Accéder au contenu principal
Conditions de culture

Le bref retour du beau temps « n’a pas fondamentalement changé la donne »


TNC le 17/05/2024 à 12:00
GNo7RmBWoAADEfC

Le temps pluvieux qui persiste entrave l'avancée des semis. 72 % des surfaces prévues en maïs étaient semées au 13 mai, contre 91 % l'an dernier. (© @AlexisClgnt, X (ex-Twitter))

Potentiels de rendement dégradés, pression parasitaire, jachères forcées… Même si la météo estivale de la semaine dernière a permis d’avancer dans les semis dans certaines zones, elle n’a pas fait disparaître les effets de l’hiver pluvieux : les inquiétudes persistent pour la récolte 2024. Article publié le 16 mai, modifié le 17 mai à 10h30.

Quel aura été l’impact sur les cultures du temps estival de la semaine dernière ? Pour Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer et lui-même céréalier dans le Grand Est, ces quelques jours de soleil ont fait « un peu de bien au global » en permettant « d’avancer les semis de maïs et de tournesol », mais ils « ne changent pas fondamentalement la donne ».

Certaines parcelles avaient de fait « beaucoup souffert », et même si « ça s’est un peu retapé par endroits », « on a eu depuis dimanche des vagues orageuses qui ont fait du mal » localement et une pression parasitaire toujours « très élevée sur les cultures d’hiver » : « ça reste très compliqué ».

Beaucoup d’agriculteurs n’ont pas pu saisir la fenêtre offerte par cette météo momentanément clémente.

Comme Tiangua, qui écrivait samedi 11 mai sur Terre-net : « Après 75 mm à la fin de semaine dernière il n’y a pas de champs assez sains pour y envisager un semis ! La pluie prévue pour dimanche (12 mai) ne nous laisse guère d’espoir pour intervenir rapidement en conditions acceptables. »

« Même situation en région Centre sur terres hydromorphes. Enrubannage très compliqué. Un voisin s’est même planté avec la presse. C’est dire…  », répondait louma.

« Le potentiel de rendement est dégradé »

Benoît Piètrement souligne aussi les « incertitudes de rendement » pour la récolte 2024, et prévoit « une hétérogénéité terrible » en fonction des parcelles, et au sein d’une même parcelle, « avec des endroits qui seront certainement bons voire très bons, et des endroits où il n’y aura rien du tout ».

« Le potentiel de rendement est dégradé à cause des conditions humides de l’hiver, notamment pour le blé tendre, le blé dur et l’orge d’hiver », appuie Abir Mahajba. Et l’inquiétude demeure sur « l’impact de la vague de froid d’avril sur la méiose des épis et le remplissage des grains ».

Au 13 mai, 64 % des surfaces implantées en blé tendre, 66 % des surfaces d’orge d’hiver, 66 % des surfaces de blé dur et 74 % des surfaces d’orge de printemps étaient jugées dans des conditions « bonnes à très bonnes » selon le rapport hebdomadaire Céré’Obs, contre respectivement 93 %, 90 %, 87 % et 95 % l’an dernier à la même période et avec de fortes disparités selon les régions.

Jachères forcées

Côté surfaces, « toutes ne seront pas semées », estime Benoît Piètrement. « On voit (dans les dernières prévisions d’Agreste, NDLR) une augmentation des surfaces de maïs parce que c’est une culture qui peut se semer tard », mais il y aura aussi des « jachères involontaires parce que les parcelles sont difficiles d’accès » et que des trous toujours inondés d’ont pas été ressemés.

À l’heure de la finalisation des dossiers Pac, c’est d’ailleurs « une bataille syndicale avec l’administration » : « dans certaines parcelles qui seront déclarées en blé, ou en colza, ou autre, il y aura des trous ; elles pourraient être déclarées comme semées au niveau de la Pac alors qu’on sait que dans une partie il y aura zéro rendement ».

Face aux difficultés de semis, « les agriculteurs vont laisser un peu de jachères », dans des proportions encore difficiles à chiffrer. « C’est paradoxal : les actions syndicales ont permis que les 4 % de jachères ne soient pas appliqués, finalement il y en aura encore un peu ! », ironise-t-il.

« Des cours plus intéressants »

Il y a tout de même une raison de se réjouir : la hausse des prix des céréales. « Là, je reprends ma casquette d’agriculteur, sourit Benoît Piètrement : depuis septembre on a vu cette baisse lente mais sûre des cours, et on revient à des cours plus intéressants, ça fait beaucoup de bien ! ».

Prudence, cependant : « On va voir comment ça évolue. Je n’ai pas eu de retours de gens qui anticipent leurs ventes, il y en a certainement un peu vu les prix, mais c’est très marginal ».

« Je pense que tout le monde est dans l’attente, en lien avec ces incertitudes de récolte. S’engager à l’avance, c’est peut-être un pari un peu risqué, hormis dans les zones où tout va bien ! On est dans une incertitude globale », conclut-il.