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Après-quotas laitiers

Une concurrence accrue qui amplifie les différences


TNC le 12/03/2020 à 18:45
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Des exploitations laitières françaises « plutôt moins exposées que leurs collègues d’Europe du Nord », selon l'Idele. (©TNC)

Depuis la fin des quotas laitiers en 2015, les pays d'Europe du Nord ont choisi des orientations différentes. Alors que certains pays ont poursuivi leur expansion laitière, d'autres ont du rapidement stopper leur croissance, à l'instar de la France, qui semble bien être la seule à ne pas avoir tiré parti de la suppression des quotas laitiers, d'après l'Idele.

Après 31 ans d’existence, les quotas laitiers ont disparu de l’Europe le 31 mars 2015 à minuit. Malgré une préparation de longue date, cette décision a été lourde de conséquence pour les éleveurs d’Europe du Nord. Elle a provoqué une amplification de la concurrence, ce qui a accentué les différences entre les différents pays européens. C’est ce qu’affirme l’Idele, qui a réalisé un « diagnostic micro-économique précis » sur la manière dont les exploitations laitières de six pays européens, dont la France, ont traversé la seconde crise laitière, après celle de 2009.  

Les pays ont géré différemment l’après-quotas. Après le boom de production et face à la crise laitière qui se prolongeait, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne ont rapidement été contraints de stopper leur croissance, que ce soit à cause des transformateurs ou d’impératifs environnementaux. En revanche, l’Irlande, la Pologne et le Danemark ont poursuivi leur expansion laitière.

Mais de manière générale, face à la montée des préoccupations environnementales, les transformateurs, qui sont majoritairement coopératifs en Europe du Nord, « privilégient désormais la création de valeur, pour se démarquer de la concurrence et répondre aux attentes des marchés européens et internationaux », plutôt que la croissance des volumes.

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Une évolution de la production laitière différente selon les pays

  • France

Si les exploitations laitières françaises « ont été plutôt moins exposées que leurs collègues d’Europe du Nord », elles sont également « les seules qui n’aient pas tiré parti de la suppression des quotas laitiers », affirme l’Idele. Elles se retrouvent en bas voire en milieu de tableau, dans le meilleur des cas, des performances selon les indicateurs qui ont été comparés.

  • Allemagne

« Malgré une forte exposition aux marchés des produits laitiers, les éleveurs ont pu compter sur le soutien des pouvoirs publics », et notamment une coopération du secteur bancaire. Des moyens importants ont été mobilisés pour venir en aide aux producteurs. La crise a néanmoins fragilisé les coopératives qui avaient opté pour une stratégie basée sur la croissance des volumes, ce qui les a conduits à revoir leur copie et s’orienter davantage vers la recherche d’une plus forte valeur ajoutée.

  • Pays-Bas

« Après l’euphorie de la fin des quotas laitiers », les éleveurs ont dû « se conformer aux règlementations environnementales européennes très contraignantes », qui ont plafonné la production laitière du pays. Les transformateurs ont ainsi été contraints de s’axer encore plus sur la création de valeur ajoutée alors que « les éleveurs bénéficient déjà d’une très bonne valorisation de leur production ».

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  • Irlande

Grâce à un « modèle de production low cost, solide et performant », les éleveurs dégagent des « revenus confortables », de l’ordre de plus de 50 000 €/UTA de revenu courant avant import sur la période 2013-2017. « Plus sensible aux aléas climatiques qu’à l’instabilité des marchés, l’Irlande dispose encore de marges de croissance ». Mais pour limiter l’impact sur l’environnement et ne pas ternir l’image du pays, « les transformateurs visent désormais la création de valeur combinée à une croissance plus modérée ».

  • Danemark 

La situation financière des exploitations s’est encore dégradée, mais « le potentiel de production a été consolidé ». D’après l’Idele, « les banques organisent la reprise des élevages en situation de faillite qui passent sous la tutelle d’exploitations plus solides et performantes ». De nouveaux modèles agricoles émergent dans le pays, notamment des sites de production plus grands, avec des centaines de vaches et de nombreux salariés, ainsi que des modèles basés sur la diversification (énergies renouvelables).

  • Pologne

Le dynamisme de la production laitière, boostée depuis l’adhésion du pays à l’Union européenne en 2004, n’a été affectée que de façon marginale. « La production laitière compte de nombreux leviers pour poursuivre son expansion, d’autant plus que les transformateurs disposent d’outils modernes et sous-utilisés, adaptés au marché des commodités bon marché ».

Un après-quotas douloureux

Que ce soit en Allemagne, France, Pays-Bas, Pologne ou encore Danemark, la plupart des éleveurs « avaient investi dans des capacités de logement supplémentaires » pour les animaux, ce qui a fait décoller la production laitière avant même l’échéance de 2015 et a engendré un afflux massif de lait inondant les marchés mondiaux.« Délivrés de l’encadrement de la production, les éleveurs avaient alors individuellement intérêt à poursuivre leur croissance pour saturer leurs capacités de production et ainsi diluer leurs charges de structure ».

Mais au même moment, les marchés se sont heurtés au « ralentissement imprévu de la demande chinoise et à l’embargo russe ». Face à la baisse de la demande, ce surplus de lait à conduit à la baisse des prix et au déclenchement d’une crise laitière. Mais il a fallu un bon moment pour entamer le dynamisme de la production de ces pays, devenus dès lors de féroces concurrents.