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France/Allemagne/Autriche

Tous perdants sur le prix du lait malgré un paysage laitier très différent


TNC le 25/09/2019 à 08:00
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Principaux chiffres concernant la production laitière en France, Allemagne et Autriche. (©nelsonaishikawa, Fotolia // Création TNC)

En 2015, trois établissements publics allemand, autrichien et français (FranceAgriMer) ont signé un accord de collaboration afin d'échanger des données technico-économiques sur leurs marchés agricoles, laitiers notamment. Celui-ci donne lieu à un rapport annuel commun sur la collecte, le prix du lait et sa transformation pour les filières conventionnelle et biologique. Le dernier en date concerne les années 2014-2016 et permet de comparer l'impact de la crise laitière dans ces trois pays.

Cheptel national et collecte laitière, nombre d’élevages, taille des exploitations, effectif moyen des troupeaux, production par vache, destination et prix du lait… le paysage laitier est bien différent entre l’Allemagne, la France et l’Autriche. Qu’en est-il de l’incidence de la crise laitière et de la suppression des quotas ?

Pour répondre à cette question et comparer plus précisément l’élevage et la production de lait de ces trois pays, trois organismes publics allemand (Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung), autrichien (Agrarmarkt Austria) et français (FranceAgrimer) travaillent depuis quatre ans en étroite collaboration et partagent leurs données techniques et économiques sur les marchés laitiers. Lesquelles sont compilées, chaque année, dans une publication commune. La dernière parue porte sur la période 2014-2016.

Lire aussi : Conjoncture laitière − Le contexte géopolitique amène de l’incertitude sur les marchés

Grands élevages en Allemagne / diversifiés en France / de petite taille et de montagne en Autriche

Sans surprise, l’Allemagne est le premier producteur de lait de ces trois pays (et d’Europe d’ailleurs) avec 32,7 Mt produites en 2016 contre 24,7 Mt en France (2e producteur européen) et 3,63 Mt en Autriche. Son cheptel regroupe en effet 4 217 700 vaches laitières comparé à un peu plus de 3 millions pour la France et 530 000 en Autriche. Elle totalise également 67 319 exploitations, situées principalement dans deux régions, la Basse-Saxe au nord-ouest et la Bavière au sud.

Retrouvez une autre étude de FranceAgriMer : Produits laitiers − Les exportations françaises ont progressé de 128 % en 30 ans

Alors que la France en compte 59 000 réparties sur plusieurs régions, même si le nord-ouest concentre une bonne partie de la production, et surtout trois zones différentes : « les montagnes et piémonts avec de fortes contraintes naturelles qui limitent la taille des élevages et imposent une alimentation basée sur l’herbe », les grandes plaines avec de grosses structures et des aliments plus variés (dont une part importante de maïs ensilage), les plaines « de densité laitière plus faible où la production laitière est associée à une autre activité et parfois concurrencée » par les cultures. Une grande « diversité de territoires » qui explique celle des fermes laitières françaises.

100 t de lait/ferme/an en Autriche, 4 fois plus en Allemagne

L’Autriche, elle, ne compte que 29 500 exploitations, localisées à 90 % en zone défavorisée, c’est-à-dire isolées en altitude et sur des terrains escarpés avec une période de pousse de l’herbe très courte. Ainsi, malgré de profondes évolutions au cours des dernières décennies, celles-ci restent plutôt traditionnelles et de petite taille : 18 vaches laitières en moyenne (x 2 par rapport aux années 2000) contre 60 en Allemagne (et jusqu’à 188 dans l’est du pays) et 50 en France. Le niveau d’étable n’est pas non plus le même dans les trois pays : 100 t de lait sont collectées chaque année par exploitation en Autriche contre 450 t en Allemagne et la production annuelle par vache s’établit respectivement à 6 500 et 7 746 kg (6 800 kg en France). Le nombre d’élevages, par contre, diminue partout et de manière plus flagrante en Allemagne : – 8 % entre 2014 et 2015 contre – 4 % en France et – 3 % en Autriche.

