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Déprimage, fauche, temps de pâturage…

Les stratégies des éleveurs laitiers pour faire face au changement climatique


TNC le 30/11/2021 à 06:02
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Le déprimage a été avancé d'un mois ces dernières années. (©Pixabay)

Depuis cinq ans, les éleveurs pâturants ont dû trouver des stratégies afin de faire face aux caprices de la météo. Xavier Barat d’Innov-Éco 2 s’est plus particulièrement intéressé aux éleveurs laitiers bio du sud-ouest de la France. Déprimage et fauches précoces, temps de pâturage rallongé, etc., il revient sur les pistes adoptées par ces derniers.

Climatiquement parlant, 2021 s’est révélée favorable au pâturage. Les années qui l’ont précédée n’étaient pas dans la même lignée, avec notamment de grosses sécheresses l’été. Les éleveurs pratiquant le pâturage tournant dynamique (PTD) ont dû s’adapter face à ces changements climatiques. Comment ? C’était le thème du webinaire organisé par Solagro le 18 novembre dernier auquel participait notamment Xavier Barat, co-fondateur d’Innov-Éco 2, un bureau d’étude qui accompagne les agriculteurs dans la mise en place du PTD et de système de cultures sous couvert végétal. Il présentait notamment les résultats d’une étude menée auprès d’une vingtaine d’éleveurs laitiers bio du sud-ouest.

Déprimage et fauche précoces : deux stratégies adoptées

Plusieurs stratégies d’adaptation de la part de ces producteurs ont notamment été identifiées. Deux d’entre elles ont été validées par les élevages étudiés :

Des déprimages précoces

La mise à l’herbe a été avancée d’environ un mois ces dernières années : elle commence à partir du 15 février, ce qui permet d’obtenir 30 jours de pâturage supplémentaires au printemps. Les éleveurs prévoient par contre des temps de retour dans les pâtures plus longs qu’auparavant : ils sont passés de 30 à 50 jours. En 2020, le déprimage a ainsi duré 50 jours pour les éleveurs du sud-ouest concernés par l’étude.

Des fauches précoces dès la mi-mai

Deuxième adaptation constatée : la création de stocks sur pied estival en réalisant des fauches précoces. « Les éleveurs fauchent mi-mai pour avoir des stocks sur pied feuillus et de bonne qualité en début d’été : ils gagnent 20 jours de pâturage dans les zones séchantes (800 mm de pluie) et pour les zones humides (1 000 mm), ils ont des rotations longues de 45-50 jours en été », précise Xavier Barat.  

« Pour ceux qui ont une bonne accessibilité à l’herbe avec un foncier regroupé autour de l’étable, cela permet d’augmenter la surface herbagère accessible et de rallonger les cycles herbagers, et ainsi de prolonger les périodes de pâturage : ils peuvent obtenir 300 à 320 jours de pâturage sur l’année dans les zones humides, et entre 200 et 280 dans les zones séchantes », poursuit-il.

Des stratégies en expérimentation

D’autres stratégies sont en cours d’expérimentations par les éleveurs notamment sur la question de l’adaptation des prairies multi-espèces aux périodes séchantes. Xavier Barat identifie plusieurs problématiques autour de ce thème :

  • Comment créer des prairies multi-espèces sur une base fétuque, brome trèfle blanc, luzerne, lotier qui soient pérennes et qui permettent de prolonger les périodes de pâturage ?
  • Quelle part de légumineuses estivales doit-on mettre dans les assolements ? Et Xavier Barat de préciser : « La question de la luzerne redevient très importante dans les zones séchantes car elle permet un pâturage précoce de printemps sur des luzernes replantées en avoine. De plus, une troisième coupe de luzerne, en retardant le retour sur les prairies à pâturer, permet un pâturage de début d’automne »
  • Enfin, quelle place pour la chicorée plantain et quelle concurrence avec les graminées quand on les met en association dans des prairies multi-espèces ? « Certains élevages, avec de la chicorée plantain, gardent le cycle de repos des graminées : ils laissent 30-35 jours de repos entre chaque tour (et non 22 pour la chicorée) afin de ne pas détruire le stock de graminées ». 

Comment rallonger son temps de pâturage ?  Cette question est aussi au centre des préoccupations des éleveurs. Certains gèrent du stock sur pied sur prairies en été, mais ce qui veut dire une qualité alimentaire moindre. C’est donc adapté à des animaux aux faibles besoins, sinon une complémentation sera nécessaire.

Autre solution envisagée en zones de plaine, même séchantes, pour rallonger sa chaîne de pâturage : « faire des semis de méteil en octobre qui seront pâturés en début de saison (février, mars) en complément du déprimage, indique le co-fondateur d’Innov-Éco2. Derrière ces méteils, on peut refaire des cultures fourragères d’été (C4, sorgho fourrager avec trèfle) implantées en mai-juin et qui seront pâturées en rationné, en 2 ou 3 fois, entre juillet et octobre. Cela permet de retarder le temps de pâturage sur prairie, qui ne reprendra qu’en octobre, et d’avoir ainsi un stock recomposé à la sortie de l’été ».

« De la même façon, on peut envisager des semis d’opportunité en fin d’été sur des bases ray-grass ou colzas, qui seront pâturés en décembre-janvier sur des temps courts (3-4 h par jour), ce qui complète la ration hivernale ».

Des pistes à creuser : irrigation, sur-semis, agroforesterie fourragère…

L’irrigation est aussi une piste possible d’adaptation aux évolutions du climat, mais elle nécessite forcément un certain investissement. « Ce serait intéressant d’irriguer 4 à 5 ha de chicorée plantain pour permettre le pâturage sur l’été », précise Xavier Barat.

Enfin, pour finir, plusieurs expérimentations seraient, selon lui, à mener pour s’adapter au changement climatique dont :

  • Le sur-semis annuel de plantes C3 hivernales sur les prairies et de C4 annuelles estivales sur des prairies pérennes C3 : c’est pour le moment en test mais pas encore « calé ».
  • L’adaptation des mélanges prairiaux aux zones agroécologiques et aux variations climatiques.
  • L’agroforesterie fourragère.