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Témoignages d'éleveurs

« Nous avons arrêté de traire le dimanche soir pour gagner en qualité de vie »


TNC le 27/11/2020 à 06:02
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À l’année ou sur quelques mois, des éleveurs choisissent de supprimer la traite du dimanche soir pour se dégager du temps libre. Yoann ou encore Béatrice l'ont fait et ne reviendraient pas en arrière. De son côté, Jérémy Cerclet d'Eilyps donne quelques conseils pour franchir le pas.

Pour les vaches de Yoann Gorieu, installé à Acigné (35), dormir dehors va de pair avec 13 traites par semaine. « Sur la dernière campagne, j’ai diminué ma production car ma laiterie nous encourageait à réduire les volumes, explique le producteur. Avec des vaches moins sollicitées, j’ai eu envie d’arrêter de traire le dimanche soir pour gagner en qualité de vie. »

« À cause de la tempête, les vaches ont passé 23 h sans être traites. Comme ça s’est bien passé, nous avons recommencé, puis nous avons définitivement supprimé la traite du dimanche soir.« 

Avant de se lancer, il a échangé avec des collègues de son Ceta qui ne traient plus le dimanche soir, notamment Béatrice Thomas. « Nous avons supprimé une traite fin 1999, confirme l’éleveuse d’Ercé-près-Liffré (35). Nous avons commencé le jour de Noël pour passer du temps avec notre fille le matin et profiter de la famille l’après-midi. » C’était sans compter sur la fameuse tempête de 99. « Le temps que l’électricité revienne, on a pu remettre en route la salle de traite que le lendemain à 11 h et non à 7 h comme prévu, se souvient l’éleveuse. Les vaches ont passé ces 23 heures sans être traites, sans souci. Du coup, on a recommencé pour le 1er janvier. Ensuite, c’est la traite du dimanche soir que nous avons supprimée et nous n’avons jamais repris depuis 1999. »

13 traites par semaine : un rythme à trouver

« Le nombre d’éleveurs qui ne traient pas le dimanche n’est pas en augmentation, constate Jérémy Cerclet, conseiller d’élevage chez Eilyps. En effet, dans les exploitations avec plusieurs actifs, la possibilité de se relayer le week-end réduit l’intérêt de sauter une traite. C’est un choix fait principalement dans les exploitations en individuel ou en couple, pour arriver à se dégager du temps. »

« Durant les 6 mois où les vaches dorment dehors, je ne trais plus le dimanche soir.« 

Tenté par cette possibilité de lever le pied, Yoann Gorieu craignait de voir apparaitre des problèmes sanitaires. « Dans mon bâtiment en logettes avec de la farine de paille, je me demandais comment ça allait se passer avec des pertes de lait », reconnait l’éleveur. Il décide donc de ne pas traire le dimanche que sur la période où les vaches dorment dehors. « Cette année, j’ai commencé le 5 avril. Je garde ce rythme 6 mois sans souci », apprécie-t-il.

Pour que le saut d’une traite ne perturbe pas trop les vaches, on conseille d’avoir au maximum 20 à 21 h entre la traite du dimanche matin et celle du lundi matin. « Mes vaches ont l’habitude des horaires variables, s’amuse Yoann Gorieu. On est trois à traire : ma salariée, mon apprenti et moi. C’est le trayeur qui choisit son horaire. »

« Si on ne trait pas le dimanche soir, autant supprimer la buvée des veaux.« 

Autre recommandation : celle de ne pas distribuer de ration le dimanche soir. « En hiver, on passe quand même repousser l’ensilage. Les vaches en première lactation grognent un peu », reconnait Béatrice Thomas. « Quitte à ne pas traire, il faut aussi supprimer la buvée pour les veaux conseille Jérémy Cerclet. Ça a le mérite de les inciter à consommer plus d’aliments. »

Attention aux cellules !

« Les vaches sont des animaux d’habitudes. Quand on change quelque chose, comme le rythme de traite, ça peut avoir un impact sur la production et la qualité », prévient le conseiller.

S’il est normal que le taux cellulaire augmente le lendemain du jour à une seule traite, le passage à 13 traites hebdomadaires ne peut s’envisager que pour un troupeau avec une bonne situation cellulaire. « On donne souvent comme repère d’avoir moins de 200 000 cellules au tank », synthétise Jérémy Cerclet. Plus le niveau de production est élevé, plus la suppression d’une traite peut être délicate.

Conseil : ne pas dépasser 20 à 21 h entre la traite du dimanche matin et celle du lundi matin.

Comme le fait Yoann, il peut être plus simple de commencer au printemps ou en été, quand les vaches dorment dehors, car il y a moins de risque sanitaire dû à des couchages souillés par les écoulements de lait. Il faut être vigilant sur l’hygiène des zones de couchage. « Avoir des logettes toujours propres et paillées limite les risques » confirme sa collègue.

Une traite en moins : quel impact sur la paie de lait ?

La traite non faite le dimanche ne sera pas entièrement compensée par plus de lait à celle d’après. Il faut s’attendre à une baisse du volume de production de 3 à 5 %. Et comme dit précédemment, il y a aussi un impact sur la qualité du lait. « Quand on se lance, pendant un à deux mois, il y a une dégradation de la qualité, ne cache pas l’expert d’Eilyps. Après, la situation se stabilise avec juste une hausse des cellules sur les lundis et mardis. »

« La perte de lait représente 64 €/semaine, récupérés sur les heures de travail en moins pour la salariée.« 

« Je perds 200 litres de lait par dimanche en monotraite, chiffre Yoann Gorieu. Les taux du lundi sont meilleurs mais ça ne compense pas. Mais 200 litres, ça représente 64 €. Si je mets en face un coût horaire de ma salariée à 20 € de l’heure, cela représente 3 heures et demi de travail. Si elle ne vient pas travailler le dimanche après-midi c’est une opération blanche. »

Même constat pour Béatrice Thomas « nous perdons 200 litres par semaine pour une production annuelle de 460 000 litres. Mais nous pouvons profiter de notre samedi soir comme on trait plus tard le dimanche matin. On a aussi du temps libre le dimanche après-midi. Faire une pause dans la semaine, c’est vraiment appréciable quand on est éleveurs. » Et ça, ça n’a pas de prix !