À noter : 2 % seulement de la production laitière allemande est biologique, soit le même pourcentage qu’en France, où le volume de lait bio produit a augmenté de 140 % entre 2006 et 2016. En Autriche, la filière bio est plus présente (12 % du lait produit) et le lait de foin assez répandu (420 000 t/an) alors qu’il commence à se développer en France. Quant à la vente directe, elle représente 2 % de la production laitière allemande et 1,4 % en Autriche, où elle est cependant une deuxième source de revenu essentielle pour les producteurs, qui créent « des produits innovants comme le yaourt au cornouiller sauvage, les boulettes de fromage pimentées, aux fines herbes et marinées dans l’huile ou des parfums de glace originaux ». En France, 8 % des fermes laitières vendent leurs produits en direct.

Fin des quotas : hausse de la collecte en Allemagne et Autriche

Au niveau de la collecte laitière, les laiteries sont beaucoup plus regroupées en Allemagne qu’en France (195 entreprises contre 350) mais elles appartiennent à des groupes figurant parmi les leaders mondiaux : Lactalis (le numéro 1), Danone, Sodiaal, Savencia et Bel. L’Autriche, elle, ne possède que 86 entreprises sur son territoire. La collecte laitière allemande progresse depuis 2014 et a augmenté de façon très marquée en 2016, suite à la suppression des quotas en avril 2015, pour atteindre le niveau record de 2,8 Mt en un mois, en mai.

La progression est encore plus importante en Autriche, passant de 3,06 Mt en 2014 (première année où elle dépassait les 3 Mt) à 3,63 Mt en 2016. La dernière année avant la fin des quotas laitiers, le pays était déjà en dépassement de 160 000 t. En France au contraire, la collecte stagne car « elle reste encadrée par des contrats entre les producteurs et les laiteries et, en réaction à la crise laitière et à la chute des prix, les industriels ont préféré réduire leur demande afin d’essayer de limiter le déséquilibre sur le marché ». De plus, « la chute des prix du lait n’a pas encouragé les producteurs à produire. » À cela s’ajoute la sécheresse de l’été 2016 qui a entraîné une pénurie de fourrage et ralenti la production.

294,5 €/1 000 l en France, 270 € en Autriche et 231 € en Allemagne

Concernant le prix du lait (à taux réel en graisse et protéine), il a reculé en Allemagne de 425 €/1 000 l en moyenne en 2013 à 278 € en août 2015 en raison de la forte hausse de production consécutive à l’arrêt des quotas et au repli des exportations vers la Russie. Le prix le plus bas est atteint en 2016, 231 €/1 000 l.

Yves Legros affirme que l’objectif de Sodiaal est de payer les producteurs 400 € les 1 000 litres de lait !

Un peu moins élevé en France en 2014 (400 €/1 000 l), le prix du lait s’est « dégradé progressivement », d’abord à cause « du recul de la demande internationale » puis « du développement de la collecte mondiale surtout dans l’Union européenne », qui « a renforcé le déséquilibre entre l’offre et la demande » et a « conduit à une chute marquée et durable du prix lait ». Le niveau minimum est enregistré en juillet 2016 : 294,5 €/1 000 l. En Autriche enfin, les 1 000 l de lait sont payés au prix record de 395 € en 2014 mais là encore, la suppression des quotas l’a fait baisser jusqu’à 270 € en juin et juillet 2016.

Côté utilisations, 60 % de la production allemande part en lait de consommation, 30 % est transformée en fromage, 6 % en beurre et 4 % en poudre de lait écrémé. Alors que le lait de consommation ne représente que 26 % des débouchés de la production autrichienne, et uniquement 10 % de la production française. Dans ces deux pays, la transformation fromagère est prépondérante : 37 % et 36 % respectivement. La poudre de lait écrémé, qui équivaut à 9 % des utilisations du lait français, « n’a jamais joué un rôle important en Autriche ».