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Renouvellement des générations

Le portage foncier, un « outil » pour faciliter l’accès aux terres agricoles


AFP le 03/04/2024 à 14:46

Face au vieillissement des exploitants agricoles et à la crise des vocations, le gouvernement souhaite développer le portage foncier, présenté comme un outil pour favoriser le renouvellement des générations d'agriculteurs.

L’article 12 du projet de loi agricole, présenté mercredi, permet de créer des « groupements fonciers agricoles d’investissement » (GFAI) qui vont lever de l’argent auprès d’investisseurs afin d’acheter des terres pour les louer à de nouveaux agriculteurs.

Dans ce dispositif, l’agriculteur n’a ainsi pas besoin de financer l’achat de ses terres. Il les loue à ces groupements d’acteurs privés ou publics, à plus ou moins long terme, ce qui lui permet se concentrer sur le développement de son activité.

Les GFAI permettront « de développer le portage du foncier, notamment à destination des plus jeunes, à travers la mobilisation (…) de nouveaux capitaux », selon le cabinet du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, qui y voit un « outil parmi d’autres » pour lever les obstacles à l’installation.

Un outil de renouvellement générationnel

La moitié des 390 000 exploitations agricoles françaises sont dirigées par un agriculteur âgé d’au moins 55 ans et bon nombre de ces chefs d’exploitation partiront à la retraite d’ici 10 ans, selon le recensement agricole effectué en 2020. Parmi ceux ayant dépassé 60 ans, les deux tiers n’ont pas cherché ou identifié de repreneur.

En moyenne depuis 2015, 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité chaque année, tandis que 14 000 s’installent, d’après un rapport de la Cour des comptes paru l’an dernier.

Parallèlement, 60 % des candidats à l’installation en agriculture ne viennent pas du monde agricole, et n’ont donc ni terres ni capital matériel, selon les Chambres d’agriculture.

Le foncier agricole français a beau être l’un des moins chers en Europe, y accéder reste un défi, notamment par méconnaissance des terres disponibles « à l’instant T », explique Emmanuel Hyest, président de la fédération des organes de régulation du foncier (Safer), pour qui « le portage foncier est indispensable au renouvellement des générations ».

Qui sont les acteurs ?

Régions, collectivités, coopératives, banques, Safer… Différentes structures, issues de sphères publiques, privées, ou même citoyennes, se sont lancées dans le portage foncier.

On retrouve également des initiatives « organisées par des agriculteurs », relève M. Hyest, comme les GFA mutuels, des groupements fonciers agricoles qui permettent d’acheter du foncier de manière collective.

L’association Terre de liens mobilise, elle, l’épargne citoyenne pour acheter des fermes et les louer à des « fermiers et des fermières qui y développent une agriculture biologique ». Il existe également des structures comme Terra Hominis, spécialisée dans l’investissement participatif viticole.

L’Etat a aussi annoncé la création d’un « fonds entrepreneurs du vivant » de 400 millions d’euros, pour « soutenir les nouvelles installations en agriculture et l’innovation agricole et alimentaire ».

Toutefois, « l’enveloppe dédiée au portage foncier ne concernerait que 0,1 % des terres agricoles mises sur le marché chaque année », selon un rapport de Terre de liens publié en février.

Limiter la « financiarisation »

Mais le développement du portage soulève des craintes. L’association Agir pour l’environnement redoute que la création de GFAI « précipite la fin de la paysannerie » en permettant « de lever des capitaux auprès des entreprises et des multinationales ».

« Certaines structures de portage, de type investisseur, recherchent une rentabilité incompatible avec la transition agroécologique voire qui peut menacer la viabilité économique des fermes et l’autonomie des agriculteur·trices », s’inquiétait aussi Terre de liens en février.

Le président des Safer reconnaît qu’« il y a un vrai risque de financiarisation » si le dispositif est préempté par des acteurs recherchant la rentabilité en misant sur une hausse du prix des terres. « Il faut qu’on soit dans un système économique et pas dans un système financier », plaide M. Hyest.

Les Safer travaillent depuis plusieurs années sur un fonds de portage nommé ELAN, dans lequel les Français pourraient « acheter des parts » et « accompagner l’installation de jeunes agriculteurs », une manière selon M. Hyest de rapprocher « nos concitoyens et les agriculteurs ».