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Gaec Collin-Berrée (35)

Un double objectif : réduire les phytos et la charge de travail sur l’élevage


TNC le 28/09/2020 à 06:02
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Julien Collin témoigne de ses pratiques pour réduire le recours aux produits phytosanitaires sur son exploitation en polyculture élevage. Autre challenge pour l'éleveur : réduire la charge de travail en vue du départ en retraite de ses parents qui approche.

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C’est en 2007 que Julien Collin a rejoint ses parents et son oncle sur l’exploitation familiale : le Gaec Collin-Berrée, situé à Bédée (Ille-et-Vilaine). Il s’agit d’une ferme de polyculture élevage de bovins laitiers et de canards sur 145 ha. Particularité de la structure : elle comprend trois sites dont le plus éloigné se situe à 45 km du corps de ferme principal. « On y élève les génisses : elles partent à 4 mois et reviennent 1 mois avant le vêlage », explique l’éleveur.

Le Gaec Collin-Berrée en quelques chiffres :
4 associés
145 ha dont 40 ha de maïs, 40 ha de céréales et le reste en herbe
90 vaches laitières – 800 000 l de lait
2 bâtiments de canards (800 m2 au total)
3 sites d’exploitation dont le plus loin à 45 km

Depuis son installation, Julien a deux objectifs en tête : réduire l’utilisation de produits phytosanitaires et limiter la charge de travail de chacun des associés. Depuis plus de 10 ans maintenant, les quatre membres de la famille ont enclenché quelques modifications dans leur système pour y parvenir…

« Un binage vaut deux arrosages »

« Nous avons commencé par signer un MAE en 2009 pour la réduction des herbicides sur cinq ans. En 2014 en revanche, nous ne nous sommes pas réengagés dans les MAE car on y trouvait beaucoup trop de contraintes avec des contrôles et des versements qui arrivaient bien trop tard. Pour autant, on souhaitait garder le cap et poursuivre dans la réduction des phytos. Nous sommes alors entrés dans un groupe Dephy et les échanges nous ont bien aidés à avancer », explique Julien.

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L’exploitation s’est notamment tournée vers les mélanges variétaux pour les semis de blé et est parvenue à réduire l’utilisation des herbicides en travaillant surtout le sol en sortie d’hiver, notamment grâce à la bineuse pour laquelle ils ont investi en 2011. « Aujourd’hui notre IFT est d’1,13 contre 1,25 il y a six ans. Ce n’est pas une énorme baisse mais ça compte pour nous. »

Dans les cultures, l’herbe a fait son grand retour. « Son intérêt est double sur la réduction des intrants en culture comme dans l’élevage (plus d’autonomie alimentaire). » Et il en a conscience, « c’est plus facile de mettre tout ça en place sur une ferme d’élevage car on peut valoriser les fourrages. Pour d’autres voisins, c’est plus dur. » La ferme tourne alors sur deux rotations :

– pour les parcelles où le pâturage est possible (25 ha accessibles), c’est cinq années d’herbe et une année de maïs ;

– pour celles plus éloignées, c’est 18 mois d’herbe (mélange RGI + trèfle), puis maïs et blé.

Julien pratique alors le sans-labour « dans la mesure du possible ». Et il précise : « C’est du sans-labour, pas du semis simplifié. » Même chose pour les maïs, il fait l’impasse sur le désherbage chimique tant que faire se peut. « Derrière la prairie qui aura reçu du lisier, on détruit avec un outil à disques puis un cultivateur et enfin un fissurateur pour travailler au minimum le sol. Pas de glyphosate ! Cette année, on n’a pas pu biner les maïs à cause de la météo mais le seul désherbage chimique réalisé tardivement à 6-7 feuilles a suffi. »

Après les 18 mois d’herbe, cette parcelle sera travaillée mécaniquement sans labour pour y semer du maïs ensuite. Le maïs quant à lui ne devrait être désherbé qu’avec un passage de houe rotative puis d’une bineuse. (©TNC)

L’éleveur estime avoir mûri quant à sa façon de faire. Il cite à titre d’exemple : « Avant, il était hors de question de voir un brin d’adventices dans nos blés. Aujourd’hui, on a des repousses de ray-grass et ça ne nous gène pas car ça n’impacte pas le rendement. » Même attitude pour les fongicides : « Ce n’est pas automatique. Cette année, un seul fongicide sur blé a suffi. » 

En ce qui concerne le binage, il avoue : « Ça prend certes du temps mais l’intérêt agronomique est là. On connait tous l’expression : un binage vaut deux arrosages ! » S’il n’est pas fermé à l’idée de convertir la structure en bio, Julien a encore quelques incertitudes et ne veut pas se retrouver coincé par la filière.

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« Un travail pour vivre et non pas vivre pour son travail »

Deuxième grand objectif du Gaec Collin-Berrée : limiter le temps de travail par associé. Pour cela, l’exploitation a recours à la Cuma. Et en 2014, le choix a été fait d’installer deux robots de traite Delaval. « Mes parents présentaient des troubles musculo-squelettiques et je sentais que ça arrivait déjà pour moi aussi. Alors certes, avec 90 vaches pour deux robots, ils ne sont pas saturés mais ça nous donne plus de flexibilité et moins de stress en cas de panne. »

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Autre changement : le passage d’un système fumier au lisier raclé. « On a fait ce choix pour gagner en confort de travail mais aussi parce que le lisier est plus facile à stocker que le fumier, dont la réglementation peut encore changer… » C’est aussi moins de manipulations (pas de reprises) puisqu’une fois sorti de la fosse, le lisier est épandu sur les prairies et le maïs. « On réfléchissait aussi à un projet de méthanisation mais ça n’aurait pas été viable économiquement parlant. »

René et Régine, les parents et associés de Julien, partiront en retraite d’ici un an et demi. Il faut donc anticiper leur départ : « À quatre, la structure est correcte mais demain à deux, la charge de travail sera trop importante. » L’atelier canard (comprenant un premier poulailler monté en 1987 puis le second en 92), qui à l’époque visait à diversifier la structure, devrait donc être supprimé. « Les bâtiments ont bien vieilli, et le travail y est très chronophage et pénible. De plus, le cours du canard n’est plus du tout ce qu’il était… »

« Pour l’atelier lait comme pour la volaille, on aurait pu embaucher au lieu de mettre des robots ou d’arrêter, mais la main d’œuvre devient vraiment compliquée à trouver en élevage. » Et Julien est certain d’une chose : « Je veux vivre de ma passion, pas pour ma passion. Je suis comme tout le monde : j’ai une vie de famille à côté, des loisirs. On a tous besoin de se dégager du temps. »