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Ecla 53

Des éleveurs bovins rassemblés autour d’une viande 100 % « made in Mayenne »


TNC le 25/06/2018 à 06:00
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L'association Ecla 53 a vu le jour lorsqu'une trentaine d'éleveurs bovins se sont réunis dans l'objectif de mieux valoriser leur viande. La solution pour y parvenir : supprimer les intermédiaires et proposer une viande locale et de qualité aux consommateurs via les GMS mais également en restauration collective. Un projet d'une telle ampleur nécessite néanmoins une certaine organisation dans laquelle les éleveurs semblent avoir trouvé leur place...

Lassés de vendre leur viande à bas prix et de voir de la viande étrangère sur les étals des grandes surfaces et dans les restaurations collectives de leurs cantons, une trentaine d’éleveurs mayennais se sont rassemblés fin 2017 pour créer une association de filière locale : Ecla 53 (« Éleveurs et collectivités associés de Mayenne »).

Sylvain Rousselet, président de l’association, délaisse peu à peu sa casquette d’éleveur au profit de celle de porteur de projet. En effet, l’éleveur s’est occupé du rapprochement avec les syndicats FDSEA et JA mais aussi avec la structure spécialisée en élevage bovin viande Elroc 53 (Elvea) et avec la Chambre d’agriculture du département. « On a utilisé ce qu’on avait chez nous : ces différentes structures ont allié leurs compétences aux nôtres pour monter le projet, témoigne-t-il. » Ils sont pour le moment une trentaine d’éleveurs engagés dans la démarche. « Tous ne sont pas syndiqués, explique Sylvain. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de l’être pour faire partie du groupe. Les structures nous aident surtout à mettre en place les différentes phases de l’activité et nous orientent dans la bonne direction. »

Pour commencer, il a fallu réaliser une étude financière et surtout trouver des financements. De ce côté, l’association a été aidée par le conseil départemental, le conseil régional et l’état dans le cadre du PNA (projet national pour l’alimentation). Ainsi, une étude de grande ampleur auprès d’un panel de consommateurs et des citoyens mayennais a pu être réalisée. Elle a révélé une vraie confiance des consommateurs pour les producteurs et a montré une certaine attente en termes de qualité.

Les 30 éleveurs sont tous impliqués dans l’association : divisés en petits groupes, chacun travaille sur un sujet particulier concernant soit l’amont (l’élevage) ou l’aval (la commercialisation). Un groupe réfléchit par exemple à la création d’un cahier des charges au niveau de l’alimentation pour que tous produisent de la même façon, malgré la différence raciale des animaux. « Cette mixité de races n’est pas dérangeante, au contraire, cela permettra de répondre à des besoins différents. De plus, l’enquête a révélé que le consommateur ne prête que peu d’attention à la race, explique le président. Ce qu’il recherche c’est de la viande tendre donc des animaux bien finis avec une qualité constante toute l’année. »

Dispersés dans le département, les éleveurs s’occupent chacun de démarcher les collectivités et les commerces de leurs cantons. Ils ont d’ailleurs tous bénéficié d’une formation « d’agri-commerciaux » de deux jours et se sont créés quelques plaquettes et flyers publicitaires. Deux marques ont d’ailleurs vu le jour : Cœur de Mayenne qui vise plutôt le grand public (GMS et restauration collective) et Éleveurs de Mayenne pour les professionnels de boucherie et de restauration. « Ces marques représentent l’identité des éleveurs tout en permettant aux consommateurs de retrouver facilement nos produits dans leurs achats. »

Les premières ventes de viande ont débuté en novembre 2017. « Nous n’avons pour l’instant pas mis de roulement particulier en place entre les éleveurs, commente Sylvain. Un technicien Elroc passe dans les fermes pour choisir les animaux prêts à être abattus. L’éleveur concerné perçoit alors une rémunération à l’animal et celle-ci n’est pas partagée avec les autres comme cela aurait pu être le cas dans une coopérative  », ajoute-t-il.

Côté logistique, l’association s’est rapprochée de la légumerie 53 : un atelier de transformation des légumes qui entre dans un programme de réinsertion professionnelle. Ensemble, ils comptent monter une plateforme logistique pour l’approvisionnement local, ce qui leur permettra de travailler en commun dans la gestion des livraisons.

Pour aller plus loin dans leur autonomie, les éleveurs d’Ecla 53 se sont rapprochés de la communauté de communes d’Ernée qui possède son propre atelier de découpe, à l’arrêt depuis plus d’un an. « En découpant nous-mêmes la viande, nous enlevons encore un autre maillon de la chaîne, se félicite le président. Il nous faudrait alors embaucher une dizaine de personnes et investir dans du matériel mais le local est là et il serait dommage de ne pas en profiter. » D’après les calculs des différents experts sur l’étude financière, il leur faudrait alors passer 10 carcasses/semaine pour financer cet investissement, au moins la première année (avec un prix moyen de la viande à 14 €/kg). Seul l’abattage restera une tache sous-traitée.

« En se rassemblant de la sorte, notre objectif n’est pas de concurrencer les petits producteurs qui font de la vente directe, ni de prendre la place des gros industriels mais nous espérons nous placer entre les deux afin de répondre aux demandes de la restauration collective, des bouchers et des GMS, explique Sylvain. Nous prenons alors la place des fournisseurs. » En se plaçant entre le producteur individuel et l’industriel, l’association est capable de répondre à une demande mixant qualité et quantité. Les éleveurs seront par exemple aptes à fournir 50 kg de bourguignon à une cantine, quantité que ne pourrait pas fournir un éleveur seul en vente directe et qui n’intéresserait pas forcément un gros industriel.

« Il ne faut pas que les éleveurs en dehors du projet se sentent menacés, tente de rassurer le président de l’association. Nous sommes sur un produit marqué et ne comptons pas créer de nouveaux labels. Nous sommes d’ailleurs plutôt ouverts à intégrer des élevages bio ou AOC au projet. Cela nous permettra de répondre à des demandes variées. Les marques pourront même à l’avenir inclure d’autres espèces car les professionnels préfèrent recevoir un maximum de produits en une seule et même livraison. »

L’association Ecla 53 verra prochainement son statut modifié car elle ne répondra bientôt plus aux critères d’une association (sans but lucratif) et deviendra une société. Pour cela, elle lancera un appel à capital social auquel pourront répondre les éleveurs mais aussi les quatre structures ayant contribué au projet (FDSEA, JA, Elroc et la Chambre d’agriculture de Mayenne). Les éleveurs resteront tout de même majoritaires. Ils pensent d’ailleurs déjà à ouvrir l’accès à d’autres éleveurs n’ayant pas contribué à la mise en place de la démarche car ils espèrent que les 1500 bêtes de leurs 30 cheptels réunis ne suffiront pas à répondre à la demande.