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[Témoignage] Travail en bovin lait (1/5)

Bruno Pinel, éleveur (44) : « Avoir un salarié, une valeur plus qu’un coût »


TNC le 04/11/2020 à 14:55
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Pour conforter, avec des éléments concrets observés en exploitation, son étude sur les collectifs de travail en production laitière, l'Institut de l'élevage Idele a réalisé une série de témoignages vidéo d'éleveurs installés en individuel, en association ou avec salariat. Pour Bruno Pinel, éleveur en Loire-Atlantique, le principal atout de son système avec trois salariés est de faire progresser l'entreprise. Un investissement plus rentable selon lui que le matériel, d'autant qu'il s'avère plus facilement transmissible.

Source : projet Orgue de l’Institut de l’élevage idele sur l’organisation du travail dans les exploitations laitières et l’attractivité du métier d’éleveur. Vidéo publiée sur Vimeo.

Bruno Pinel, éleveur laitier à Héric en Loire-Atlantique, a préféré embaucher des salariés agricoles plutôt que d’investir dans du matériel. Le succès de son système repose, selon lui, sur une organisation bien huilée et prévue à l’avance, des tâches réparties équitablement, une communication régulière et surtout une relation de confiance permettant de se libérer du temps l’esprit tranquille et d’améliorer les performances de l’exploitation, en impliquant tout le monde dans les décisions stratégiques. Explications.

  • Trois salariés polyvalents 

« Tout le monde fait de tout − traite, alimentation,  soins aux animaux, cultures avec un roulement sur trois semaines. »

Retrouvez les résultats de l’étude de l’Institut de l’élevage idele : Travail en élevage laitier − Le plus efficace entre petit/grand collectif, avec salariés ou associés ?

Bruno fait un point quotidien avec ses salariés pour organiser la journée et planifier les tâches. (©Idele)
  • Des horaires bien cadrés
  • 6-14 h pour le 1er salarié avec la traite du matin
  • 9-18 h pour le 2e avec celle du soir.
  • Les trois ne sont présents en même temps sur l’exploitation qu’une journée/semaine (7 à 17 h pour la 3e personne ce jour-là).

« Je ne ressens pas les pics d’activité, se réjouit l’éleveur. À quatre, on en abat du boulot ! », à condition de les anticiper bien entendu. « C’est très important pour le développement d’une entreprise de limiter la charge mentale ! »

1 week-end/4 + 5 semaines de vacances

  • Un planning fixé sur 3 semaines (35 h) avec roulement entre les 3 salariés
(©idele)

Ce qui permet à l’exploitant de se dégager du temps pour des responsabilités professionnelles, de se libérer 1 week-end sur 4 (comme chaque salarié d’ailleurs, sachant qu’une seule personne travaille le week-end) et d’avoir 5 semaines/an de congés (autant que possible pas plus de deux en vacances en même temps).

Autre article en lien avec cette réflexion de l’idele : Salariat en lait — Les solutions pour relever 5 enjeux majeurs

Bruno Pinel est en effet très impliqué dans la filière « lait bio » de sa coopérative, ce qui le mobilise 1 à 2 jours/semaine. Pouvoir s’appuyer sur ses salariés agricoles en toute confiance lui permet de partir l’esprit tranquille, sans penser à ce qu’il y a à faire sur la ferme. Ainsi, il peut se consacrer pleinement à son engagement.

« C’est l’avantage du salariat en agriculture ! Quand je rentre à 6 h du soir, je sais que tous les travaux seront effectués et que ce sera clean », insiste l’éleveur.

Planifier le travail

  • Un point quotidien à 9 h au bureau

« Un compte-rendu de la veille et la planification de l’organisation de la journée de travail, avec la répartition des rôles de chacun, en 5 à 10 min seulement ! »

Il s’agit aussi d’écouter ses salariés. Chez Bruno, « chacun remonte ses infos » !

« Il faut que les salariés se sentent chez eux sur la ferme », selon l’éleveur. (©idele)
  • Un bilan toutes les trois semaines/un mois

« Là, on prend plus de temps pour discuter des stratégies de l’élevage, explique le producteur. Les résultats techniques et les comptes de la ferme sont analysés ensemble ». Effectivement, impliquer ses salariés dans les décisions stratégiques est un moyen de les valoriser et les motiver, même si au final, c’est le chef d’exploitation qui tranche, reconnaît Bruno. À quatre, c’est mathématique, « on a plus d’idées », poursuit-il. Mais il faut savoir « amener les salariés à les exprimer ». « Le partage et la richesse humaine », un autre atout du salariat, selon l’éleveur !

Quant à ses « recettes » pour faire rester les salariés : « Il faut que le poste soit clair et équilibré. Difficile en effet de fidéliser son ou ses salariés s’ils ne font que la traite ! Ils doivent aussi se sentir chez eux sur la ferme, c’est-à-dire avoir un vestiaire avec des douches, un bureau, un endroit pour se faire à manger. Leur laisser libre accès à la maison d’habitation ou seulement à un coin de hangar : ni l’un ni l’autre n’est une bonne solution. Enfin, le management doit également être clair, d’où l’importance de se former dans ce domaine. Ce n’est plus le même métier et on y passe du temps. »

« Partage et richesse humaine »

Et le partage de salariés entre plusieurs fermes, vous y avez pensé ? Pour plus d’infos, lire la fiche technique. 

Sans oublier « le salaire bien sûr, mais c’est loin d’être le seul moyen de fidélisation ». « Puisqu’un salarié apporte de la valeur à l’entreprise, son coût n’est pas si élevé que cela », souligne Bruno Pinel qui les rémunère entre 10 et 25 % de plus que le Smic en fonction de leur ancienneté, avec un 13e mois, et 50 % supplémentaires le dimanche par rapport au tarif horaire habituel, avec une heure offerte et le remboursement des frais de déplacement.

« La clé de réussite, c’est la confiance. Je ne suis pas constamment derrière leur dos », conclut l’exploitant qui espère que l’un de ses salariés ait envie un jour de reprendre l’élevage. « Comme il le connaît bien, c’est plus simple que pour quelqu’un d’extérieur. » Et financièrement, « un système avec salariat sans gros investissement en matériel est plus facilement transmissible que l’inverse », estime-t-il.

L’exploitation en chiffres :
– 3 salariés (deux femmes et un homme)
Pour Bruno Pinel, la parité est un critère de recrutement car « les femmes voient et abordent les choses différemment », notamment « en termes de pénibilité du travail où elles ont plein de choses à nous apprendre », une autre richesse ! 
– 90 VL (700 000 l de lait/an)
– 24 VL/UMO
– 132 ha (100 ha de prairies temporaires, 16 ha de maïs et 16 ha de cultures)
– En agriculture biologique