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Sécurité alimentaire

Le projet de « police unique » pousse le personnel de la DGCCRF dans la rue


AFP le 24/06/2022 à 09:15

Le projet de « police unique » en charge des contrôles de sécurité alimentaire, qui verra une partie des missions de la Répression des fraudes transférées au ministère de l'agriculture, a poussé le personnel de la DGCCRF cette semaine dans la rue.

Conçu fin 2017 dans le sillage du scandale du lait contaminé de Lactalis, le projet annoncé mi-mai, pour une entrée en vigueur en 2023, vise à accorder la sécurité sanitaire des aliments exclusivement au ministère de l’agriculture, via la direction générale de l’alimentation (DGAL). Jusqu’à présent, ces missions étaient partagées avec la DGCCRF. 60 emplois vont être supprimés en conséquence dans le service dépendant de Bercy.

L’institution, qui compte environ 2 500 agents dont 1 800 enquêteurs, a pourtant déjà « perdu 1 000 emplois en 15 ans », rappelle David Sironneau, co-responsable de Solidaires CCRF&SCL, le premier syndicat de la DGCCRF qui était en grève mardi.

« On nous dissèque », expliquait alors Viviane Danaudière, inspectrice dijonnaise qui arborait une pancarte sur laquelle on pouvait lire « DGCCRF sacrifiée = consommateur en danger ».

Dans son agence, les dix fonctionnaires étaient grévistes. A celle d’Arras, c’était 21 sur 22 alors que des agents de Montpellier, Lyon, Strasbourg, Lille ou Rouen s’étaient rassemblés devant le siège parisien.

« On a pris cette décision politique comme une sanction », s’est désolé David Sironneau, en rappelant le travail de la DGCCRF sur les récents scandales sanitaires Buitoni ou Kinder. Au risque selon lui que ce soit le consommateur qui « paie les pots cassés ».

Soutenue également par la CFDT et l’Unsa, la grève a mobilisé, selon différentes sources, entre 10 % et 30 % des agents sur le territoire.

Dans une vidéo adressée aux agents de la DGCCRF et transmise à l’AFP, Bruno Le Maire, qui n’a pas reçu les agents mardi, reconnaît que « cette réforme a pu susciter un certain nombre d’interrogations », mais assure qu’elle répond « à un besoin de simplification ».

Même si une source proche du dossier assure que « la fraude restera du domaine de la DGCCRF », pour Thibaut Favier (CFDT) « il y a un gros risque que la DGAL récupère (aussi) la recherche des fraudes alimentaires ».

Lobbies agricoles ?

« On estime qu’ils (la DGAL, ndlr) ne sont pas en capacité de le faire, qu’ils n’ont pas les compétences. Ils ont une culture plus administrative que pénale. Qu’on le veuille ou non, le ministère de l’agriculture est sensible aux pressions des lobbies », estime-t-il.

« On sanctionne plus que le ministère de l’agriculture, qui est historiquement plus sur des mises en demeure, des mesures correctives », précise M. Sironneau. « Politiquement, attribuer la sécurité alimentaire à l’agriculture, c’est la placer du côté des industriels. Nous défendons le consommateur ».

Solidaires s’inquiète également de la « privatisation de certaines missions de service public comme les prélèvements et analyses de produits alimentaires bruts ou transformés, ainsi que les contrôles d’hygiène » des restaurants, artisans de bouche, étant donné que la DGAL travaille déjà avec des opérateurs privés.

Le transfert pose également la question du devenir du réseau de laboratoires partagé entre la DGCCRF et les douanes, qui emploie 380 personnes. Dans l’entourage de la DGCCRF, on assure qu’il « ne va pas disparaître » mais, pour les syndicats, sa survie est menacée si son activité diminue.

De même source, on reconnaît que les laboratoires de la DGAL ne savent aujourd’hui pas faire certaines analyses et recourent déjà aux laboratoires de la DGCCRF dans ces cas-là.

Pour ces raisons, selon les syndicats, la vigilance dans les entreprises liées à la DGAL repose grandement sur les auto-contrôles, avec obligation de transmettre à l’administration tout résultat négatif, quand la DGCCRF mise sur les tests inopinés.

« Dans mon entreprise, seuls les auto-contrôles de sociétés privées donnaient quitus à l’employeur », témoigne un syndicaliste de la Fnat-CGT issu de l’industrie laitière. Un mois avant le contrôle, un pré-audit permettait d’effectuer les modifications. L’audit se déroulait avec succès et le lendemain le quotidien reprenait son cours. 363 jours par an, les dysfonctionnements n’étaient pas vus ».