Accéder au contenu principal
Café

Consommation en hausse mais cours déprimés : les paradoxes du marché du café


AFP le 09/11/2019 à 15:50

Malgré une progression continue de la consommation mondiale, les cours du café ont vertigineusement chuté depuis trois ans, ce dont souffrent les producteurs. Pour autant, le prix de nos expressos reste souvent corsé.

Après avoir tous deux perdu près de 40 % depuis début 2017, les cours du robusta et de l’arabica, les variétés les plus répandues, évoluent en ce moment à des niveaux historiquement bas, principalement à cause des récoltes abondantes au Brésil, premier producteur mondial, et de la faiblesse de la monnaie de ce pays.

Un paradoxe dans un contexte de hausse continue de la consommation, qui grimpe de 2,1 % en moyenne chaque année depuis 10 ans, selon l’Organisation internationale du café (ICO). Deux milliards de tasses de café sont consommées chaque jour, générant un chiffre d’affaires d’environ 200 milliards de dollars par an, selon l’association Fairtrade International.

Loin des machines à dosette, en amont de la filière, « la crise des prix commence à avoir des effets vraiment structurels » sur les producteurs, se désole Valeria Rodriguez, responsable au sein de l’association Max Havelaar France, interrogée par l’AFP. « Les conséquences sont terribles : ils ne peuvent plus vivre de leur travail, investir dans leur production et faire face aux enjeux du défi climatique », poursuit-elle.

En Amérique du Sud et centrale, de nombreux petits producteurs jettent l’éponge, en particulier les cultivateurs d’arabica, variété plus complexe à produire que le robusta cultivé plutôt en Asie, selon Jack Scoville, analyste chez Price Group.

Les moyens limités des petites exploitations et les difficultés d’accès aux terres fertiles limitent aussi l’utilisation de moyens mécanisés qui facilitent les économies d’échelle.

De ce fait, la Colombie, le Honduras ou le Guatemala notamment, grands pays de culture d’arabica, prévoient une production en baisse pour la saison 2019-2020, constate Geordie Wilkes, analyste marché chez Sucden.

Les derniers chiffres de l’ICO publiés cette semaine illustrent la tendance à l’échelle du continent : l’Amérique du Sud devrait connaître une diminution de 3,2 % de sa production sur la saison à venir, contre 0,9 % seulement à l’échelle mondiale.

Haut de gamme épargnés

Pour autant, « la demande pour le haut de gamme reste forte », ce qui protège les cours pour certaines variétés, relève Carlos Mera, analyste chez Rabobank.

Le label de commerce équitable Max Havelaar en France garantit ainsi à ses fournisseurs un prix minimum de 1,40 dollar par livre de café pour la production, plus certaines primes notamment si le café est bio.

Ce segment équitable ne représente toutefois qu’une petite partie du marché. Une vaste majorité des cultivateurs sont donc très vulnérables aux cours fixés par les échanges des traders à Londres ou New York.

Pour autant, « les cours bas (sur les marchés financiers) ne se répercutent pas sur les prix à la consommation », constate Paul Belchi, un responsable de Max Havelaar France.

Notamment parce que la chaîne d’approvisionnement est longue depuis les plateaux d’Amérique du sud aux cafés branchés des grandes métropoles : entre les marchands dont les géants Nestlé et Lavazza, les transporteurs, les prix de l’immobilier ou les employés, les cours du café ne représentent qu’une fraction du prix payé au comptoir.

Les variétés les plus rares, comme le Blue Mountain de la Jamaïque, le Tarrazu du Costa Rica, ou le Bourbon pointu qui pousse sur l’île de la Réunion, voient quant à elles leur prix concurrencer parfois ceux du caviar : elles se négocient directement entre cultivateur et marchand, et les enchères peuvent monter.

Certaines de ces variétés « grand cru » se négocient à plus de 100 euros le kilo, contre moins de 2 euros pour celui d’arabica au cours de vendredi sur son marché new-yorkais, l’ICE Futures US. Au détail, on trouve ainsi le Bourbon pointu proposé en ligne à 49 euros les 125 grammes.