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Système tout herbe, sans concentrés

V. Delargillière (60) : « Avec la sécheresse, je revois mes choix techniques »


TNC le 21/08/2020 à 06:03
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Quand on est en système tout herbe, sans céréales ni concentrés, la météo est scrutée avec attention car les conséquences d'une sécheresse peuvent être considérables. Vincent Delargillière, éleveur bio de 110 vaches laitières dans l’Oise, a dû faire face à cette situation cet été et prendre des décisions pour s’adapter. Il a également décidé de revoir certains choix techniques afin de mieux pouvoir faire face à ces sécheresses appelées à se répéter.

Présentation de l’exploitation :
Système conduit en bio depuis deux ans, tout herbe. L’hiver : foin et enrubannage.
123 ha : que des prairies permanentes. Aucune culture de céréales.
145 UGB : 110 VL, 29 génisses (vêlage deux ans) et 3-4 taureaux.
Vaches holsteins et croisement jersiais.
4 000 l en moyenne par vache
Vêlages groupés sur février, mars et avril.
Monotraite du 1er au 15 décembre – Pas de traite du 15 décembre au 1er février – Monotraite lors des 20 premiers vêlages puis à nouveau double traite.
2 UMO : Vincent et sa compagne Claire (salariée)
Projet d’un atelier transformation (beurre, fromage blanc, crème) pour 2021.

Installé à Pierrefitte-en-Beauvaisis, dans l’Oise, Vincent Delargillière est en système tout herbe, sans aucun complément (ni concentrés, ni céréales) et en bio. Alors autant dire que lorsque les périodes de sec s’éternisent, il est sur ses gardes. Et cette année tout particulièrement, le printemps sec l’a rapidement inquiété. « Dès début mai, j’ai commencé à me gratter la tête », explique cet éleveur de 110 vaches laitières.  

Tout avait pourtant très bien commencé en février. « Je fais des vêlages groupés de printemps, sur trois mois, de février à avril (85 % des vêlages ont lieu en février et mars et 15 % en avril). Dès que 20 vaches sont vêlées, elles commencent à sortir. Cette année, c’était aux alentours du 15-20 février. Elles sont donc au pâturage en journée et si les conditions le permettent, la nuit. En Pays de Bray, les sols sont assez portants », poursuit-il. 

« Dès qu’une vache vêle, il faut qu’elle mange le plus d’herbe pâturée possible, c’est ce qui coûte le moins cher », explique l’éleveur. « J’essaie de faire correspondre les besoins des animaux à la pousse de l’herbe ». À fin février, les 60 premières vaches fraîchement vêlées étaient donc en pâture. Mais les précipitations se sont faites rares dès la fin mars.

30 % de stocks en moins

« Début mai, j’ai préféré faucher tôt pour faire de l’enrubannage et avoir des stocks de qualité afin, éventuellement, de les redonner pendant l’été. J’ai donc enrubanné 10 ha sur des parcelles où j’avais prévu de faire du foin. »  Avec un de ses voisins en bio et qui fait du commerce de foin et de paille, il savait qu’il avait un moyen de se procurer du foin en cas de besoin. Avec le sec, le retour sur les pâtures se fait plus lent : 50 à 60 jours pour ne pas surpâturer. 

En fauchant les mêmes surfaces en foin et enrubannage qu’en 2019, il obtient 30 % de stocks en moins cette année. Et dès le 10 juin, il doit complémenter ses 110 vaches avec de l’enrubannage, alors que c’était plutôt vers le 15 juillet les années précédentes. D’abord une balle par jour, puis deux et trois depuis le 15 juillet.

« Pour être à l’aise, il me faut en stock 300 tonnes de matière sèche soit 2 tonnes par UGB. Cette année, je n’étais qu’à 1,3 t/UGB, c’est un peu juste même si ça peut passer. J’ai préféré jouer la sécurité et acheter 75 t de foin bio à mon voisin », explique Vincent.

Depuis le 10 juin, les vaches sont complémentées en pâture. (©Vincent Delargillière)

Au-delà du coût de cet achat, la sécheresse a aussi eu un impact sur sa production : « j’ai 1 000 l de lait en moins par ramassage par rapport à l’année dernière. En 2019, j’ai vendu 426 000 l de lait, et cette année je pense que ce sera 25 000 à 30 000 l de moins si on continue sur la même trajectoire ».

