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Reportage à l'EARL Destombes (59)

SCL, Cuma de désilage, magasin de producteurs… les associés jouent collectif !


TNC le 04/07/2022 à 09:58
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Le parcours extérieur pour les génisses et vaches taries (les VL à la traite restent en bâtiment toute l'année). (©TNC)

Création d'un Gaec entre tiers, transformé ensuite en EARL familiale, puis d'une SCL (société civile laitière) avec d'autres élevages, adhésion à une Cuma pour la plupart des matériels et mise en place d'une Cuma de désilage, lancement d'un magasin de vente directe avec 30 producteurs et 20 salariés... Christophe Destombes et deux de ses enfants, devenus ses associés, aiment travailler en collectif ! Leurs motivations sont multiples : qualité de vie, réduction des coûts et accès à des équipements performants, échanges entre agriculteurs, pérennisation et transmission plus facile des exploitations.

Le travail en équipe : ici, toute une histoire…

Tout commence, en 1960, avec la création à Quesnoy-sur-Deûle dans le Nord, d’un Gaec partiel entre éleveurs laitiers, amis de la Jac (Jeunesse agricole catholique). Christophe Destombes s’y installe en 1987. En 2003, le Gaec se sépare et un Gaec partiel est mis en place, pour la production laitière uniquement, avant de devenir en 2008 une SCL (société civile laitière) avec deux éleveurs, en individuel. Aujourd’hui, l’un d’eux, Olivier Fagoo, est associé dans la SCL La Cordée avec l’ EARL Destombes, composée de Christophe, sa fille Anaïs et l’un de ses fils Quentin, le second ayant choisi une voie non agricole. L’exploitation familiale détient désormais 75 % des parts et la Ferme des trois ballots 25 %.

Pourquoi une SCL ?

Pourquoi cette volonté de regrouper l’atelier lait avec ceux d’autres élevages, au sein d’un Gaec partiel puis d’une SCL ? «  Le gros avantage : n’avoir en commun que l’activité laitière justement, répond Christophe Destombes. Et pas les productions à côté : la pomme de terre, la rhubarbe, le potiron chez nous ou les porcs pour Oliver Fagoo. D’une part, leur conduite est spécifique. De l’autre, les plus ou moins values n’impactent ainsi que les producteurs concernés. »

Autre intérêt : une personne en plus pour s’occuper des vaches, et notamment pour la traite. D’où la possibilité de se dégager plus de temps pour les engagements extérieurs (Jeunes Agriculteurs et Chambre d’agriculture pour Quentin, magasin de producteurs pour Anaïs et Cuma) ou les loisirs, de prendre davantage de vacances et de n’être d’astreinte qu’un week-end par mois (et en support si besoin un second). « Le planning des week-ends est fixé à l’année pour pouvoir anticiper, mais ce n’est pas gravé dans le marbre, on peut changer bien sûr », détaille Christophe.

La qualité de vie a toujours été un objectif.

Un associé supplémentaire permet aussi de se remplacer en cas de problème. « La qualité de vie a toujours été l’un des principaux objectifs de l’élevage », appuie-t-il. Le but derrière : la préserver si l’un des membres de la SCL venait à partir. Les éleveurs citent encore d’autres points forts : le partage des responsabilités et de la charge mentale mais également les échanges sur la conduite technico-économique de l’élevage.

Comment fonctionne la SCL La Cordée ?

Quelques précisions : chaque élevage apporte des fourrages à la SCL ou plutôt celle-ci les leur achète : 550 €/ha pour le maïs ensilage et 1 100 €/ha pour l’ensilage d’herbe (prix sur pied) entre autres. Pour la paille, les surfaces ne sont pas suffisantes et la SCL a recours à des échanges paille-fumier avec d’autres exploitations, à raison de 1 t de paille (pressage paillé par l’EARL) contre 4 t de fumier (épandage paillé par Olivier).

Performants ensemble !

Au niveau de l’organisation du travail, Christophe et Warren sont presque à 100 % sur l’activité laitière − Christophe en est d’ailleurs responsable −, Anaïs à 20 % et Quentin à 15 %. Les productions végétales sont gérées par Quentin et les activités de diversification par Anaïs. « Chacun a ses domaines de compétences et de responsabilités. On ne peut pas tous être performants partout. Avec cette répartition, on est performant ensemble ! », fait remarquer Christophe.

