nord : « un excès d’humidité en Europe de l’Ouest » ; des pluies trop locales pour atténuer durablement la sécheresse dans le sud de la Russie avec des « gelées qui ont touché le Centre-Volga et les régions du sud », ravivant l’inquiétude sur les rendements; aux Etats-Unis, « une météo humide dans les 15 jours » à venir, ce qui pourrait retarder les semis de maïs.

Et aussi dans l’hémisphère Sud, avec des inondations terribles dans le Rio Grande do Sul, deuxième Etat brésilien pour la production de soja derrière le Mato Grosso ; et surtout en Argentine avec la prolifération des cicadelles, un insecte se nourrissant de la sève des végétaux, vecteur d’une maladie qui affecte les rendements du maïs.

Ces insectes, de 2 à 4 millimètres de long ressemblant à des micro-cigales, qui étaient habituellement éradiqués par des périodes de gel hivernal, sont favorisés par des températures plus chaudes : les cicadelles « sont habituellement présentes dans le nord du pays, mais descendent maintenant dans la grande région de production du maïs », souligne l’analyste d’Argus Media.

La Bourse de Buenos Aires prévoit désormais 46,5 millions de tonnes pour la récolte de 2024 en Argentine, 3e exportateur mondial de maïs, alors que les prévisions américaines étaient encore en avril de 55 millions de tonnes.

« Tout cela constitue un sacré cocktail d’inquiétudes climatiques », résume-t-il, soulignant que « la hausse des prix n’est pas menée par la demande des acheteurs, mais bien par les inquiétudes liées à la météo ».

Stocks « assez restreints » de blé

Pour Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX, les mouvements actuels des cours sont liés à l’afflux d’argent venu des fonds.

« Les fondamentaux (la météo, l’état des cultures…) ne sont qu’une excuse » pour miser sur les matières premières agricoles, affirme-t-il. « Les fonds reviennent sur leur thèse centrale d’un environnement déflationniste et couvrent leurs positions. Cela a commencé avec la météo et le blé, et s’est étendu au maïs et au soja ».

Il estime que le très attendu rapport, dit Wasde, du ministère américain de l’Agriculture de vendredi, qui donnera un premier aperçu des prévisions de stocks, de production et d’exportations pour la prochaine campagne (2024-25), pourrait être un « coup de semonce » pour le marché si les stocks s’avèrent importants.

Un temps sec perdurant en Russie pourrait apporter du soutien aux cours, estime-t-il, « parce que quand vous regardez les stocks de blé des grands exportateurs, hors Russie et Etats-Unis, ils sont assez restreints. Jusqu’ici, ça ne jouait pas parce que la Russie déversait son blé pas cher sur le marché mondial. Mais si ce flux se réduit, le marché va prêter davantage attention aux stocks des autres producteurs ».