Tout cela amène Vincent à revoir certains choix techniques pour l’année prochaine. Il pense d’abord diminuer son nombre de vaches (5 à 8 animaux en moins) et de génisses. « Quand j’ai commencé à grouper les vêlages, j’avais dû augmenter le nombre de génisses car j’avais un taux de réforme plus élevé. J’élevais donc 40 génisses, puis 35, et aujourd’hui je suis à 29. Je ne pense pas pouvoir descendre en dessous de 25. » « Je veux réduire le taux de renouvellement de 20 à 25 %, c’est-à-dire réduire les UGB improductifs afin de garder les ressources fourragères pour les animaux productifs, les vaches », expose-t-il.

L’objectif est de réduire le chargement. Actuellement à 1,3 UGB par hectare, il aimerait arriver à 1,1. « Dans mon secteur, le potentiel des prairies est de 1,1 à 1,4 UGB par hectare, mais si on veut être autonomes, l’idéal est de se situer entre 1 et 1,1 », poursuit-il.

Objectif : 90 % des vêlages sur février et mars

Ensuite, il pense grouper encore davantage ses vêlages. Au 1er mai et pendant trois semaines, il insémine toutes les vaches et génisses en chaleur et les taureaux prennent ensuite le relais. Cette année, il les a retirés des pâtures au 20 juillet plutôt qu’au 1er août. « Lorsque les vaches vêlent après le 20 avril, c’est trop tard dans notre système tout herbe. Le temps qu’elles démarrent leur lactation, elles arrivent à leur pic en juin au moment des fortes chaleurs et donc elles font moins de lait. On fait 60 % du volume de lait sur quatre mois, jusqu’au 1er juillet, donc l’idée est de faire vêler plus tôt pour faire le maximum de lait au printemps. L’idéal serait d’avoir les derniers vêlages au 10 avril et d’avoir 90 % sur février et mars », planifie l’éleveur brayon.

Enfin, il pense acheter chaque année 20 t de foin à son voisin afin d’avoir un stock de sécurité.

Sur le long terme, il veut continuer à planter des arbres et des haies : « Mes parcelles les plus ombragées se dessèchent beaucoup moins et les animaux sont mieux en cas de fortes chaleurs, constate-t-il. Tous les ans, je replante des pommiers haute tige, des châtaigniers, des haies… dans mes parcelles qui étaient auparavant en céréales. Ma laiterie, Lactalis, me donne d’ailleurs des aides en ce sens. » 

Et quand on lui parle de luzerne ou de chicorée, il est catégorique : « Moi je ne crois pas aux plantes miracles face à la sécheresse. Quand il fait chaud et sec, rien ne pousse. Une prairie naturelle avec du trèfle est très bien adaptée… ça repart dès qu’il y a un peu de pluie ». 

À gauche, une prairie de Vincent en juillet. À droite, une photo du 20 août 2020, après 55 mm de pluie. (©Vincent Delargillière)

Pour cet automne-hiver, Vincent n’est finalement pas très inquiet. Il faut dire que les 55 mm tombés depuis dix jours y sont pour beaucoup. « Il y a de bonnes repousses, de qualité, ça reverdit vite. Je continue à tourner lentement en complémentant pour que l’herbe reprenne le dessus et pour continuer le pâturage le plus longtemps possible. En ayant eu de l’eau au 15 août et moins de chaleur, on peut avoir une très bonne repousse, comme un second printemps au mois de septembre. C’est bien parti pour. Et pourquoi pas un rattrapage de la production sur l’automne ? »

À lire aussi sur le pâturage d’automne : Profitez de l’herbe pour économiser de la ration hivernale

Il est donc moins pessimiste qu’il y a dix jours. D’autant qu’il lui reste un dernier levier à actionner si la situation ne s’améliore pas. « La semaine prochaine, je fais les échographies. Les vaches ou génisses vides pourront partir plus tôt, dès l’automne, alors que d’habitude je peux traire les vaches jusqu’en décembre. Cela permettra de diminuer la demande en fourrage pour l’hiver. »