Tout le matériel en Cuma ou presque,
y compris la désileuse

Christophe et ses associés ne font pas que travailler à plusieurs au sein de l’EARL et de la SCL. Ils adhèrent à la Cuma de la Croix-au-Bois, l’une des plus anciennes du département du Nord. Ainsi, seuls un télescopique, la pailleuse et le rabot appartiennent à l’exploitation. « Grâce à la Cuma, on a accès à des équipements récents, régulièrement renouvelés, bien dimensionnés et confortables, à des tracteurs de 100 à 250 ch avec climatisation et GPS par exemple. D’où moins de fatigue après de longues journées de travail !, met en avant Christophe. La valeur du matériel qui vient ici dépasse 1 M€ ! Avec mes deux enfants qui viennent de s’installer, un tel investissement n’aurait pas été possible. »

L’équivalent d’1 M€ d’investissement.

La SCL La Cordée partage même la désileuse, une automotrice de 21 m 3, avec quatre autres fermes. Trois chauffeurs, dont Quentin pour 33 % du temps (soit 2 à 3 jours/semaine), se relaient pour alimenter les quatre troupeaux laitiers, soit 280 VL au total, 1 fois/jour l’été (1 jour/2 pour les génisses et les taries) et 4 fois/semaine en hiver. « Nous avons préféré cette solution à un robot d’alimentation. La tournée de désilage dure 1 h 30, de 10 à 11 h 30 », explique le producteur. L’atout majeur : un coût de désilage maîtrisé et « des vaches nourries à la bonne heure avec une ration de qualité même en cas d’imprévu ».

120 VL alimentées en 20-30 min, pour 19 €/1 000 l.

« Nous nourrissons 120 vaches en 20-30 minutes pour 19 €/1 000 l, main-d’œuvre comprise et au prix actuel du gasoil (lequel représente un tiers du coût d’affouragement). Nous n’avons qu’à préparer le silo, les doses de concentrés et les seaux de minéraux. » La Cuma effectue également le pressage et l’enrubannage d’herbe et possède un hangar de stockage de pommes de terre (une case par producteur). Pour l’ensilage et le tassage du maïs en revanche, les éleveurs font appel à une ETA.

La Cuma de La Croix-au-Bois et ses nombreux matériels. (©TNC)

« Travailler en groupe : une habitude,
voire un état d’esprit »

Côté travail en groupe, les parents de Christophe ont été à l’initiative, dès 1986 avec cinq exploitants agricoles, de la coopérative Au panier vert, un point de vente collectif de produits fermiers à 500 m du corps de ferme. Chaque adhérent doit fournir 1 h de main-d’œuvre par semaine au poste de son choix (transformation, vente, nettoyage). Dernier projet en date à plusieurs agriculteurs, de 7 structures différentes, lancé en 2019 : une unité de méthanisation avec injection de biométhane, pas production d’électricité, afin de valoriser les effluents d’élevage.

En résumé : le mot « collectif » est dans la génétique de l’exploitation. « C’est une habitude, un état d’esprit, confirme Christophe. L’important, c’est la vie du groupe, l’échange et le respect entre les personnes. Le vivre ensemble pour que tout le monde soit gagnant, car c’est bien l’objectif, afin de pérenniser les fermes. » Et « les garder à taille humaine, avec des investissements modérés, pour les transmettre plus facilement », ajoute-t-il.

Que tout le monde soit gagnant !

En parlant de transmission d’ailleurs, pour Christophe, c’est dans trois ans. « Ce sera à mes enfants de dire ce qu’ils veulent, un salarié ou un associé, pas à moi d’imposer quoi que ce soit. Avec la problématique des week-ends, du remplacement, des responsabilités, aucune de ces alternatives n’est simple… » Autre piste envisagée : déléguer les cultures pour que Quentin revienne plus sur l’élevage. 

Christophe espère que le travail collectif (SCL, Cuma…) permettra de transmettre plus facilement des fermes à taille humaine, avec des investissements limités. (©TNC)