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Moisson catastrophique

Le revenu sera négatif pour plus de 50 % des céréaliers, alerte l’AGPB


TNC le 08/09/2020 à 18:02
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Si la récolte 2020 s’est révélée être l’une des plus catastrophiques depuis vingt ans, les céréaliers connaissent des difficultés depuis plusieurs années, au point d’être aujourd’hui le dernier secteur agricole sur le plan des revenus. C’est pourquoi, au-delà d’un plan d’urgence, l’AGPB alerte le gouvernement sur la nécessité de soutenir davantage les grandes cultures, notamment à travers la Pac.

Pénalisée par un hiver pluvieux qui a retardé les semis, la sécheresse du printemps, et l’abondance inhabituelle des ravageurs, la production de blé a chuté de – 25 % cette campagne, atteignant péniblement 29,7 Mt selon les dernières estimations. Conséquence : « plus de 50 % des céréaliers auront un revenu négatif en 2020 », a indiqué Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB, lors d’une conférence de presse, le 8 septembre.  

Et ces difficultés s’ajoutent à celles des années précédentes, puisqu’en moyenne sur les huit dernières années, les céréaliers dégagent un revenu de moins de 6 000 euros par an, indique l’AGPB, soit le dernier secteur agricole en matière de revenus. « Nous demandons un plan d’urgence et immédiat pour soutenir les céréaliers », précise ainsi Éric Thirouin, président de l’AGPB, qui a déjà rencontré le ministre à ce sujet.

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« Le secteur céréalier, c’est 240 000 exploitations, trois agriculteurs sur quatre font des céréales, c’est le troisième poste excédentaire de la balance commerciale, on exporte 50 % de notre production en année normale, or cette année on a un quart de la production en moins », résume Éric Thirouin, qui veut également alerter sur la question des moyens de production. « Il faut peu de choses à une filière stable, forte, pour dévisser, avec toutes les conséquences que cela implique en matière d’emploi et de revenus », ajoute-t-il. Pour la balance commerciale française, la perte représente 2,2 milliards d’euros par rapport à l’année dernière.

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Les mesures d’urgence

Pour venir en aide aux producteurs directement touchés, l’AGPB demande donc un plan d’urgence comprenant une avance de 80 % des aides de la Pac (le ministre a pour le moment accordé 70 % d’avances) au plus tard le 15 octobre, une prise en charge financière des cotisations MSA, la mise en place de cellules de crise dans l’ensemble des départements impactés, notamment pour estimer les besoins et débloquer le fonds d’allègement des charges, et l’accès aux prêts garantis par l’État.

Les céréaliers demandent aussi un dégrèvement d’au moins 50 % de la Taxe sur le foncier non bâti (TFNB), d’autant plus légitime selon eux que le plan de relance prévoit pour les industriels un dégrèvement de 50 % de la CVAE.

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Dans le cadre des semis des SIE, l’AGPB insiste également pour obtenir une dérogation, puisque les semis sont imposés même quand la terre est sèche, au cas où il n’y aurait pas de levée car pour le moment, des sanctions sont possibles, entraînant l’amputation des aides liées au verdissement.

Une Pac plus équilibrée pour les céréaliers

Au-delà de l’urgence, l’AGPB souhaite également construire un avenir plus serein pour les producteurs de grandes cultures. L’un des leviers essentiels  est celui de la Pac, alors que les céréaliers touchent en moyenne moins d’aides Pac que la majorité des autres secteurs : 33 000 euros par an en moyenne contre 50 000 pour les bovins mixtes, 47 000 pour les bovins viande, ovins et caprins, 40 000 pour les autres herbivores, et la polyculture élevage par exemple.

L’AGPB demande donc un rééquilibrage des aides, plus favorable aux céréaliers : un niveau de DPB fort, avec une prime redistributive ramenée à son minimum, soit 5 %, la mise en application des recommandations du CGAER sur les zones intermédiaires, ou encore les aides aux investissements PCAE dont les céréaliers sont souvent exclus mécaniquement.

Face à la multiplication des aléas, la montée en puissance de l’assurance doit aussi être accompagnée. « L’Europe propose la possibilité d’une franchise à 20 %, financée à 70 %, nous demandons à faire appliquer cette option en urgence », commente Éric Thirouin. Le surcoût représenterait autour de 250 millions d’euros, estime-t-il, pour atteindre 40 à 50 % des surfaces assurées.

Enfin, alors que l’AGPB s’est engagée à pousser la certification HVE 2 pour les exploitations céréalières, après le déploiement auprès des structures (coopératives et négoces), « il nous manque le déclic et l’accompagnement de l’État », précise le président de l’AGPB, qui demande également à ce que cette certification HVE de niveau 2 soit reconnue dans les exigences du futur ecoscheme de la Pac, pour que les céréaliers bénéficient de l’équivalence pour obtenir des aides.

« C’est un cri d’alarme que je lance », a insisté Éric Thirouin, qui rappelle que ce secteur stratégique pour la France est également reconnu pour sa qualité par les Français, et pour son rôle majeur dans l’alimentation et l’économie. Après plusieurs années de déclin, « c’est maintenant qu’il faut se réveiller, après il sera trop tard », alerte-t-il.