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Elevage

Castration à vif et agonie : un lanceur d’alerte dénonce un élevage de porcs


AFP le 22/03/2024 à 10:00

Castration et coupage de queues à vif, agonie d'une truie assommée à coups de masse : un lanceur d'alerte, soutenu par l'association L214, a dénoncé, jeudi devant le tribunal d'Auxerre, les « sévices » dont il a été témoin dans un élevage de porcs de l'Yonne.

« C’était tous les jours, des coups de tournevis, de barres de fer, de masse » : Grégory Boutron, 39 ans, est visiblement encore choqué de ce qu’il dit avoir vu entre 2019 et 2022, quand il travaillait à l’élevage de porcs des Tremblats II, à Annay-sur-Serein.

« C’est honteux », dit-il à la barre du tribunal correctionnel, ciblant en particulier le « claquage » des porcelets, qui consiste à tuer un animal non viable en le jetant par terre.

Révolté, M. Boutron dit en avoir parlé à ses « chefs ». « Mais il n’y a rien eu ». Alors il décide de tout filmer comme, le 16 février 2021, cette truie « défoncée à coups de masse » et qu’on laisse agoniser toute une nuit avant d’être achevée au fusil le lendemain.

La vidéo sera diffusée par l’association de défense des animaux L214, suscitant un vif émoi dans tout le pays. Grégory Boutron, lui, « va voir un psychiatre » et démissionne de l’élevage. « Je n’en pouvais plus », lâche-t-il.

En parallèle, L214 porte plainte contre l’élevage, qui fait l’objet de plusieurs inspections. Des « non conformités » sont constatées, mais « mineures », assure son avocat. « L214 ne peut pas avoir raison contre toutes les autorités de l’État : les services vétérinaires nous ont dit qu’il n’existe pas matière à poursuivre ! »

« C’était une truie cinglée »

« Il n’y a rien eu de choquant », répond également Dominique Hervet, 61 ans, qui était à l’époque des faits responsable des truies gestantes sur l’élevage de 1 800 bêtes.

« Le claquage, c’est pour les porcelets qui vont mourir de toute façon. Ben oui, on les jette par terre, quoi », ajoute-t-il.

« Les coups de tournevis, c’est pour les faire avancer… La barre de fer, c’est arrivé une fois. C’était une truie cinglée de 110 kilos qui sautait partout. » « Et la truie agonisante? », demande le président du tribunal, Grégory Hontcharenko. « Le matador ne fonctionnait pas », répond le prévenu.

« Mais pourquoi alors ne pas l’avoir achevé au fusil dès le soir sans attendre le lendemain? », poursuit le président.

« Oui, on a fait une boulette », lâche le responsable.

« On aime nos animaux », affirme de son côté Christophe Nevot, 48 ans, responsable du site à l’époque des faits. « Le claquage, il n’y a pas de meilleure solution. On nous demande d’arrêter la souffrance mais c’est le plus rapide ».

Une mise à mort « extrêmement choquante »

La pratique est interdite depuis janvier 2022, souligne pourtant L214. « Au prétexte qu’on a toujours fait comme ça, on s’acharne sur l’animal parce que c’est normal », accuse son avocate Caroline Lanty.

« Oui, la mise à mort de cette truie est extrêmement choquante », reconnaît le procureur de la République, Hugues de Phily.

Mais il ne faut pas faire « le procès de toute une filière », ajoute-t-il, requérant une simple amende de 1 500 euros, dont 1 000 avec sursis, contre Dominique Hervet, mais la relaxe pour les trois autres prévenus, notamment les gérants de l’élevage.

Le jugement sera prononcé jeudi 11 avril, à 13h30.