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S'associer pour transmettre

« Laisser le jeune proposer, essayer puis voir par lui-même ce qui est faisable»


TNC le 17/03/2023 à 15:08
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Avant de lui transmettre sa ferme, Éric s'est associé à Jérémy. Ils expliquent les raisons de ce choix et les bénéfices retirés. (©FNPL)

Sans successeur familial, Éric Hatteville, éleveur de vaches laitières dans l'Orne, a cherché un associé pour « lui céder les clés de l'élevage en douceur », en « le prenant sous son aile » et en « lui transmettant son expérience, sans l'imposer ». Qu'Éric « lui laisse le champ libre sur le troupeau » lui a « donné confiance » et l'a incité à faire évoluer certaines pratiques. Les clés de réussite selon eux : « se mettre en mode association » au plus tôt, avant même qu'elle soit effective.

35 ans qu’Éric Hatteville est éleveur à Moncy dans l’Orne. Et 10 ans qu’il réfléchit à la transmission de la ferme − 65 vaches laitières et 120 ha de SAU −, n’ayant pas de repreneur dans le cadre familial. Pour continuer à gérer seul l’exploitation sur sa fin de carrière, il s’est équipé d’un robot de traite, et gagne ainsi 20 h de travail par semaine. Déjà, depuis que ses parents sont à la retraite, il pallie le manque de main-d’œuvre grâce à des apprentis. 

« Céder en douceur »

Il y a deux-trois ans, dans la perspective de son départ, il a décidé d’embaucher plutôt un salarié, pour « se laisser le temps de trouver quelqu’un pour reprendre ». Ou de s’associé avec un jeune, « pour lui donner les clés de l’élevage » d’ici sept à huit ans et, en attendant, le lui « céder en douceur en le prenant sous son aile s’il n’a pas d’expérience, afin de lui transmettre la mienne, sans l’imposer ». Il aurait alors la satisfaction de voir la structure à laquelle il s’est consacré « pendant 35 ans continuer, avoir un avenir ». 

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Éric Hatteville raconte, dans cette vidéo publiée sur la chaîne Youtube de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), pourquoi, sans successeur familial, il a voulu s’associer pour transmettre son exploitation :

Il a commencé par « en parler autour de lui » et « des jeunes qu’il connaissait ont levé le doigt et ont dit « moi, j’aimerais bien » ». « Dans un premier temps », il leur dit « non » car « ils ne correspondaient pas à ses attentes » : ils n’étaient, à son sens, « pas assez passionnés d’élevage ». Jérémy, lui, « a montré dès la départ une vraie volonté de rentrer de plein pied dans le projet », « en arrêtant la carrière professionnelle dans laquelle il était engagée, en s’inscrivant tout de suite à une formation agricole pour adulte d’un an » (pour bénéficier des aides à l’installation notamment) et « en manifestant une réelle volonté d’obtenir son diplôme et de s’installer direct derrière ».

« Tout mettre sur la table »

Après son apprentissage et quelque temps comme agent d’élevage, Jérémy Canivet a été salarié dans la laiterie qui collecte le lait d’Éric. Il a pris contact avec lui, et c’est comme ça que cédant et repreneur se sont rencontrés. Et comme « c’était une bonne ferme, avec une excellente génétique, des terres productives, une situation saine », Jérémy n’a pas hésité longtemps.

D’autant qu’il a bénéficié de « l’aide d’Éric » qui, « ouvert d’esprit », « n’a pas eu de mal à travailler avec un jeune ». D’abord, pendant son BPREA, il est venu faire ses stages chez l’éleveur. Quand on lui demande les secrets d’une association réussie, le futur retraité répond : « se mettre en mode associé le plus tôt possible », avant même de l’être, c’est-à-dire « laisser prendre des décisions au jeune qui démarre » et qui doit « pouvoir proposer, essayer pour se rendre compte par lui-même de ce qui est faisable ou pas ».

Il faut également « échanger, partager ses idées », ce qui permet « de ne pas s’endormir sur ses lauriers et d’apporter un coup de boost », le producteur ayant mis « les investissements en berne » pour « tout mettre sur la table » avec son successeur. Cela incite aussi « à se remettre en question et à s’améliorer pour aller chercher plus de valeur, plus d’avenir sur l’exploitation ».

« Aller de l’avant jusqu’au dernier jour »

L’avenir justement, pour le futur installé, c’est poursuivre son développement « en perfectionnant le troupeau et en reprenant 150 000 l de référence laitière », sans augmenter beaucoup l’effectif mais davantage la production par vache, pour ne pas trop accroître la charge de travail. Pour l’instant, il est « serein : accompagné par une personne expérimentée », il sera « bien lancé au moment de son départ en retraite ».

« Je n’ai pas envie de louper la dernière étape de ma vie professionnelle, insiste Éric, dont le métier a toujours été « une passion ». « Tous les matins, il s’est levé » avec le même plaisir pour l’exercer et « découvrir de nouvelles choses ». « En m’associant à Jérémy, j’apprends et je vais de l’avant jusqu’au dernier jour », conclut-il.

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Jérémy Canivet est désormais installé, depuis octobre dernier. Dans ce podcast, publié sur la chaîne Youtube de la FNPL, il explique comment s’est passée son installation et comment il a déjà fait évoluer la ferme :

Aujourd’hui, le jeune homme a fini ses études, réussi son examen et monté son dossier d’installation agricole. Depuis le 1er octobre 2022, il est officiellement installé et l’EURL de Hatteville est maintenant devenue le Gaec de la Huberdière. Mais combien de « démarches administratives il a fallu faire !, déplore-t-il. « Heureusement, nous nous sommes faits aider par un conseiller de gestion. » Autre point « compliqué », pour la même raison : « les investissements, très lourds au niveau administratif, tellement il y a de documents à fournir et d’intervenants ».

« Montrer que je sais gérer un troupeau »

Quatre mois après, l’heure est au premier bilan : Jérémy est content et même surpris que cela « se soit si bien passé ». « Au début, j’avais un peu peur de ne pas y arriver alors cela me donne de la confiance en moi », appuie-t-il. Surtout qu’Éric, lui, est « confiant et lui laisse le champ libre sur le troupeau ». Et il a bien fait : la productivité des vaches s’est accrue.

Avant de se retrouver seul à la tête de l’élevage, il voulait prouver au cédant qu’il était « capable de gérer un troupeau ». Il a donc fait évoluer certaines pratiques. La préparation au vêlage d’abord, en distribuant trois semaines avant une ration spéciale : du calcium, et beaucoup de fibres et du maïs « pour occuper la panse afin que les vaches aient une bonne capacité d’ingestion une fois en production ». Une « première étape », suivie de « l’amélioration de plein de petits curseurs ».

Résultat : les exploitants ont pas mal progressé en lait et sont passés « de 24 à 35 l de moyenne par vache ». Mais, du coup, les taux ont été dilués alors pour les faire remonter, ils font appel à un nutritionniste pour adapter la ration aux nouvelles performances. De plus, pour que les primipares produisent rapidement, et coûtent moins cher à élever, le jeune producteur a abaissé l’âge au premier vêlage de 31 à 23-24 mois. Enfin, il cherche « à saturer le robot, en utilisant de la semence sexée ». Son maître-mot : « optimisation ».